La loi (articles L. 1233-4 et suivant du Code du travail) impose deux obligations à l'employeur afin d'éviter un licenciement économique : une obligation d'adaptation du salarié à un nouveau poste, au moyen d'une formation complémentaire, et une obligation de reclassement du salarié, à un autre poste ou sur un autre lieu de travail.
Le but de ce dispositif est clair : le maintien de l'emploi doit être la règle, et le licenciement doit rester l'exception et ne s'appliquer que si aucune alternative n'a été trouvée. Le point maintenant
Obligation de reclassement : proposition de reclassement
L'obligation de reclassement est double pour l'employeur, qui doit effectuer des recherches ciblées et présenter des solutions répondant à certains critères géographiques et professionnels.
Obligation de recherche
L'obligation de reclassement concerne tous les employeurs, quelle que soit la taille de l'entreprise, et même si celle-ci fait l'objet d'une procédure collective. Encore faut-il que l'entreprise présente des difficultés économiques sérieuses et avérées entraînant une suppression ou une modification du poste de travail du salarié.
L'employeur ne peut pas se borner à constater que le profil du salarié ne correspond pas aux offres actuellement proposées sur l'intranet de l'entreprise... Il doit rechercher des solutions de manière effective et sérieuse.
L'employeur n'est jamais dispensé de son obligation de reclassement : elle s'applique même en cas de plan de sauvegarde de l'emploi, et même si le salarié a refusé par avance toute modification de son contrat de travail.
Remarque : de plus, les recherches doivent perdurer, depuis le moment où le licenciement est envisagé jusqu'à sa notification.
L’obligation de reclassement implique que l'employeur doit proposer aux salariés concernés tous les postes disponibles susceptibles de répondre aux conditions légales. Ainsi, un employeur peut proposer le même poste à plusieurs salariés (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-15.250).
Situation géographique du poste proposé
La recherche de reclassement commence au sein de l'entreprise, et s'étend à ses établissements situés dans d'autres régions. À défaut, et si l'entreprise appartient à un groupe, l'obligation s'étend à tous les établissements du groupe, à condition que leur organisation, leurs activités et leur lieu d'exploitation assurent la permutabilité de tout ou partie du personnel (article L. 1233-4 du Code du travail).
Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a supprimé l'obligation de proposer au salarié qui le demande des offres de reclassement à l'étranger si le groupe auquel l'entreprise appartient est implanté hors du territoire national.
Remarque : le reclassement peut aussi être recherché à l'extérieur de l'entreprise (chez un client, un fournisseur, par exemple) à défaut de solutions en interne. Cependant, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas, sauf disposition conventionnelle le prévoyant, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe (Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-14.373).
Caractéristiques professionnelles du poste proposé
La proposition doit porter sur un emploi disponible à la date envisagée pour le licenciement, de catégorie équivalente, et avec une rémunération équivalente. À défaut, le reclassement peut porter sur un poste de catégorie inférieure, mais cela nécessite l'accord express du salarié. Si une formation complémentaire (de courte durée) est nécessaire à l'adaptation du salarié, l'employeur doit la lui proposer.
Remarque : l'emploi proposé peut être un CDD ou un CDI, à temps plein ou à temps partiel.
L’offre de reclassement faite à un salarié préalablement à un licenciement économique ne doit pas être confondue avec un recrutement. Ainsi, un entretien avec le responsable hiérarchique et le salarié concerné peut être organisé, mais il n’est pas possible de subordonner ce reclassement aux résultats de l’entretien (Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 18-24.608).
Procédure relative à l'obligation de reclassement
L'article L. 1222-6 du Code du travail prévoit les modalités de mise en œuvre du reclassement.
Mise en œuvre du reclassement
L'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a assoupli le formalisme lié aux offres de reclassement. Elles doivent être adressées directement par écrit au salarié ou lui être communiquées par tout moyen via une liste.
Bon à savoir : les propositions de reclassement transmises au salarié doivent contenir des informations précises relatives aux postes proposés, à savoir : l'intitulé du poste, sa description, la rémunération, le lieu, la durée et les horaires de travail.
En cas de refus de ces offres, le salarié ne pourra être licencié pour motif économique qu'après de nouvelles recherches de la part de l'employeur, prenant en compte les motifs du refus.
Tout salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche pendant une durée d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande dans ce délai.
Le délai d’un court à compter de la date à laquelle prend fin le préavis, qu’il soit exécuté ou non. Ce délai peut être prolongé lorsque le salarié prend un congé de reclassement au cours du préavis même si le salarié est dispensé d’exécuter ce préavis, dans la mesure où la durée du congé de reclassement qui excède la durée du préavis engendre le report du terme de ce dernier jusqu'à la fin du congé de reclassement (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.653).
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2021, la durée du congé de reclassement peut être portée à 24 mois en cas de formation de reconversion professionnelle (décret n° 2021-626 du 19 mai 2021). De plus, le revenu versé pendant le congé de reclassement est exonéré de cotisations sociales, mais reste soumis à la CSG (6,20 %) et à la CRDS (0,50 %) après abattement de 1,75 % (loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021).
Sanction en cas de non-respect
L'obligation de reclassement est sanctionnée indirectement puisqu'en cas de non-respect, le salarié peut demander (dans le cadre d’une procédure contentieuse) des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur a une obligation de moyen renforcée : ce sera à lui de prouver qu'il a effectué toutes les recherches possibles et que le reclassement était impossible.
