Au cours d'une carrière professionnelle, il peut arriver qu'un salarié soit déclaré inapte ou invalide, voire les deux. Ces deux notions que sont l'inaptitude et l'invalidité ne doivent surtout pas être confondues. Que signifient-elles et quelles sont leurs différences ?
Qu'est-ce que l'inaptitude ?
Un salarié est considéré comme étant inapte lorsque sa santé ne lui permet pas, ou ne lui permet plus, d'occuper son poste de travail. L'inaptitude d'un salarié est nécessairement déclarée par le médecin du travail au cours d'une visite médicale (articles L. 1226-2 et suivants du Code du travail).
Aujourd'hui, les visites et examens peuvent être effectués à distance, par vidéotransmission, par les professionnels de santé concernés (décret n° 2022-679 du 26 avril 2022). Par ailleurs, l'inaptitude d'un salarié peut être constatée à l'occasion d'un examen médical réalisé à sa demande. Cet examen peut être pratiqué pendant la suspension du contrat de travail du salarié – un arrêt maladie par exemple – (Cass. soc., 24 mai 2023, n° 22-10.517).
Bon à savoir : la procédure d'inaptitude a été profondément modifiée par la loi travail du 8 août 2016. Désormais, une seule visite médicale (visite de reprise, visite médicale périodique, etc.) permet au médecin du travail de délivrer un avis d'inaptitude. L'exigence de 2 visites médicales espacées de 15 jours est maintenant l'exception. Pour déclarer un salarié inapte, le médecin du travail doit respecter une procédure plus complète (réalisation d'une étude de poste, d'une étude des conditions de travail, avoir échangé avec l'employeur et le salarié, etc.).
À l'issue d'un examen médical, le médecin du travail peut donc estimer que le salarié est inapte à son poste s'il constate notamment :
- qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé par le salarié n'est possible ;
- que l'état de santé justifie un changement de poste.
Lorsqu'un salarié est déclaré inapte, deux issues sont possibles :
- soit le salarié est reclassé ;
- soit le salarié est licencié.
En effet, de la déclaration d'inaptitude d'un salarié, découle une procédure particulière pour l'employeur :
- la recherche d'une solution de reclassement, sauf en présence d'une mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;
- la mise en œuvre d'une procédure de licenciement lorsque le reclassement du salarié est impossible (impossibilité de proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, refus du salarié de chaque solution proposée) ou en présence d'un danger immédiat ;
- la reprise du salaire au bout d'un mois si le salarié n'est ni reclassé ni licencié.
Bon à savoir : suite à une déclaration d’inaptitude, l’employeur doit veiller à conserver ses échanges avec le médecin du travail sur des postes disponibles en vue d’un éventuel reclassement. En effet, en cas de litige ultérieur, l’employeur peut utiliser ces échanges pour prouver l’impossibilité de reclassement même s’il s’agit de simples courriels (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384).
Les propositions de reclassement de l’employeur doivent obligatoirement tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur les capacités et les compétences du salarié à occuper l’un des postes au sein de l’entreprise. S’il existe une difficulté ou un désaccord sur les postes de reclassement envisagés, il appartient à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis du médecin du travail.
À noter : dès lors que l’employeur a proposé au salarié un poste de reclassement validé par le médecin du travail, il n’est pas tenu de saisir une nouvelle fois le médecin du travail si le salarié refuse le nouveau poste en raison de l'incompatibilité avec son état de santé (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-27.986).
Bon à savoir : le décret n° 2018-502 du 20 juin 2018 institue une période de préparation au reclassement pour les fonctionnaires de l’État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions (objectifs, contenu, modalités de déroulement, situation de l'agent durant cette période, etc.).
De même, si l'employeur crée un poste pour le reclassement salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce nouveau poste avec les préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin (Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-24.279).
Attention, est nul le licenciement d’un salarié devenu handicapé et déclaré inapte à son poste dès lors que l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour préserver son emploi, même si des recherches de reclassement ont été effectuées. En effet, ce licenciement est considéré comme discriminatoire (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).
Qu'est-ce que l'invalidité ?
Un salarié est considéré comme invalide si, suite à un accident ou une maladie d'origine non professionnelle, sa capacité de travail ou de gain est réduite d'au moins 2/3 (dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ; article L. 341-1 du Code de la sécurité sociale).
