Licenciement pour inaptitude médicale

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Acteur série médicale dr house Chris HE CC BY-NC-ND 2.0 / Flickr

Si l’inaptitude médicale d’un salarié à un poste de travail est reconnue par un médecin du travail, son employeur peut procéder, sous certaines strictes conditions, à un licenciement pour inaptitude médicale.

Cependant, l'entreprise doit d’abord tout mettre en œuvre pour adapter le poste de travail ou reclasser ce salarié avant d’envisager un licenciement. En effet, ce n'est que face à une impossibilité de reclassement ou à la présence d'un danger immédiat déclaré par le médecin du travail que le licenciement du salarié inapte est possible.

Inaptitude médicale en entreprise : comment réagir ?

Une inaptitude médicale doit être appréciée par rapport à :

  • un poste de travail ;
  • une fonction précise ;
  • un emploi particulier.

L’inaptitude, comme l’aptitude, ne peut être prononcée que par un médecin du travail.

Afin de constater une inaptitude médicale, le médecin du travail doit :

  • étudier le poste de travail et les conditions de travail du salarié concerné ;
  • procéder à un examen médical et éventuellement des examens complémentaires ;
  • avoir échangé avec l'employeur ;
  • indiquer la date à laquelle la fiche de l'entreprise a été actualisée.

Il délivre alors un avis d’inaptitude médicale en double exemplaire. Un exemplaire est remis au salarié, un exemplaire est remis à l’employeur.

S'ils contestent des éléments médicaux, le salarié comme l’employeur peuvent former un recours auprès du conseil de prud'hommes, saisi en référé. La formation de référé doit être saisie dans un délai de 15 jours à compter de la notification des éléments.

Bon à savoir : suite à une déclaration d’inaptitude, l’employeur doit veiller à conserver ses échanges avec le médecin du travail sur des postes disponibles en vue d’un éventuel reclassement. En effet, en cas de litige ultérieur, l’employeur peut utiliser ces échanges pour prouver l’impossibilité de reclassement même s’il s’agit de simples courriels (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384).

Une inaptitude médicale peut être constatée :

Bon à savoir : l'inaptitude d'un salarié peut en effet être constatée à l'occasion d'un examen médical réalisé à sa demande. Cet examen peut être pratiqué pendant la suspension du contrat de travail du salarié – un arrêt maladie par exemple – (Cass. soc., 24 mai 2023, n° 22-10.517).

L'inaptitude du salarié peut revêtir 2 formes :

  • l'inaptitude d'origine non professionnelle ;
  • l'inaptitude d'origine professionnelle (elle découle d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail).

Obligations de l’employeur face à l'inaptitude

Recommandations de la médecine du travail

Dans son avis d’inaptitude médicale, le médecin détermine avec précision les caractéristiques du poste de travail qui ne sont pas compatibles avec l’état de santé du salarié. Il liste :

  • les recommandations d’adaptation du poste de travail ;
  • les préconisations pour un reclassement ;
  • les formations professionnelles adaptées.

L’employeur est obligé de tenir compte de ces recommandations.

Obligation de reclassement

L’employeur doit alors adapter le poste de travail du salarié à son état de santé (article L. 1226-2 du Code du travail). Si ce n’est pas possible, il doit trouver un autre poste adapté.

En effet, lorsqu'un salarié a été déclaré inapte, l'employeur doit proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités et, donc, tout tenter pour le reclasser. Pour cela, il doit tenir compte des conclusions écrites de la médecine du travail et des indications formulées sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l'entreprise. L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs, si l'employeur crée un poste pour le reclassement salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce nouveau poste avec les préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin (Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-24.279).

Bon à savoir : les propositions de reclassement transmises au salarié doivent contenir des informations précises relatives aux postes proposés, à savoir : l'intitulé du poste, sa description, la rémunération, le lieu, la durée et les horaires de travail.

L'employeur fait connaître, le cas échéant, les motifs qui s’opposent à son reclassement (article L. 1226-2-1 du Code du travail). L’employeur ne doit pas limiter sa recherche de reclassement à son seul établissement, mais à l’ensemble de son entreprise, voire de son groupe. Cet autre poste doit être proposé après avis des délégués du personnel (DP). La simple consultation du comité d'entreprise ne suffit pas.

Bon à savoir : le décret n° 2018-502 du 20 juin 2018 institue une période de préparation au reclassement pour les fonctionnaires de l’État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions (objectifs, contenu, modalités de déroulement, situation de l'agent durant cette période, etc.).

À noter : le salarié déclaré inapte ne peut pas exiger d'être reclassé sur des missions confiées à des stagiaires, celles-ci ne constituant pas un « poste disponible » pour le reclassement (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 16-12.191).

Par ailleurs, tout comme un salarié classique, un apprenti peut être déclaré inapte par le médecin du travail. Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2019, l’inaptitude d’un apprenti constitue une cause de licenciement et l’employeur n’est tenu à aucune obligation de reclassement (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018).

Attention, est nul le licenciement d’un salarié devenu handicapé et déclaré inapte à son poste dès lors que l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour préserver son emploi, même si des recherches de reclassement ont été effectuées. En effet, ce licenciement est considéré comme discriminatoire (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).

À noter : dans le cas d’une inaptitude non professionnelle, l’employeur est tenu à une obligation de reclassement et doit consulter le CSE à ce sujet. L’absence de consultation du CSE prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, c’est le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s’applique (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-11.974).

