Licenciement pour abandon de poste

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Abandon de poste et licenciement

Il peut parfois arriver, pour des raisons diverses, qu'un salarié cesse subitement de venir travailler, sans donner d'explications ni de nouvelles à son employeur. On parle alors d'abandon de poste. L'employeur peut-il licencier le collaborateur qui arrête brutalement de se rendre sur son lieu de travail ?

L'employeur peut, sous certaines conditions, licencier un salarié pour abandon de poste. Dans un tel cas, le licenciement est un licenciement pour motif personnel. Pour autant, le chef d'entreprise doit respecter une stricte procédure.

Il est aussi à noter que, dans certains cas, le licenciement du salarié est impossible ou que l'employeur souhaite profiter de la procédure de présomption de démission en cas d'abandon de poste. Cette procédure est entrée en vigueur le 19 avril 2023.

Définition de l'abandon de poste

Un salarié qui souhaite quitter son emploi peut opter pour :

  • la démission : dans un tel cas le salarié décide de lui-même de rompre son contrat de travail mais il ne perçoit aucune indemnité de rupture ni allocations chômage, sauf s'il s'agit d'une démission considérée comme légitime par Pôle emploi ;
  • la rupture conventionnelle, qui est un mode de rupture amiable du contrat de travail mais qui nécessite l'accord de l'employeur.

Quand l'employeur ne donne pas son accord pour rompre d'un commun accord les relations contractuelles, il peut arriver qu'un salarié, qui souhaite bénéficier des allocations chômage, préfère le licenciement et commette ainsi une faute de nature à entraîner la fin de son contrat.

Pour cela, il peut opter pour un abandon de poste. Dans ce cas, le salarié cesse, du jour au lendemain, sans avoir prévenu son entreprise et sans autorisation, de se rendre sur son lieu de travail. Il ne vient donc plus travailler, sans motif.

Attention toutefois, depuis le 19 avril 2023, l'employeur peut choisir d'utiliser la procédure de présomption de démission pour rompre le contrat de travail d'un salarié qui a abandonné son poste. Dans cette hypothèse, si la démission n'est pas contestée, le salarié ne pourra pas bénéficier des allocations chômage.

Exemples : le salarié ne revient pas travailler suite à ses congés payés. Le collaborateur cesse brutalement de se rendre sur son lieu de travail. Le salarié refuse de rejoindre sa nouvelle affectation et ne vient plus travailler.

Abandon de poste : démission ou licenciement ?

Présomption de démission

La loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 instaure une présomption simple de démission lorsqu'un salarié abandonne son poste. Ainsi, un salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai (nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail).

Depuis le 19 avril 2023, l'employeur n'est donc plus contraint d'engager une procédure de licenciement pour rompre le contrat de travail d'un salarié qui a abandonné son poste.

Abandon de poste : le salarié peut-il être licencié ?

Depuis le 19 avril 2023, tout employeur qui souhaite mettre fin au contrat de travail d'un salarié qui a abandonné son poste doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission.

Néanmoins, le décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 laisse le choix à l'employeur qui peut continuer à recourir au licenciement pour faute grave en cas d'abandon de poste. La procédure de présomption de démission en cas d'abandon de poste n'est donc pas la seule option pour mettre fin au contrat de travail d'un salarié ayant abandonné son poste.

L'employeur peut donc continuer à licencier le salarié en cas d'abandon de poste, y compris pour faute grave, car le salarié manque alors grandement à ses obligations contractuelles, puisqu'il ne vient tout simplement plus travailler.

Pour autant, afin de pouvoir licencier son salarié, l'employeur doit s'assurer de la véracité de l'abandon de poste. En effet, il peut arriver que le salarié ait cessé son activité et n'ait pas prévenu car il a, par exemple, eu un accident, qu'il a été hospitalisé, ou qu'un grave problème familial est survenu. Dans un tel cas, le licenciement ne se justifie pas.

Il se peut également que le salarié ait quitté son lieu de travail et ne soit pas revenu travailler car il a fait usage de son droit de retrait, estimant être confronté à un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé au sein de l'entreprise. Là encore, le licenciement est impossible.

L'employeur doit donc, avant d'engager toute procédure de licenciement, tenter de joindre son salarié afin d'obtenir des explications. En parallèle, il est conseillé à l'employeur de se rapprocher des collègues de travail ou du supérieur hiérarchique du salarié afin de savoir dans quel état d'esprit était le salarié la dernière fois qu'il est venu travailler.

Bon à savoir : l'employeur a la possibilité, lorsque des agissements suspects de la part d'un salarié sont portés à sa connaissance, de procéder à des investigations afin de prononcer d'éventuelles sanctions disciplinaires. Dans le cadre de cette enquête, l'employeur doit user de moyens justifiés et proportionnés. Ainsi, les investigations ne doivent pas porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa privée sous peine de voir le licenciement refusé (CE, 4e et 1re ch. réunies, 2 mars 2020, n° 418640).

Sans nouvelle de son salarié, l'employeur doit alors envoyer au domicile de celui-ci une lettre de mise en demeure lui demandant de reprendre immédiatement son travail et de justifier l'absence. Si le salarié ne répond pas, l'envoi d'un deuxième courrier est recommandé.

Si le salarié ne sort pas de son silence, l'employeur peut alors engager une procédure de licenciement, l'abandon de poste étant considéré par la Cour de cassation comme une cause réelle et sérieuse de licenciement voire une faute grave (Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 06-41.671). Afin de savoir s'il peut retenir la faute grave, l'employeur doit analyser la situation et se demander, par exemple, si l'absence du salarié désorganise grandement son service (Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-17.563). La faute grave doit être écartée si l'employeur est en mesure de rapidement procéder au remplacement du salarié et que le travail n'est, de ce fait, pas désorganisé (Cass. soc., 1er mars 1995, n° 91-43.718).