La notion de perte de capacité de gain a été modifiée le 1er janvier 2020 par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020. Elle est désormais déterminée en fonction de la rémunération soumise à cotisations et contributions sociales que l’invalide percevait avant le début de la constatation médicale de l’invalidité ou de l’arrêt de travail suivi d’invalidité (article L. 341-1 modifié du Code de la sécurité sociale). L'invalidité ne peut être reconnue que si le salarié ne peut se procurer une rémunération supérieure au 1/3 de la rémunération qu'il percevait au titre de son précédent emploi.
Déterminée par le médecin conseil de la CPAM, elle s'apprécie en fonction de la capacité de travail restante et des possibilités d'emploi existant pour le salarié concerné tout en tenant compte de son état général, son âge et de ses facultés physiques et mentales ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle (article L. 341-3 du Code de la sécurité sociale).
Il existe 3 catégories d'invalidité (article L. 341-4 du Code de la sécurité sociale) :
- 1re catégorie : la personne concernée est dans la capacité d'exercer une activité professionnelle ;
- 2e catégorie : la personne invalide est absolument incapable d'exercer une profession quelconque ;
- 3e catégorie : la personne invalide qui est absolument incapable d'exercer une profession, et qui est, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.
L'invalide perçoit, afin de compenser sa perte importante ou totale de revenus et s'il en remplit les conditions d'attribution, une pension d'invalidité.
Bon à savoir : si l'invalidité découle d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, alors l'intéressé peut demander le versement d'une rente d'incapacité permanente et non le versement d'une pension d'invalidité.
Le classement en invalidité n'a aucune incidence directe sur le contrat de travail. L'employeur qui est informé d'une telle déclaration, peut demander au médecin du travail de recevoir le salarié concerné. Seul le médecin du travail peut décider si le salarié est apte ou non à occuper son poste de travail.
Quelles sont les principales différences entre invalidité et inaptitude ?
Vous l'avez compris, vous ne devez donc pas confondre l'invalidité et l'inaptitude car elles n'ont pas le même objet et n'ont aucun lien direct. En effet, un salarié peut tout à fait être déclaré inapte à son poste sans pour autant être invalide, et vice-versa. Bien entendu, il peut arriver qu'un salarié soit déclaré invalide par le médecin conseil et inapte par le médecin du travail.
Voici ce qui distingue principalement ces deux notions :
- leur source : l'inaptitude est réglementée par le Code du travail, tandis que l'invalidité découle des dispositions du Code de la sécurité sociale ;
- leur objet : l'inaptitude s'apprécie par rapport au poste de travail tandis que l'invalidité découle de la capacité du salarié à poursuivre une activité ;
- le médecin compétent : l'inaptitude relève de la décision du médecin du travail alors que l'incapacité dépend de la décision du médecin conseil de la CPAM. L'avis du médecin du travail ne s'impose en aucun cas au médecin conseil de l'assurance maladie et inversement ;
- la possibilité de licenciement : le salarié inapte, dès lors que de strictes conditions sont remplies, peut être licencié suite à la déclaration d'inaptitude du médecin du travail. Dans un tel cas, la procédure de licenciement pour inaptitude doit être suivie à la lettre par l'employeur. Cela n'est pas du tout le cas du salarié invalide. L'invalidité ne peut en aucun cas, à elle seule, motiver le licenciement d'un salarié. En effet, en l'absence de constatation par le médecin du travail de l'inaptitude du salarié à reprendre l'emploi précédemment occupé ou tout emploi dans l'entreprise, le licenciement prononcé au seul motif d'un classement en invalidité est nul et cause nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de réparer (Cass. soc., 13 janvier 1998, n° 95-45.439).
À noter : une rupture conventionnelle peut également être valablement conclue entre un employeur et un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767). Cette solution permet à l'employeur d'éviter un licenciement pour inaptitude et donc de s'exonérer d’une recherche de reclassement et du paiement de l'indemnité spécifique de licenciement et de l'indemnité compensatrice, sauf cas de fraude ou de vice du consentement.
Bon à savoir : certains accidents du travail peuvent entraîner la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur. La Cour de cassation définit la faute inexcusable comme « un manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le salarié, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass. 2e civ., 8 octobre 2020, n° 18-26.677). La reconnaissance de cette faute inexcusable ne nécessite pas obligatoirement que l’accident ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime ou ses représentants dans les deux ans suivant l’accident (Cass. 2e civ., 23 janvier 2020, n° 18-19.080).