
Lorsqu'un salarié commet une faute, l'employeur peut prendre des sanctions disciplinaires à son égard. Selon la gravité de la faute, la sanction peut consister en un avertissement, un blâme, une rétrogradation, une mutation, une mise à pied ou un licenciement.
La mise à pied conservatoire n'est pas une sanction disciplinaire, mais une mesure de précaution, immédiate, prise en réponse à une faute, avant la mise en place d'une procédure disciplinaire.
Mise à pied conservatoire : définition
Distinction avec la mise à pied disciplinaire
La mise à pied disciplinaire est une sanction disciplinaire en application de laquelle un salarié est écarté de l'entreprise durant quelques jours, après lesquels il pourra reprendre normalement l'exercice de ses fonctions.
La mise à pied conservatoire, elle, n'est pas une sanction. Elle est prononcée par l'employeur lorsque le maintien du salarié à son poste de travail n'est pas possible en raison d'une faute particulièrement grave qu'il aurait commise.
En pratique, la mise à pied conservatoire est une mesure provisoire prise en attente d'une sanction définitive, le plus souvent un licenciement disciplinaire, pour faute grave ou lourde.
Effets de la mise à pied conservatoire
Une mise à pied consiste en une suspension du contrat de travail :
- le salarié est dispensé d'exécuter son travail ;
- l'employeur est dispensé de payer le salaire.
La mise à pied entraîne la fin du lien de subordination entre le salarié et l'employeur.
À noter : à ce titre, si le salarié mis à pied se rend dans les locaux de l'entreprise de son propre chef et est victime d'un accident, la qualification d'accident du travail ne pourra pas être retenue (Cass. 2e civ., 21 septembre 2017, n° 16-17.580). En revanche, si la présence du salarié dans les locaux de la société résulte d'une demande de l'employeur, l'accident pourra être qualifié d'accident du travail.
Bon à savoir : si la mise à pied n'aboutit pas à un licenciement ou à une mise à pied disciplinaire, mais à une sanction moindre (blâme, avertissement, etc.) la perte de salaire devra être remboursée au salarié.
Procédure de mise à pied conservatoire
L’article L. 1332-2 du Code du travail dispose que « lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée ».
La mise à pied conservatoire est donc indissociable d'une procédure disciplinaire.
Mise en œuvre
La loi ne prévoit pas de modalité particulière de notification de la mise à pied conservatoire. En théorie, elle peut donc être verbale. En pratique, la notification sera faite par écrit, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ou par lettre simple remise en mains propres contre décharge, afin d'en conserver une trace écrite.
L'écrit sera daté, mentionnera l'éventualité d'un licenciement disciplinaire, et sera bien intitulé « mise à pied conservatoire », afin d'éviter toute confusion avec une mise à pied disciplinaire. Aucune motivation particulière n'est exigée.
Bon à savoir : la notification interrompt le délai de prescription de 2 mois à compter de la prise de connaissance de la faute par l'employeur.
Attention, si le salarié est un salarié protégé, l'inspecteur du travail devra être informé dans les 48 heures (article L. 2421-1 du Code du travail).
À noter : lorsqu'un salarié protégé fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, l'employeur a l'obligation de saisir l'inspecteur du travail dans les plus brefs délais sous peine de nullité du licenciement (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 16-26.860).
Bon à savoir : la convention collective ou le règlement intérieur de l'entreprise peuvent prévoir des dispositions particulières sur la mise à pied conservatoire (par exemple la consultation des instances représentatives du personnel). Attention, pour être opposable au salarié, le règlement intérieur doit être accessible. Dans le cas contraire, l’employeur ne peut pas prononcer une sanction disciplinaire, sous peine d’être annulée (Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 18-24.556).
Durée de la mise à pied conservatoire
La mise à pied conservatoire a une durée indéterminée (si sa durée est déterminée, elle doit pouvoir être reconduite). Elle débute à la date (et à l'heure, éventuellement) de sa notification, et prend fin au prononcé de la sanction disciplinaire.
Cependant, la mise à pied conservatoire ne peut pas se prolonger abusivement : l'employeur qui notifie une mise à pied conservatoire doit convoquer le salarié à un entretien préalable sans délai, afin que la mise à pied présente bien un caractère conservatoire et non disciplinaire (car on ne peut pas sanctionner deux fois un salarié pour la même faute). En général, la convocation a lieu dans la notification de mise à pied conservatoire ou dans les jours qui suivent. Un délai de 7 jours a ainsi été jugé trop long par la Cour de cassation (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 20-12.920). La jurisprudence peut cependant accorder un délai plus long si une enquête est nécessaire, dans l'intérêt du salarié (notamment, Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 14-22.225).
Si le délai de convocation est trop long, le juge pourra requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire… ce qui exclura une autre sanction, puisqu'une faute ne peut pas entraîner deux sanctions (non bis in idem) !
Fin de la mise à pied conservatoire
La mise à pied conservatoire prend fin le jour du prononcé de la sanction disciplinaire (le plus souvent un licenciement). Cependant, même si l'employeur a mené un entretien préalable, il peut renoncer au licenciement et prononcer seulement une mise à pied disciplinaire. Dans ce cas, la durée de la mise à pied conservatoire sera imputée sur celle de la sanction.
Si la sanction prononcée est moindre (avertissement, blâme, etc.), l'employeur devra rembourser au salarié les salaires non versés du fait de la suspension du contrat de travail.
Le salarié peut contester la décision de mise à pied conservatoire devant les prud'hommes dans les 2 ans de son prononcé. S'il est fait droit à sa demande, il pourra obtenir réparation du préjudice moral subi, et paiement des salaires non perçus durant la période.
Bon à savoir : l'annulation du licenciement d'un salarié protégé entraine l'annulation de sa mise à pied et de ses effets. Par conséquent, le salarié doit retrouver son poste (et non un poste similaire) et les salaires non perçus pendant cette période doivent lui être versés (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-25.259).