Licenciement pour inaptitude avec danger immédiat

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professionnel de santé et médical en soins
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Au terme d'une visite médicale auprès de la médecine du travail, un salarié peut être déclaré inapte en présence d'un danger immédiat. Quelle procédure doit alors être respectée ?

La loi travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 et le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 ont profondément modifié la procédure d'inaptitude. Voici les nouvelles règles applicables à la déclaration d'inaptitude en présence d'un danger immédiat et les conditions d'un éventuel licenciement.

Important : nous évoquons dans cet article le seul cas d'une inaptitude constatée suite à une visite médicale ayant eu lieu à compter du 1er janvier 2017. Pour les déclarations d'inaptitude issues de visites médicales antérieures au 1er janvier 2017, c'est l'ancienne procédure qui est applicable.

Inaptitude physique et danger immédiat : que représente cette notion ? 

Le médecin du travail peut constater l'inaptitude médicale d'un salarié et mentionner dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (article R. 4624-42 du Code du travail). Dans ces deux cas, il y a donc présence d'un danger immédiat.

À retenir : depuis le 1er janvier 2017, seule une visite médicale (visite de reprise, visite médicale périodique...) permet au médecin du travail de délivrer un avis d'inaptitude. L'exigence de deux visites médicales espacées de 15 jours est devenue l'exception au principe. Précisons également que pour déclarer un salarié inapte, le médecin du travail doit respecter une procédure plus complète qu'avant (réalisation d'une étude de poste, d'une étude des conditions de travail, avoir échangé avec l'employeur et le salarié, etc.).

L'employeur doit-il chercher un reclassement pour le salarié en présence d'un danger immédiat ?

En principe, lorsqu'un salarié est déclaré inapte, l'employeur doit tout mettre en œuvre pour proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités (articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail).

Néanmoins, lorsque le médecin du travail a précisé dans l'avis d'inaptitude (origine professionnelle ou non) que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, alors l'employeur n'a pas à rechercher un reclassement pour le salarié concerné (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail).

Bon à savoir : suite à une déclaration d’inaptitude, l’employeur doit veiller à conserver ses échanges avec le médecin du travail sur des postes disponibles en vue d’un éventuel reclassement. En effet, en cas de litige ultérieur, l’employeur peut utiliser ces échanges pour prouver l’impossibilité de reclassement même s’il s’agit de simples courriels (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384).

Le salarié peut-il être licencié en cas d'inaptitude avec danger immédiat ?

À noter : une rupture conventionnelle peut être valablement conclue entre un employeur et un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767). Cette solution permet à l'employeur d'éviter un licenciement pour inaptitude et donc de s'exonérer d’une recherche de reclassement et du paiement de l'indemnité spécifique de licenciement et de l'indemnité compensatrice, sauf cas de fraude ou de vice du consentement.

Le danger immédiat comme motif de licenciement pour inaptitude

Depuis le 1er janvier 2017, le licenciement pour inaptitude (que cette inaptitude soit d'origine professionnelle ou non) peut reposer sur l'une de ces 2 mentions expresses écrite sur l'avis d'inaptitude du médecin du travail (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail) :

  • « tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
  • « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ».

Pour ces 2 cas, l'employeur n'a pas à justifier d'une impossibilité de reclassement.

La procédure de licenciement à respecter

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail), à savoir :

  • L'employeur convoque le salarié concerné à un entretien préalable, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette convocation indique son objet et mentionne la possibilité dont dispose le salarié de recourir à un conseiller (article L. 1232-2 du Code du travail).
  • L'entretien préalable a lieu au moins 5 jours ouvrables après la présentation de la convocation. L'employeur indique au salarié les motifs du licenciement, c'est-à-dire que, suite à la déclaration d'inaptitude par la médecine du travail, le maintien du salarié dans son emploi est gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise. Le salarié peut se faire assister (article L. 1232-4 du Code du travail). Le fait que le salarié ne se présente pas à l'entretien n'empêche en rien la poursuite de la procédure.
  • L'employeur notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle doit comporter l'énoncé précis des motifs du licenciement (article L. 1232-6 du Code du travail). Un délai d'au moins 2 jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable doit impérativement être observé.

Bon à savoir : le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement, dont notamment un modèle de lettre de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et inaptitude d'origine professionnelle. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié.

Il convient de vérifier les dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise afin de vérifier qu'elles ne prévoient pas le respect d'une procédure différente.

Bon à savoir : même si le salarié ne peut pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement, et non pas jusqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 12 décembre 2018, n° 17-20.801).

Si, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical, le salarié déclaré inapte n'est pas licencié, l'employeur lui verse dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du Code du travail).

Quelles indemnités doivent être versées au salarié inapte licencié ?

L'indemnité compensatrice de préavis

Le versement de l'indemnité compensatrice de préavis dépend de l'origine de l’inaptitude :

  • Inaptitude d'origine non professionnelle : le préavis n'est pas exécuté et ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice. Le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement (article L. 1226-4 du Code du travail).
  • Inaptitude d'origine professionnelle : la rupture du contrat de travail ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis (article L. 1226-14 du Code du travail).

Si l'entreprise est soumise à des dispositions conventionnelles plus favorables, elles doivent être respectées.

Indemnité compensatrice de préavis Lire l'article

L'indemnité de licenciement

Le montant de l'indemnité dépend elle aussi de l'origine de l'inaptitude :

  • Inaptitude d'origine non professionnelle : le salarié perçoit l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
  • Inaptitude d'origine professionnelle : le salarié a droit à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité mentionnée ci-dessus (article L. 1226-14 du Code du travail).

Bon à savoir : en cas de non-respect de la procédure de reclassement d'un salarié inapte suite à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, le salarié perçoit en plus une indemnité de 12 mois de salaire minimum (article L. 1226-15, alinéa 3 du Code du travail). Cette indemnité ne se cumule ni avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L. 1235-3 du Code du travail (Cour de cassation, chambre sociale, 23 mai 2017, n° 16-10.580), ni avec l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement de l'article L. 1235-2 du Code du travail (Cour de cassation, chambre sociale, 15 décembre 2006, n° 05-42.532).

L'indemnité légale de licenciement est versée à partir de 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur. Son montant ne peut être inférieur à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et à 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans (article L. 1234-9 et article R. 1234-2 du Code du travail, tels qu'issus de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017).

À noter : un accord d’entreprise ou une convention collective ne peut pas prévoir l’exclusion des salariés, licenciés pour inaptitude, du bénéfice d’une indemnité de licenciement d’un montant plus favorable. En effet, cette exclusion constitue une discrimination fondée sur l’état de santé. Elle est donc nulle (Cass. soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.092).

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