
Le licenciement pour motif personnel peut être à caractère disciplinaire : il sanctionne alors une faute du salarié, dont la gravité doit être définie et qualifiée.
Un licenciement pour motif personnel peut être :
- un licenciement pour faute : faute grave, faute lourde ou abandon de poste ;
- un licenciement hors faute : licenciement pour inaptitude, insuffisance professionnelle, maladie ou accident du travail.
Licenciement pour faute : les degrés de gravité de la faute
Le licenciement pour faute est aussi appelé licenciement disciplinaire. Du degré de gravité de la faute, va découler les modalités du licenciement. Dans un tel cas, le salarié a manqué à ses obligations contractuelles. Ainsi, en réponse à des faits qu'il considère comme fautifs, l'employeur peut opter pour un licenciement du salarié.
Différents types de fautes du licenciement pour faute
Tous les faits fautifs ne relèvent pas de la même gravité et n'entraînent donc pas les mêmes conséquences pour leur auteur. De ce fait, il existe plusieurs degré de fautes. Les voici :
- la faute simple (également appelée faute sérieuse) ;
- la faute grave ;
- la faute lourde.
À noter : rappelons que le juge ne peut en aucun cas requalifier une faute simple en faute grave. En effet, si un employeur décide de licencier un salarié pour faute simple, le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur et conclure à un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-15.940). Le juge peut en revanche se montrer plus clément. Il a en effet le droit de requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple.
La faute simple ou sérieuse
La faute simple correspond au premier degré de faute permettant de justifier la rupture du contrat de travail. Le salarié manque à ses obligations et ce manquement constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Pour autant, la gravité des faits, si elle justifie le licenciement, ne justifie pas un congédiement immédiat.
Exemples : altercation entre le salarié et l'employeur (aux torts du salarié) devant des clients de l'employeur, absence injustifiée d'une journée en mesure de représailles, refus de poursuivre une formation mise en place dans l'intérêt de la société, le fait de ne plus posséder de véhicule alors qu'une clause du contrat de travail prévoit que l'activité professionnelle du salarié exige de détenir une voiture, non-respect des dates de début et de fin des congés payés, etc.
La faute grave
Constitue une faute grave, un fait (ou ensemble de faits), directement imputable ou salarié, traduisant une violation de ses obligations et dont l'importance et la gravité sont telles qu'elles rendent impossible le maintien, même temporaire, du salarié dans l'entreprise.
Exemples : abandon de poste ou absences injustifiées, indiscipline, violence, agressions, harcèlement moral ou sexuel, vol, poursuite du travail alors que le salarié n'est pas en état de le faire, manquement à son obligation de loyauté, création d'une entreprise exerçant une activité concurrente à celle de l'employeur, dissimulation d'une caméra dans les locaux de l'entreprise sans information des autres salariés ni de la hiérarchie, contestation de l'autorité de l'employeur dans une lettre envoyée à des tiers...
Bon à savoir : pour qu'un abandon de poste constitue une faute grave, l'absence du salarié doit entraîner une perturbation du bon fonctionnement du service (Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-17.563). Par ailleurs, la mention de la perturbation d’un service dans la lettre de licenciement, sans indiquer que ce service est essentiel dans l’entreprise, ne vaut pas automatiquement licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que les éléments de preuve fournis par l’employeur révèlent que les absences répétées perturbaient bien l’entreprise dans son ensemble (Cass. soc., 5 février 2020, n° 18-17.394).
À noter : un salarié qui abuse de sa liberté d'expression sur internet pour critiquer son employeur peut être licencié pour faute grave. Dans un arrêt du 11 avril 2018, la Cour de cassation a considéré qu’un salarié avait « abusé de sa liberté d'expression », en s’appuyant sur « le caractère excessif du message qui était publié sur un site accessible à tout public, et dont les termes étaient tant déloyaux que malveillants à l'égard de l'employeur ». La Cour de cassation en a conclu que les critiques émises par le salarié constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. soc., 11 avril 2018, n° 16-18.590).
La faute lourde
La faute lourde est le plus fort degré et est très peu utilisée en pratique car elle suppose l'intention de nuire du salarié (ce qui est matériellement très difficile à prouver devant une juridiction prud'homale).
Les faits commis par le salarié doivent non seulement revêtir une exceptionnelle gravité mais doivent avoir été commis dans l'intention de nuire à l'employeur, de lui porter préjudice.
Exemples : dégradation volontaire de matériel, détournement de clientèle au profit de la concurrence, menaces de mort envers son employeur...
