Licenciement pour faute grave

Sommaire

Motifs de licenciement interdits

Lorsqu'un salarié a commis un manquement à ses obligations, l'employeur peut décider de le licencier pour faute grave.

Quand les faits sont importants, il peut être retenu à l'encontre du salarié, une faute grave. Toutefois, ce type de licenciement ne peut s'appliquer que dans certains cas et une procédure spécifique doit être respectée.

Définition de la faute grave

La faute grave est constituée lorsqu'un fait, directement imputable à la personne du salarié et constituant une violation de ses obligations, est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, y compris temporairement.

La faute grave, qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail, peut résulter d'un agissement (ou d'une abstention) isolé ou d'un ensemble d'agissements (ou d'abstentions) du salarié qui contreviennent aux obligations contractuelles et sont un obstacle à la poursuite du contrat de travail. Bien entendu, la faute doit être réelle, sérieuse et vérifiable.

Bon à savoir : sur l'échelle des sanctions, la faute grave est d'une importance supérieure à la faute simple (sérieuse), mais moins importante que la faute lourde.

C'est à l'employeur de juger du caractère grave de la faute du salarié en analysant la situation et les circonstances dans leur globalité (circonstances entourant les faits, élément déclencheur, ancienneté du salarié, expérience, est-ce une récidive ou le comportement du salarié, jusqu'alors, était-il irréprochable ?).

Par exemple, est considéré comme légitime le licenciement pour faute grave d’un salarié qui a dissimulé une caméra dans les locaux de l’entreprise filmant ainsi ses collègues de travail à leur insu et sans la moindre autorisation de sa hiérarchie (Cass. soc., 5 février 2020, n° 19-10.154). En revanche, le seul risque d'un conflit d'intérêts ne justifie pas un licenciement. Ainsi, un salarié qui passe des contrats de sous-traitance avec la société de son épouse sans en informer son employeur ne peut être licencié de ce fait pour manquement à son obligation de loyauté (Cass. soc., 5 février 2020, n° 18-18.677).

Si le salarié trouve que la sanction est trop sévère, il peut saisir le conseil de prud'hommes afin de contester son licenciement. Dans un tel cas, il faut avoir à l'esprit que le doute profite au salarié. Le juge prud'homal peut décider que les faits constituent une faute simple, voire qu'ils ne constituent pas une cause réelle et sérieuse permettant de licencier le salarié.

À noter : rappelons que le juge ne peut en aucun cas requalifier une faute simple en faute grave. En effet, si un employeur décide de licencier un salarié pour faute simple, le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur et conclure à un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-15.940). Le juge peut en revanche se montrer plus clément. Il a en effet le droit de requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple.

Bon à savoir : un licenciement pour faute ne peut pas reposer uniquement ou principalement sur des témoignages anonymes. Ceux-ci peuvent constituer un élément d'information, mais pas une preuve principale (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241).

Exemples de faute grave justifiant un licenciement

Les juges ont eu l'occasion de retenir la faute grave dans les cas suivants :

Bon à savoir : lorsqu'un salarié ne se présente pas à son poste, l’employeur est tenu de lui demander de justifier son absence. Dans l'hypothèse où le salarié ne répond pas, l'employeur est en droit d’invoquer l’abandon de poste et d’engager une procédure de licenciement. Si l'employeur impute au salarié un abandon de poste et qu'il n'engage pas de procédure de licenciement, la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement verbal, sans cause réelle et sérieuse et non en démission (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 17-27.118).

  • absences injustifiées (le salarié est parti en vacances sans autorisation, absences fréquentes et répétées sans justification, etc.) ;
  • injures et/ou menaces à l'encontre de l'employeur, d'un client ou d'un autre salarié ;
  • dénigrement public ;
  • violences physiques ;
  • harcèlement moral ou sexuel ;

Bon à savoir : un employeur est en droit de licencier un salarié pour faute grave dès lors que ce dernier a tenu des propos dégradants à caractère sexuel à l'encontre d'un autre collègue, devant des tiers. Le fait que le salarié ait une ancienneté importante au sein de l'entreprise et qu'il n'ait aucun antécédent disciplinaire sont sans effet (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-21.877).

