Licenciement pour inaptitude

Sommaire

Inaptitude et licenciement

Un salarié peut, au cours de sa carrière professionnelle, faire l'objet d'une déclaration d'inaptitude délivrée par le médecin du travail. L'employeur peut-il licencier un salarié inapte ?

Rappelons qu'un salarié passe, tout au long de sa vie professionnelle, plusieurs visites médicales au sein des services de la médecine du travail. Au cours d'un de ces examens, le médecin du travail peut conclure à l'inaptitude du salarié.

Bon à savoir : le décret n° 2018-502 du 20 juin 2018 institue une période de préparation au reclassement pour les fonctionnaires de l’État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions (objectifs, contenu, modalités de déroulement, situation de l'agent durant cette période, etc.).

Conditions pour qu'un salarié inapte soit licencié

Sous certaines strictes conditions, un salarié déclaré inapte par le médecin du travail peut faire l'objet d'un licenciement.

Important : la notion d'inaptitude et la procédure de licenciement qui peut en découler ont été modifiées, le 1er janvier 2017, par la loi Travail du 8 août 2016 et le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016. Les nouvelles règles sont applicables aux déclarations d'inaptitude issues d'une visite médicale ayant eu lieu depuis le 1er janvier 2017. Pour les déclarations d'inaptitude issues de visites médicales antérieures au 1er janvier 2017, c'est l'ancienne procédure qui est applicable.

Le contrat de travail d'un salarié inapte peut être rompu seulement si l'une des conditions suivantes est remplie (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail) :

  • L'employeur se trouve dans l'impossibilité de proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités. En cas d'inaptitude, le chef d'entreprise doit tout tenter pour reclasser son salarié et lui proposer un autre emploi en tenant compte des conclusions écrites et des indications formulées par le médecin du travail sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes. Si le médecin a formulé des indications sur la capacité de l’intéressé à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté, l'employeur doit également en tenir compte. L’emploi proposé dans le cadre d'une proposition de reclassement est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé par le salarié inapte, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Si l'employeur ne peut formuler aucune proposition, il doit faire connaître au salarié, avant d’engager la procédure de licenciement, et par écrit, les motifs qui s’opposent au reclassement ;

Bon à savoir : le salarié déclaré inapte ne peut pas exiger d'être reclassé sur des missions confiées à des stagiaires, celles-ci ne constituant pas un poste disponible pour le reclassement (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 16-12.191).

À noter : dans le cas d’une inaptitude non professionnelle, l’employeur est tenu à une obligation de reclassement et doit consulter le CSE à ce sujet. L’absence de consultation du CSE prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, c’est le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s’applique (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-11.974).

  • Le salarié inapte a refusé toutes les propositions de reclassement formulées par l'employeur.

Bon à savoir : dès lors que l’employeur a proposé au salarié un poste de reclassement validé par le médecin du travail, il n’est pas tenu de saisir une nouvelle fois le médecin du travail si le salarié refuse le nouveau poste en raison de l'incompatibilité avec son état de santé (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-27.986).

  • Le médecin du travail a expressément mentionné sur l'avis d'inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Dans un tel cas, l'employeur n'est pas tenu de rechercher une solution de reclassement.

Ainsi, l'inaptitude du salarié ne justifie pas, à elle seule, le licenciement du salarié. Il faut qu'elle soit combinée à l'un des motifs susvisés, lequel doit être clairement inscrit dans la lettre notifiant le licenciement.

Bon à savoir : suite à une déclaration d’inaptitude, l’employeur doit veiller à conserver ses échanges avec le médecin du travail sur des postes disponibles en vue d’un éventuel reclassement. En effet, en cas de litige ultérieur, l’employeur peut utiliser ces échanges pour prouver l’impossibilité de reclassement même s’il s’agit de simples courriels (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384).

Attention, est nul le licenciement d’un salarié devenu handicapé et déclaré inapte à son poste dès lors que l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour préserver son emploi, même si des recherches de reclassement ont été effectuées. En effet, ce licenciement est considéré comme discriminatoire (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).

À noter : une rupture conventionnelle peut également être valablement conclue entre un employeur et un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767). Cette solution permet à l'employeur d'éviter un licenciement pour inaptitude et donc de s'exonérer d’une recherche de reclassement et du paiement de l'indemnité spécifique de licenciement et de l'indemnité compensatrice, sauf cas de fraude ou de vice du consentement.

Bon à savoir : tout comme un salarié classique, un apprenti peut être déclaré inapte par le médecin du travail. Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2019, l’inaptitude d’un apprenti constitue une cause de licenciement et l’employeur n’est tenu à aucune obligation de reclassement (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018).

La procédure de licenciement pour inaptitude

L'employeur qui licencie un salarié inapte doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail), à savoir :

  • Convocation du salarié à un entretien préalable : l'employeur convoque le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Ce courrier indique son objet et mentionne la possibilité dont dispose le salarié de recourir à un conseiller (article L. 1232-2 du Code du travail).
  • Tenue de l'entretien préalable : cette entrevue a lieu au moins 5 jours ouvrables après présentation de la lettre de convocation. L'employeur indique au salarié les motifs du licenciement. Le salarié peut se faire assister (article L. 1232-4 du Code du travail). L'absence du salarié à l'entretien n'empêche aucunement la poursuite de la procédure.