Cas d'un refus de reclassement par le salarié

Un salarié a le droit de s'opposer à une proposition de reclassement émanant de son employeur et de la refuser. Le refus de reclassement formulé par le salarié n'est pas une faute, mais peut conduire l'employeur à procéder au licenciement du salarié ou à lui proposer d'autres postes. 

Bon à savoir : dès lors que l’employeur a proposé au salarié un poste de reclassement validé par le médecin du travail, il n’est pas tenu de saisir une nouvelle fois le médecin du travail si le salarié refuse le nouveau poste en raison de l'incompatibilité avec son état de santé (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-27.986).

Dans certaines affaires, les juges ont toutefois considéré que le refus de reclassement du salarié était abusif. Un refus abusif de reclassement peut générer, pour le salarié, la perte du bénéfice des indemnités spéciales d'inaptitude d'origine professionnelle, par exemple, et l'attribution seule d'une indemnité légale de licenciement. Néanmoins, la loi ne définit pas la notion de « refus abusif ».

Jusqu'à un récent arrêt de la Cour de cassation, il était admis que ne pouvait pas être considéré comme abusif tout refus de reclassement impliquant :

  • une modification du contrat de travail (rémunération, durée de travail, classification, etc.) ;
  • l'exercice de tâches fortement déconseillées par le médecin du travail ;
  • l'attribution d'un poste totalement étranger au poste occupé auparavant par le salarié.

La Cour de cassation a mis fin à cette ambiguïté quant à la qualification de « refus abusif » dans un arrêt (Cass. soc., 22 juin 2017, n° 16-16.977) en précisant que le seul fait de ne pas accepter un poste, bien que conforme aux prescriptions du médecin du travail et sans apporter de justifications quelconques, n'est pas de nature à caractériser un refus abusif. 

Par cette décision, la Cour de cassation précise qu'il appartient aux juges de rechercher si le refus est fondé ou non et qu'à ce titre, l'employeur doit apporter la preuve que le refus peut être caractérisé de « refus abusif de reclassement ».

Délai de reclassement du salarié inapte médicalement

L’employeur dispose d’un délai de 1 mois à partir de la réception de l’avis d’inaptitude médicale pour reclasser le salarié. Passé ce délai, il doit verser au salarié une rémunération correspondant à son salaire avant la suspension de son contrat (articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du Code du travail).

L'employeur qui ne respecte pas son obligation de reprendre le versement de la rémunération prend des risques car dans un tel cas, les juges peuvent prononcer une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Si, dans le délai d'un mois, l'employeur ne reclasse pas le salarié dans l'entreprise, mais ne le licencie pas non plus, il doit verser au salarié le salaire de l'emploi que ledit salarié occupait avant son arrêt de travail (article L. 1226-11 du Code du travail).

Résiliation judiciaire du contrat de travail Lire l'article

Inaptitude médicale : la procédure de licenciement

À noter : une rupture conventionnelle peut être valablement conclue entre un employeur et un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767). Cette solution permet à l'employeur d'éviter un licenciement pour inaptitude et donc de s'exonérer d’une recherche de reclassement et du paiement de l'indemnité spécifique de licenciement et de l'indemnité compensatrice, sauf cas de fraude ou de vice du consentement.

Trois cas de licenciement pour inaptitude

L'employeur peut licencier pour inaptitude dans 3 situations :

  • en cas d'impossibilité de reclasser le salarié : si l’employeur réussit à prouver qu’il a mis tous les moyens en œuvre pour adapter le poste de travail du salarié ou pour lui trouver un reclassement dans son entreprise ou son groupe et qu’aucune solution n’est possible, il peut procéder à un licenciement pour inaptitude médicale. En cas de contentieux, la charge de la preuve de l’impossibilité de reclassement appartient à l'employeur (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-47.686) ;
  • en cas de refus par le salarié du poste de reclassement : un licenciement pour inaptitude médicale peut aussi être engagé suite au refus du salarié des différentes propositions de reclassement de l’employeur ;
  • en cas de mention expresse, dans l’avis du médecin du travail, que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Lorsque le médecin du travail mentionne la présence d'un danger immédiat sur l'avis d'inaptitude du salarié, l'employeur n'a pas à rechercher un poste de reclassement pour le salarié concerné.

La procédure de licenciement

Les motifs du licenciement pour inaptitude médicale doivent être précisés par écrit au salarié. La procédure de licenciement est alors celle d’un licenciement pour motif personnel :

Toute disposition conventionnelle plus favorable doit bien entendu être respectée.

Bon à savoir : le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement, dont un modèle de lettre de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et un modèle de lettre de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié.

Le préavis et l'indemnité de licenciement

La présence d'un préavis et le montant de l'indemnité de licenciement varie selon l'origine de l'inaptitude :

Là encore, toute disposition conventionnelle plus favorable doit être respectée.

À noter : un accord d’entreprise, ou une convention collective, ne peut pas prévoir l’exclusion des salariés, licenciés pour inaptitude, du bénéfice d’une indemnité de licenciement d’un montant plus favorable. En effet, cette exclusion constitue une discrimination fondée sur l’état de santé. Elle est donc nulle (Cass. soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.092).

Bon à savoir : même si le salarié ne peut pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement, et non pas jusqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 12 décembre 2018, n° 17-20.801).

Ces pros peuvent vous aider