Il peut arriver qu'un salarié soit victime sur son lieu de travail d'un accident du travail. Dans un tel cas, le salarié peut-il être licencié ?
Un accident du travail peut-il justifier un licenciement ?
Il est tout d'abord essentiel de rappeler que la maladie ou l'état de santé d'un salarié ne peut en aucun cas justifier un licenciement (article L. 1132-1 du Code du travail). Dans le cas contraire, les juges considèrent que le licenciement notifié est discriminatoire et donc frappé de nullité. Le salarié victime d'un accident du travail bénéficie de 3 mesures protectrices.
Interdiction de licencier pendant la durée de l'arrêt de travail
Le contrat de travail du salarié est suspendu depuis le premier jour de son arrêt de travail, jusqu'à la visite médicale de reprise d'activité effectuée par le médecin du travail. Au cours de cette période de suspension, l'employeur ne peut licencier le salarié.
Sanctions :
- le licenciement prononcé en dépit de ces dispositions est nul ;
- le salarié peut alors opter pour sa réintégration ou l'obtention d'indemnités de rupture augmentées de dommages et intérêts.
Cette mesure est applicable à la rupture de la période d'essai, ainsi qu'à la rupture conventionnelle.
À noter : les juges considèrent comme nul le licenciement d'un salarié motivé par une absence injustifiée faisant suite à une suspension du contrat de travail liée à un accident du travail, dès lors que l'employeur ne reproche pas une faute grave au salarié (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-16.715).
Obligation de réintégration du salarié apte
Le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est soumis, au terme de son arrêt de travail, à une visite médicale. Dès qu'il est à nouveau déclaré apte par le médecin du travail, l'employeur réintègre le salarié dans son emploi initial ou dans un emploi similaire.
Sanctions :
- à défaut de réintégration, le salarié apte peut obtenir le paiement d'une indemnité spécifique dont le montant ne peut être inférieur à 12 mois de salaire ;
- il obtient également l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité légale de licenciement.
Obligation de reclassement du salarié inapte
En cas d'inaptitude constatée par le médecin du travail, l'employeur doit mettre tous les moyens en œuvre pour reclasser le salarié et lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités (sauf lorsqu'un danger immédiat est mentionné dans l'avis d'inaptitude).
Lorsque l'inaptitude est d'origine professionnelle, les délégués du personnel ou le comité social et économique s'il a été institué doivent être consultés avant toute proposition de reclassement (article L. 1226-10 du Code du travail).
Bon à savoir : la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente supérieure ou égale à 10 % peut bénéficier d'un abondement de son compte personnel de formation (article L. 432-12 du Code de la sécurité sociale), en vue de suivre une action de formation de nature à favoriser sa reconversion professionnelle (décret n° 2017-1814 du 29 décembre 2017), dans la limite de 500 heures.
Le licenciement pour inaptitude professionnelle suite à un accident du travail
Le médecin du travail peut, suite à un accident du travail, constater l'inaptitude du salarié. Dans un tel cas, l'inaptitude est d'origine professionnelle et peut, sous de strictes conditions, aboutir à un licenciement du salarié. Ce n'est alors pas l'accident du travail qui justifie le licenciement mais l'un des 3 motifs suivants (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail) :
- l'inaptitude d'origine professionnelle et l'impossibilité de reclassement (l'employeur fait connaître par écrit au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement) ;
- l'inaptitude d'origine professionnelle et le refus par le salarié des offres de reclassement formulées par l'employeur ;
- l'inaptitude d'origine professionnelle et la mention sur l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Dans l'un de ces cas, le salarié peut donc être licencié.
La procédure de licenciement pour inaptitude s'applique, à savoir :
- Convocation du salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge indiquant son objet et mentionnant la possibilité dont dispose le salarié de recourir à un conseiller (article L. 1232-2 du Code du travail).
- Tenue de l'entretien préalable au moins 5 jours ouvrables après la présentation de la convocation.
- Notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception énonçant précisément les motifs (article L. 1232-6 du Code du travail). La lettre de notification doit être signée par l'employeur ou un salarié de l'entreprise mandaté. Tout licenciement notifié par une personne extérieure à l'entreprise est jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 26 avril 2017 n° 15-25.204).
- Remise des documents de fin de contrat: reçu pour solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle emploi (attention, depuis le 1er juin 2021, les anciens modèles d'attestations ne sont plus acceptés par Pôle Emploi : le modèle unique valide peut être trouvé dans l'espace employeur sur pole-emploi.fr, ou sur le logiciel de paie pour les entreprises qui sont dans le périmètre de la DSN).
Si des dispositions conventionnelles plus favorables existent dans l'entreprise, elles doivent être respectées.
Bon à savoir : même si le salarié ne peut pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement, et non pas jusqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 12 décembre 2018, n° 17-20.801).
Si, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical, le salarié déclaré inapte n'est pas licencié, l'employeur lui verse dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (articles L. 1226-4 et L. 1226-11 du Code du travail).
Attention : si le salarié concerné est un salarié protégé, l'autorisation de l'inspecteur du travail doit être sollicitée. Attention, pour bénéficier du statut de salarié protégé, le salarié lié par un mandat extérieur à l'entreprise doit informer son employeur qu'il détient un mandat lui permettant de profiter du statut protecteur (Cass. soc., 16 janvier 2019, n° 17-27.685).
L'inaptitude étant consécutive à un accident du travail, le salarié perçoit :
- une indemnité spéciale de licenciement qui est égale au double du montant de l'indemnité de licenciement, sauf si une disposition conventionnelle plus favorable s'applique à la relation de travail (article L. 1226-14 du Code du travail) ;
- une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis (article L. 1226-14 du Code du travail) ;
- une indemnité compensatrice de congés payés si le salarié n'a pas soldé tous les congés qu'il a acquis.
À noter : un accord d’entreprise ou une convention collective ne peut pas prévoir l’exclusion des salariés, licenciés pour inaptitude, du bénéfice d’une indemnité de licenciement d’un montant plus favorable. En effet, cette exclusion constitue une discrimination fondée sur l’état de santé. Elle est donc nulle (Cass. soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.092).
Bon à savoir : en cas de non-respect de la procédure de reclassement du salarié inapte, ce dernier perçoit une indemnité de 12 mois de salaire minimum (article L. 1226-15, alinéa 3 du Code du travail). Cette indemnité ne se cumule ni avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L. 1235-3 du Code du travail (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 16-10.580), ni avec l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement de l'article L. 1235-2 du Code du travail (Cass. soc., 15 décembre 2006, n° 05-42.532).
Le possible licenciement du salarié pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat
Dans deux cas très encadrés, le salarié victime d'un accident du travail peut être licencié pendant la période de suspension du contrat de travail.
En effet, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur peut rompre le contrat de travail s'il justifie, soit (article L. 1226-9 du Code du travail) :
- d'une faute grave de l'intéressé ;
Exemple : un sportif professionnel, qui se blesse dans l'exercice de son activité, mais qui refuse de se soumettre aux soins nécessaires malgré l'obligation de soin prévue par une clause contractuelle, manque de loyauté envers son employeur et commet une faute grave, justifiant son licenciement disciplinaire. En effet, bien qu'accidenté, le salarié commet un manquement à son obligation de loyauté (Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-18.912).
- de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident du travail. Dans un tel, les circonstances entraînant la rupture du contrat doivent impérativement être indépendantes du comportement du salarié (Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-44.325).
Exemple : la cessation d'activité de l'entreprise rend matériellement impossible la poursuite des relations contractuelles (Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.156).
Bon à savoir : prévu par les ordonnances de 2017 sur le renforcement du dialogue social et la sécurisation des relations de travail, un Code du travail numérique a été instauré en janvier 2020. Ce service, proposé par le ministère du Travail, permet de faciliter l'accès au Code du travail avec des outils et ressources pour les salariés et employeurs : réponses personnalisées aux questions des usagers, calculs de droits, modèles de documents, articles du Code du travail et textes conventionnels, etc.