  • indiscipline, insubordination (refus d'exécuter une mission, refus de se soumettre aux ordres et demandes du supérieur hiérarchique, réduction volontaire de la cadence, etc.) ;
  • utilisation excessive ou abusive d'internet pour des raisons personnelles ;
  • agissements en concurrence déloyale ;
  • vols ;
  • manquement aux règles relatives à l'hygiène et à la sécurité (ébriété, non respect de l'interdiction de fumer, etc.) ;
  • non-respect des dates de début et de fin des congés payés (selon la gravité du comportement du salarié) ;
  • création, par un salarié, d'une entreprise exerçant une activité concurrente sans en avoir informé l'employeur ni obtenu son accord (Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-14.541) ;
  • le fait, pour un salarié, de privilégier ses intérêts personnels au détriment de ceux de son employeur et d'adresser une lettre à des tiers au sein de laquelle il conteste l’autorité de son supérieur hiérarchique (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-16.671) ;
  • vol commis par un salarié, en dehors de son temps de travail, dès lors que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié (ex. : un salarié, personnel naviguant d’une compagnie aérienne, commet un vol le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la compagnie – Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-18.317).

À noter : un salarié qui abuse de sa liberté d'expression sur internet pour critiquer son employeur peut être licencié pour faute grave. Dans un arrêt du 11 avril 2018, la Cour de cassation a considéré qu’un salarié avait « abusé de sa liberté d'expression », en s’appuyant sur « le caractère excessif du message qui était publié sur un site accessible à tout public, et dont les termes étaient tant déloyaux que malveillants à l'égard de l'employeur ». La Cour de cassation en a conclu que les critiques émises par le salarié constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. soc., 11 avril 2018, n° 16-18.590).

Bon à savoir : le fait, pour un salarié, de s'introduire dans la messagerie professionnelle de l'un de ses collègues et de lire ses messages inscrits comme « personnels » constitue une violation des obligations découlant de son contrat de travail. Cette violation est susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire et même d'un licenciement pour faute grave (Conseil d'État, 4e et 1re chambres réunies, 10 juillet 2019, n° 408644).

Procédure de licenciement pour faute grave

Le licenciement pour faute grave obéit aux règles classiques de licenciement personnel. Cependant, en raison de la gravité des faits imputables au salarié, le salarié licencié pour faute grave ne bénéficie pas de l'ensemble des mesures favorables de droit commun.

Lorsqu'un employeur souhaite licencier un salarié pour faute grave, il doit respecter une stricte et rigoureuse procédure, qu'il doit rapidement mettre en place.

Important : pour tout licenciement disciplinaire, l'employeur est tenu d'engager la procédure dans un délai de 2 mois suivant la connaissance des faits fautifs. Pour autant, la faute grave traduisant l'impossibilité de maintenir, même temporairement, le contrat de travail, l'employeur doit agir au plus vite. S'il tarde trop, les juges retiennent alors la faute simple. Pour s’assurer de la réalité et de la nature des faits reprochés au salarié, l’employeur peut être contraint de procéder à des vérifications en demandant, par exemple, une enquête interne ou un audit. Dans cette hypothèse, le délai de prescription de 2 mois commence à courir une fois que l’enquête est réalisée et que les conclusions sont portées à la connaissance du salarié (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-11.254).

Dans le cadre de cette enquête, l'employeur doit user de moyens justifiés et proportionnés. Ainsi, les investigations ne doivent pas porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa privée sous peine de voir le licenciement refusé (CE, 4e et 1re ch. réunies, 2 mars 2020, n° 418640).

Bon à savoir : le Code du travail ne prévoit aucune obligation pour l'employeur d'informer un salarié sur les conséquences de son comportement sur le plan disciplinaire. Ainsi, l'absence d'avertissement adressé à un salarié ne permet pas de considérer son licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass, soc., 10 juillet 2019, n° 18-13.893).

Il est important de vérifier les dispositions conventionnelles (accord collectif, convention collective) applicables à l'entreprise, car elles peuvent s'avérer plus favorables au salarié. Dans un tel cas, elles s'imposent à l'employeur. S'il ne les respecte pas, alors le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes afin de faire constater l'irrégularité de la procédure.

Bon à savoir : les dispositions particulières en faveur des salariés protégés sont applicables. Dans un tel cas, l'autorisation de l'inspecteur du travail doit être demandée. Ainsi, l'absence d'autorisation de l'inspection du travail lors du licenciement d'un salarié protégé entraîne la nullité du licenciement. Le salarié est alors en droit de demander à être réintégré. Ce droit continue de courir même si la période de protection a cessé. En termes d'indemnisation, si le salarié demande sa réintégration pendant sa période de protection, il peut prétendre à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue de la date de son éviction à la date de sa réintégration (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-13.933).