Bon à savoir : par principe, un entretien préalable au licenciement doit se tenir en présence physique des parties. En revanche, il peut se dérouler par téléconférence si l’éloignement géographique des parties l’oblige, dès lors que les droits du salarié sont respectés et qu’il est en mesure de se défendre utilement (CA Versailles, 4 juin 2020, n° 17/04940).

  • Notification du licenciement par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle doit comporter l'énoncé précis des motifs du licenciement (article L. 1232-6 du Code du travail). Elle ne peut être envoyée au salarié mois de 2 jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable.

Bon à savoir : si le salarié concerné est un salarié protégé, l'autorisation de l'inspecteur du travail doit être sollicitée et le comité d'entreprise doit être consulté sur le projet de licenciement du salarié. Un vote à bulletin secret est exigé. Toutefois, le fait que les membres du comité d'entreprise s'expriment unanimement contre le projet, par un vote à main levée, ne compromet pas la régularité de la consultation (CE, 4e et 1re chambres réunies, 4 juillet 2018, n° 410904).

À noter : le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur, et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié. Le décret propose ainsi notamment un modèle de lettre de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et d'inaptitude d’origine professionnelle.

  • Remise des documents de fin de contrat : reçu pour solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi (attention, depuis le 1er juin 2021, les anciens modèles d'attestations ne sont plus acceptés par Pôle Emploi : le modèle unique valide peut être trouvé dans l'espace employeur sur pole-emploi.fr, ou sur le logiciel de paie pour les entreprises qui sont dans le périmètre de la DSN).

Les dispositions conventionnelles (convention collective, accords collectifs) applicables à l'entreprise doivent être vérifiées car elles peuvent prévoir le respect d'une procédure différente.

Important : si le licenciement concerne un salarié protégé, l'autorisation de licencier doit être demandée à l'inspecteur du travail.

Si, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical, le salarié déclaré inapte n'est pas licencié par l'employeur, il perçoit alors, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail (articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du Code du travail). Si l'employeur ne reprend pas le paiement du salaire, le salarié peut saisir la juridiction prud'homale et solliciter la résiliation judiciaire de son contrat ainsi que le paiement de diverses sommes. 

L'indemnisation du salarié inapte licencié

L'indemnité de licenciement

Le montant de l'indemnité de licenciement versée au salarié licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ou danger immédiat dépend de l'origine de l'inaptitude.

Inaptitude d'origine non professionnelle

L'employeur verse au salarié concerné l'indemnité la plus favorable de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Rappel : l'indemnité légale de licenciement est versée à partir de 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur. Son montant ne peut être inférieur à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et à 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans (article L. 1234-9 et article R. 1234-2 du Code du travail, tels qu'issus de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017).

Inaptitude d'origine professionnelle (issue d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle)

Le salarié perçoit une indemnité spéciale de licenciement qui est égale au double de l'indemnité mentionnée ci-dessus, sauf si une disposition conventionnelle plus favorable s'applique à la relation de travail (article L. 1226-14 du Code du travail).

Bon à savoir : en cas de non-respect de la procédure de reclassement d'un salarié inapte suite à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, le salarié perçoit une indemnité de 12 mois de salaire minimum (article L. 1226-15, alinéa 3 du Code du travail). Cette indemnité ne se cumule ni avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L. 1235-3 du Code du travail (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 16-10.580), ni avec l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement de l'article L. 1235-2 du Code du travail (Cass. soc., 15 décembre 2006, n° 05-42.532).

À noter : un accord d’entreprise ou une convention collective ne peut pas prévoir l’exclusion des salariés, licenciés pour inaptitude, du bénéfice d’une indemnité de licenciement d’un montant plus favorable. En effet, cette exclusion constitue une discrimination fondée sur l’état de santé. Elle est donc nulle (Cass. soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.092).

L'indemnité de préavis

Le versement d'une indemnité compensatrice de préavis dépend également de l'origine de l’inaptitude.

Inaptitude d'origine non professionnelle

Dans un tel cas, le préavis n'est pas exécuté et ne donne donc pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. Pour autant, le préavis est pris en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement. La rupture effective du contrat de travail correspond à la date de notification du licenciement (article L. 1226-4 du Code du travail).

Bon à savoir : même si le salarié ne peut pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement, et non pas jusqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 12 décembre 2018, n° 17-20.801).

À noter : les périodes d’arrêt maladie sont exclues du calcul de l’ancienneté du salarié lors de la détermination de la durée du préavis et de l’indemnité compensatrice de préavis sauf mention contraire figurant dans la convention collective. Attention, il est impératif que cela soit expressément indiqué au salarié (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 18-18.265).

Inaptitude d'origine professionnelle

Lorsque l'inaptitude est consécutive à un maladie professionnelle ou un accident du travail, la rupture des relations contractuelles ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis (article L. 1226-14 du Code du travail).

Il convient de vérifier les dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise, car elles peuvent être plus favorables au salarié. Si tel est le cas, elles s'imposent à l'employeur qui est tenu de les appliquer. Certaines conventions collectives prévoient, par exemple, le versement d'une indemnité compensatrice de préavis y compris si l'inaptitude n'est pas d'origine professionnelle.

À noter : la notion d'inaptitude constatée par le médecin du travail ne doit en aucun cas être confondue avec une notion d'inaptitude – au sens d'une incapacité – du salarié à occuper ses fonctions. Dans ce dernier cas, on parle d'insuffisance professionnelle.

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