Bon à savoir : si l'employeur impute au salarié un abandon de poste et qu'il n'engage pas de procédure de licenciement, la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement verbal, sans cause réelle et sérieuse et non en démission (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 17-27.118).

À noter : pendant toute la durée de l'absence, le salarié n'est pas rémunéré.

Procédure de licenciement à respecter en cas d'abandon du poste du salarié

L'employeur doit nécessairement engager la procédure de licenciement dans les 2 mois suivant la connaissance des faits (article L. 1332-4 du Code du travail). Pour autant, si l'employeur opte pour un licenciement pour faute grave, il doit agir rapidement.

Exemple : la Cour de cassation considère qu'un délai de 6 semaines est trop long et que la faute ne justifiait ainsi pas une rupture immédiate du contrat (Cass. soc., 6 décembre 2000, n° 98-43.441).

À noter : pour s’assurer de la réalité et de la nature des faits reprochés au salarié, l’employeur peut être contraint de procéder à des vérifications en demandant, par exemple, une enquête interne ou un audit. Dans cette hypothèse, le délai de prescription de 2 mois commence à courir une fois que l’enquête est réalisée et que les conclusions sont portées à la connaissance du salarié (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-11.254).

L'employeur doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel dont les étapes sont les suivantes (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail) :

  • envoi des courriers de mise en demeure ;
  • convocation du salarié à un entretien préalable ;
  • tenue de l'entretien préalable. Il est à noter que l'absence du salarié à l'entretien n'empêche pas la suite de la procédure ;
  • notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle contient l'énoncé précis des motifs de licenciement ;

Bon à savoir : le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur, et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié. Le décret propose ainsi notamment un modèle de lettre de licenciement pour motif personnel disciplinaire pour faute sérieuse, grave ou lourde.

  • respect, le cas échéant, d'une période de préavis. Si le salarié est licencié pour faute grave, aucune période de préavis ne doit être observée, sauf en présence de dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires ;
  • remise des documents de fin de contrat: solde de tout comptecertificat de travail, attestation Pôle emploi (attention, depuis le 1er juin 2021, les anciens modèles d'attestations ne sont plus acceptés par Pôle Emploi : le modèle unique valide peut être trouvé dans l'espace employeur sur pole-emploi.fr, ou sur le logiciel de paie pour les entreprises qui sont dans le périmètre de la DSN).

Il est nécessaire de vérifier les dispositions conventionnelles applicables à la relation de travail afin de vérifier qu'elles ne prévoient pas une procédure différente, plus complète car, dans un tel cas, l'employeur est tenu de la respecter.

Si l'employeur retient la cause réelle et sérieuse de licenciement, il doit verser à son salarié une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité compensatrice de congés payés si le salarié n'a pas épuisé son droit à congé.

S'il opte pour la faute grave, seule l'indemnité compensatrice de congés payés est versée, sauf si des dispositions conventionnelles ou contractuelles prévoient le versement d'une indemnité de licenciement ou de préavis y compris pour faute grave.

Que se passe-t-il si le salarié revient travailler ?

Après avoir été mis en demeure, le salarié peut décider de reprendre son travail.

Plusieurs situations sont envisageables :

  • le salarié reprend son travail et justifie son absence, qui était légitime : la procédure de licenciement ne peut se poursuivre, le salarié ayant valablement justifié son absence ;
  • le salarié revient travailler, justifie son absence, laquelle n'est pas légitime : la procédure de licenciement peut être poursuivie et le salarié peut être licencié. Dans un tel cas, la faute grave ne peut pas être retenue ;
  • le salarié revient sur son lieu de travail mais ne justifie pas son absence : la procédure de licenciement peut également être poursuivie, sans que la faute grave ne puisse être retenue.

Risques de l'abandon de poste

Enfin, l'abandon de poste peut être risqué, tant pour le salarié que l'employeur. En voici les raisons :

Pour le salarié

L'employeur vindicatif peut refuser de licencier le salarié fautif. Le salarié ne travaille pas, l'employeur ne lui verse pas de salaire, mais le salarié est considéré comme faisant partie de l'entreprise. Dans ces conditions, il ne peut prétendre aux documents nécessaires à l'obtention des allocations chômage.

Pour l'employeur

Cette alternative comporte également des risques. Au terme d'un délai d'inertie trop long, l'employeur ne peut plus licencier le salarié, faute de motif réel et sérieux.

Abandon de poste et présomption de démission

Si l'employeur considère que la procédure de licenciement est trop contraignante, il peut opter pour la procédure de mise en demeure et présomption de démission.

Lorsque l'employeur constate l'absence du salarié à son poste de travail et qu'il souhaite utiliser cette procédure, il doit mettre le salarié en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai minimal de 15 jours, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Si passé ce délai, le salarié n'a pas repris son poste et justifié son absence, il est alors considéré comme démissionnaire. Il doit respecter un préavis puis, à l'issue de celui-ci, le contrat de travail est rompu. Le salarié démissionnaire ne peut pas prétendre aux allocations chômage.

Bon à savoir : la présomption de démission en cas d'abandon de poste est une présomption simple. Le salarié peut apporter la preuve contraire et contester la rupture de son contrat de travail en saisissant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes. Ce dernier dispose d'un délai de 1 mois pour rendre sa décision. Pour apporter la preuve contraire, le salarié devra démontrer que son abandon de poste est justifié par un motif légitime.

 

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