À noter : il est possible de licencier un salarié pour faute grave même si cette sanction ne figure pas dans le règlement intérieur de l'entreprise (à contrario des autres sanctions disciplinaires).

Les différentes étapes de la procédure sont les suivantes.

Mise à pied à titre conservatoire

L'employeur a la possibilité, au jour où il prend connaissance des faits fautifs, de suspendre immédiatement le contrat de travail du salarié en mettant à pied le salarié.

Dans ces conditions, le salarié cesse de se rendre sur son lieu de travail et ne perçoit plus aucune rémunération pendant toute la durée de la procédure de licenciement.

Bon à savoir : lorsqu'un salarié protégé fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, l'employeur a l'obligation de saisir l'inspecteur du travail dans les plus brefs délais sous peine de nullité du licenciement (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 16-26.860).

À noter : l'annulation du licenciement d'un salarié protégé entraine l'annulation de sa mise à pied et de ses effets. Par conséquent, le salarié doit retrouver son poste (et non un poste similaire) et les salaires non perçus pendant cette période doivent lui être versés (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-25.259).

Convocation à un entretien préalable

La convocation prend la forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge. Elle doit contenir les mentions suivantes : l'objet de l'entretien, à savoir l'éventuel licenciement y compris pour faute grave, la date, le lieu et l'heure de l'entretien ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister (article L. 1232-2 du Code du travail).

Déroulement de l'entretien préalable

Il a lieu au moins 5 jours ouvrables après présentation de la convocation. L'employeur expose les motifs de l'éventuel licenciement au salarié et recueille ses explications. Si le salarié ne se présente pas à l'entretien, l'employeur peut poursuivre la procédure.

Bon à savoir : le jour de la réception de la lettre de convocation, le jour de l'entretien et les jours non travaillés ne sont pas pris en compte dans le délai de 5 jours ouvrables. Ainsi, l’entretien ne peut avoir lieu qu’à partir du 6e jour ouvrable suivant la présentation de la lettre de convocation. Lorsque le délai expire un samedi ou un dimanche, l’entretien ne peut pas être prévu le lundi. En effet, le lundi correspond alors, suite à la prolongation, à la fin du délai minimum.

Notification du licenciement

Le licenciement est impérativement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification ne peut intervenir moins de 2 jours ouvrables après l'entretien. Elle contient nécessairement l'exposé des motifs ayant conduit l'employeur à rompre le contrat de travail.

À noter : un salarié en arrêt de travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle ne peut pas être licencié sauf pour une faute grave ou en cas d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident. Dans l'hypothèse où l'employeur licencie le salarié en arrêt de travail pour faute grave, il doit explicitement indiquer dans la lettre de licenciement la mention « licenciement pour faute grave ». À défaut, le licenciement est nul (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-16.715).

Bon à savoir : si le salarié ne reçoit pas la notification de licenciement en raison d'une erreur dans l'adresse inscrite sur le formulaire d'accusé de réception, le licenciement pourra être jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-16.362).

Le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur, et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié. Le décret propose ainsi notamment un modèle de lettre de licenciement pour motif personnel disciplinaire pour faute sérieuse, grave ou lourde.

Bon à savoir : l'article R. 1232-13 du Code du travail (issu du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail), permet au salarié de demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Cette demande doit être faite dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'employeur dispose ensuite d'un délai de quinze jours après la réception de cette demande pour apporter des précisions s'il le souhaite.

Remise des documents de fin de contrat

Ils comprennent le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi et le solde de tout compte.

Conséquences du licenciement pour faute grave : préavis et indemnité

Après un licenciement pour faute grave, le salarié n'est plus en droit de prétendre, sauf en présence de dispositions conventionnelle, contractuelles ou usuelles plus favorables, à :

À noter : dès lors que le contrat de travail d'un salarié mentionne un préavis de plusieurs mois en cas de rupture du contrat du fait de l'une ou l'autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture, le salarié doit bénéficier d'un préavis de licenciement ou d'une indemnité compensatrice même si le licenciement est fondé sur une faute grave (Cass. soc., 20 mars 2019, n° 17-26.999).

A contrario, le salarié conserve le bénéfice des droits suivants :

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