À noter : pour la Cour de cassation, une agression physique du gérant de la société au cours d’un entretien disciplinaire, volontaire et préméditée de la part du salarié, procède d’une intention de nuire et constitue une faute lourde (Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16‑26.013).
Bon à savoir : constitue une faute lourde le fait, pour un salarié, de dissimuler la création d’une entreprise ayant une activité concurrente vis-à-vis de son employeur, alors qu’il travaillait encore dans l’entreprise, qu’il était lié par une clause d’exclusivité et qu’il détournait des clients de son employeur L'intention de nuire est en effet caractérisée (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-28.943).
Procédure disciplinaire et licenciement pour faute
La procédure disciplinaire à appliquer dépend du degré de la faute. Ainsi, la première étape consiste à qualifier le degré de la faute commise par le salarié.
Qualification de la faute
L'employeur doit donc globalement apprécier la situation et se poser les questions suivantes :
- Mon collaborateur a-t-il beaucoup d'ancienneté ? Une plus grande tolérance est en effet appliquée au salarié ayant beaucoup d'ancienneté et n'ayant jamais fait de vagues.
- Quel a été le comportement passé de mon salarié ? Est-ce la première fois ? Est-ce un comportement répété ? A-t-il déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires ?
À noter : un employeur ne peut pas licencier un salarié au motif qu'il juge son attitude arrogante. En effet, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Par conséquent, pour justifier le licenciement, l'employeur doit apporter la preuve que les propos du salarié comportaient des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. soc., 15 janvier 2020, n° 18-14.177).
Bon à savoir : la rétrogradation est une sanction disciplinaire qui constitue une modification du contrat de travail. Elle nécessite donc l’accord du salarié. Dès lors que ce dernier refuse la rétrogradation, l’employeur ne peut pas la mettre à exécution. Par conséquent, l'employeur peut prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 18-18.146).
- Mon salarié est-il expérimenté ? Parfois, le manque d'expérience peut être la véritable raison ou peut partiellement expliquer un comportement ou un fait. Dans un tel cas, il convient d'être plus indulgent, afin de ne prendre aucun risque de requalification du licenciement par les juges.
- Dans quel contexte les faits sont-il survenus (bagarre, rixe, défaut de sécurité, dispute…) ?
Cette étape ne doit pas être prise à la légère. Une qualification au plus juste des faits permet de s'exposer au minimum à un risque de contentieux, et donc de sécuriser la procédure de licenciement qui va en découler.
Bon à savoir : un licenciement pour faute ne peut pas reposer uniquement ou principalement sur des témoignages anonymes. Ceux-ci peuvent constituer un élément d'information, mais pas une preuve principale (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241).
À noter : lorsque l'employeur n'organise pas la visite de reprise suite à un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle, une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel, et que le salarié ne se présente pas à son poste de travail, celui-ci ne peut pas être considéré comme abandonnant son poste et licencié à ce titre. En effet, si l'employeur n'organise pas la visite de reprise, le contrat de travail demeure suspendu. Cette suspension dure tant que la visite de reprise n'a pas été effectuée (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-17.492).
Remarque : lorsqu'un salarié ne se présente pas à son poste, l'employeur est tenu de lui demander de justifier son absence. Dans l'hypothèse où le salarié ne répond pas, l'employeur est en droit d'invoquer l'abandon de poste et d'engager une procédure de licenciement. Si l'employeur impute au salarié un abandon de poste et qu'il n'engage pas de procédure de licenciement, la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement verbal, sans cause réelle et sérieuse et non en démission (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 17-27.118).
Procédure de licenciement pour faute
Lorsqu'un employeur licencie un salarié pour faute, il est tenu de respecter la procédure suivante (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail) :
- convocation du salarié à un entretien préalable ;
- tenue de l'entretien préalable au cours duquel l'employeur indique les motifs de l'éventuel licenciement au salarié et recueille ses explications ;
- notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle contient l'énoncé précis des motifs de licenciement (article L. 1232-6 du Code du travail) ;
- remise des documents de fin de contrat: solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle emploi (attention, depuis le 1er juin 2021, les anciens modèles d'attestations ne sont plus acceptés par Pôle Emploi : le modèle unique valide peut être trouvé dans l'espace employeur sur pole-emploi.fr, ou sur le logiciel de paie pour les entreprises qui sont dans le périmètre de la DSN).
Bon à savoir : le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur, et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié. Le décret propose ainsi notamment un modèle de lettre de licenciement pour motif personnel disciplinaire pour faute sérieuse, grave ou lourde.