Bon à savoir : suite à une déclaration d’inaptitude, l’employeur doit veiller à conserver ses échanges avec le médecin du travail sur des postes disponibles en vue d’un éventuel reclassement. En effet, en cas de litige ultérieur, l’employeur peut utiliser ces échanges pour prouver l’impossibilité de reclassement même s’il s’agit de simples courriels (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384).
Refus de reclassement émanant du salarié
Un salarié peut tout à fait refuser une proposition de reclassement formulée par son employeur. Ce refus ne constitue pas une faute, mais peut conduire l'employeur à :
- licencier le salarié ;
- émettre de nouvelles propositions de reclassement.
Bon à savoir : dès lors que l’employeur a proposé au salarié un poste de reclassement validé par le médecin du travail, il n’est pas tenu de saisir une nouvelle fois le médecin du travail si le salarié refuse le nouveau poste en raison de l'incompatibilité avec son état de santé (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-27.986).
Un refus de reclassement peut néanmoins être préjudiciable pour le salarié s'il est caractérisé comme étant « abusif ». En effet, un refus abusif de reclassement peut :
- priver le salarié de l'attribution d'indemnités spéciales d'inaptitude d'origine professionnelle, par exemple ;
- lui donner uniquement droit au bénéfice de l'indemnité légale de licenciement.
La notion de « refus abusif » n'est pas définie par la loi et il a toujours été considéré par les juges que ne pouvait pas constituer un refus abusif toute non-acceptation d'une proposition de reclassement impliquant :
- une modification du contrat de contrat (rémunération, durée de travail, classification, etc.) ;
- l'exercice de tâches fortement déconseillées par le médecin du travail ;
- l'attribution d'un poste totalement étranger au poste occupé auparavant par le salarié.
La Cour de cassation a mis fin à ce vide juridique (Cass. soc., 22 juin 2017, n° 16-16.977) en précisant que le seul fait de ne pas accepter un poste, cependant conforme aux prescriptions du médecin du travail et sans apporter de justifications quelconques, n'est pas de nature à caractériser un refus abusif de reclassement.
Par cette décision, les Hauts juges précisent qu'il appartient aux juges de rechercher si le refus est fondé ou non et qu'à ce titre, l'employeur doit apporter la preuve que le refus peut être caractérisé de « refus abusif de reclassement ».
Reclassement du salarié déclaré inapte
En dehors du motif économique, et en cas d'inaptitude, l'employeur doit tout tenter pour reclasser son salarié et lui proposer un autre emploi en tenant compte des conclusions écrites et des indications formulées par le médecin du travail sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes.
L'employeur dispose d'un délai de 1 mois à partir de la réception de l'avis d'inaptitude médicale pour reclasser le salarié. Passé ce délai, il doit verser au salarié une rémunération correspondant à son salaire avant la suspension de son contrat (articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du Code du travail).
Bon à savoir : tout comme un salarié classique, un apprenti peut être déclaré inapte par le médecin du travail. Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2019, l’inaptitude d’un apprenti constitue une cause de licenciement et l’employeur n’est tenu à aucune obligation de reclassement (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018).
L'emploi présenté dans le cadre d'une proposition de reclassement doit être aussi similaire que possible à l'emploi précédemment occupé par le salarié inapte, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Par ailleurs, si l'employeur crée un poste pour le reclassement salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce nouveau poste avec les préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin (Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-24.279).
Si l'employeur ne peut formuler aucune proposition, il doit faire connaître au salarié, avant d'engager la procédure de licenciement, et par écrit, les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur a le droit de licencier le salarié déclaré inapte (article L. 1133-3 du Code du travail) dans l'un des cas suivants :
- L'employeur démontre qu'il ne peut pas garder le salarié (impossibilité de proposer un autre poste, par exemple) : c'est bien l'employeur qui doit prouver que reclasser le salarié est impossible.
- Le salarié refuse le poste proposé par l'employeur.
- Le médecin du travail précise clairement que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (article R. 4624-42 du Code du travail).
Remarque : en cas d'inaptitude, le salarié est licencié pour motif personnel, et non pour motif économique.
Bon à savoir : même si le salarié ne peut pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement, et non pas jusqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 12 décembre 2018, n° 17-20.801).
À noter : le travailleur handicapé, licencié pour inaptitude professionnelle, bénéficie de l’indemnité compensatrice de préavis, dont le montant est doublé. Dans le cadre du licenciement d’un salarié handicapé pour inaptitude non professionnelle, si l’employeur manque à son obligation de reclassement, le droit au doublement du montant de l’indemnité de préavis est, là aussi, acquis (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-22.026).
Dans le cas d’une inaptitude non professionnelle, l’employeur est tenu à une obligation de reclassement et doit consulter le CSE à ce sujet. L’absence de consultation du CSE prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, c’est le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s’applique (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-11.974).
Attention, est nul le licenciement d’un salarié devenu handicapé et déclaré inapte à son poste dès lors que l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour préserver son emploi, même si des recherches de reclassement ont été effectuées. En effet, ce licenciement est considéré comme discriminatoire (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).
Pour en savoir plus :
- Licenciement à l'amiable : le salarié et l'employeur peuvent décider d'un commun accord de la rupture du contrat de travail.
- Au terme de son licenciement, le salarié bénéficie de la somme de toutes les indemnités auxquelles il peut prétendre. Zoom sur le calcul des indemnités de licenciement.
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