À noter : il est possible de licencier un salarié pour faute grave même si cette sanction ne figure pas dans le règlement intérieur de l'entreprise (à contrario des autres sanctions disciplinaires).
Remarque : un salarié en arrêt de travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle ne peut pas être licencié sauf pour une faute grave ou en cas d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident. Dans l'hypothèse où l'employeur licencie le salarié en arrêt de travail pour faute grave, il doit explicitement indiquer dans la lettre de licenciement la mention « licenciement pour faute grave ». À défaut, le licenciement est nul (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-16.715).
Précisons que s'agissant d'un licenciement pour motif disciplinaire, l'employeur dispose d'un délai de 2 mois suivant la connaissance des faits pour engager la procédure. Pour s'assurer de la réalité et de la nature des faits reprochés au salarié, l'employeur peut être contraint de procéder à des vérifications en demandant, par exemple, une enquête interne ou un audit. Dans cette hypothèse, le délai de prescription de 2 mois commence à courir une fois que l'enquête est réalisée et que les conclusions sont portées à la connaissance du salarié (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-11.254).
En principe, le licenciement disciplinaire doit intervenir dans un délai d’un mois maximum à compter de l’entretien préalable. Toutefois, certains secteurs d’activités imposent que le conseil de discipline soit saisi avant de procéder au licenciement. Dans ce cas, après avis du conseil de discipline, l’employeur dispose d’un nouveau délai d’un mois pour licencier le salarié (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-31.328).
Bon à savoir : l'article R. 1232-13 du Code du travail (issu du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail) permet au salarié de demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Cette demande doit être faite dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'employeur dispose ensuite d'un délai de quinze jours après la réception de cette demande pour apporter des précisions s'il le souhaite.
À noter : le Code du travail ne prévoit aucune obligation pour l'employeur d'informer un salarié sur les conséquences de son comportement sur le plan disciplinaire. Ainsi, l'absence d'avertissement adressé à un salarié ne permet pas de considérer son licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass, soc., 10 juillet 2019, n° 18-13.893).
Conséquences du licenciement pour faute
Les conséquences du licenciement dépendent de la gravité de la faute.
Faute simple ou sérieuse
Le salarié est tenu d'exécuter une période de préavis et perçoit, s'il en remplit les conditions d'attribution :
- la plus favorable de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article L. 1234-9 du Code du travail) ;
- une indemnité compensatrice de préavis (article L. 1234-5 du Code du travail) ;
- une indemnité compensatrice de congés payés (article L. 3141-28 du Code du travail).
Bon à savoir : le montant de l’indemnité de licenciement est calculé en tenant compte de l’ancienneté acquise par le salarié à la date de la fin du préavis. Toutefois, lorsqu'une faute grave intervient pendant l’exécution du préavis, celle-ci met un terme au préavis. L’indemnité de licenciement est alors calculée selon l’ancienneté acquise à la date d’interruption du préavis (Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-12.606).
Faute grave ou lourde
Un salarié licencié pour faute grave ou lourde n'a pas à effectuer de préavis, car la gravité des faits justifie la cessation immédiate du contrat de travail. Il ne perçoit donc pas d'indemnité compensatrice de préavis.
Également, le salarié concerné par un tel licenciement ne perçoit aucune indemnité de licenciement. Pour autant, en cas de faute grave comme de faute lourde, l'employeur verse au salarié une indemnité compensatrice de congés payés s'il n'a pas pu bénéficier de la totalité de son droit à congés payés avant la rupture du contrat.
À noter : la faute grave et la faute lourde produisent les mêmes effets depuis une décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 selon laquelle l'exclusion de l'indemnité compensatrice de congés payés auparavant applicable en cas de faute lourde est inconstitutionnelle (décision n° 2015-523, QPC du 2 mars 2016).
Quel que soit le degré de faute retenue, il convient de vérifier les dispositions conventionnelles, contractuelles ou usuelles applicables à la relation de travail car elles peuvent contenir des dispositions plus favorables pour le salarié qui doivent être respectées.
Exemple : une convention collective peut prévoir qu'un préavis doit être réalisé, y compris en présence d'une faute grave. Par ailleurs, dès lors que le contrat de travail d'un salarié mentionne un préavis de plusieurs mois en cas de rupture du contrat du fait de l'une ou l'autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture, le salarié doit bénéficier d'un préavis de licenciement ou d'une indemnité compensatrice même si le licenciement est fondé sur une faute grave (Cass. soc., 20 mars 2019, n° 17-26.999).
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