Lorsqu'on travaille, il est possible d'abandonner son poste pour des raisons personnelles. Pour certains toutefois, cette pratique était surtout une façon efficace de quitter son emploi tout en ayant le droit de toucher une allocation chômage sous certaines conditions. Pratique qui n'est plus d'actualité depuis le 19 avril 2023, date à laquelle est entrée en vigueur la présomption de démission en cas d'abandon de poste. La démission ne donnant pas droit aux allocations chômage, l'ancienne pratique est devenue sans intérêt.
Mais quelles sont réellement les conséquences d'un abandon de poste ? Avant de prendre votre décision, lisez attentivement notre article.
Bon à savoir : prévu par les ordonnances de 2017 sur le renforcement du dialogue social et la sécurisation des relations de travail, un Code du travail numérique a été instauré en janvier 2020. Ce service, proposé par le ministère du Travail, permet de faciliter l'accès au Code du travail avec des outils et ressources pour les salariés et employeurs : réponses personnalisées aux questions des usagers, calculs de droits, modèles de documents, articles du Code du travail et textes conventionnels, etc.
Abandon de poste : définition
Contrairement à ce que l’on pense, l'abandon de poste ne se fait pas du jour au lendemain. En effet, le fait de quitter brusquement votre emploi, sans justification et sans l'accord de votre l'employeur, n’est reconnu comme un abandon de poste qu’au bout de 3 à 4 jours. Avant cela, votre employeur doit d’abord laisser passer 1 à 2 jours d’attente pour vérifier s’il ne reçoit pas un arrêt maladie.
Une fois ce délai passé, le chef d'entreprise envoie une ou plusieurs lettres de mise en demeure afin de vous demander de justifier au plus vite votre absence et de reprendre immédiatement votre travail.
À noter : un salarié, qui ne se présente pas à son poste de travail car l’employeur n’organise pas la visite de reprise suite à un congé maternité ou une absence pour maladie professionnelle ou accident du travail, ne peut pas être considéré comme abandonnant son poste. En effet, si l’employeur n’organise pas la visite de reprise, le contrat de travail demeure suspendu. Cette suspension dure tant que la visite de reprise n’a pas été effectuée (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-17.492).
Conséquences de l'abandon de poste : une présomption de démission
Depuis le 19 avril 2023, les conséquences de l'abandon de poste ont évolué.
Abandon de poste et présomption de démission : principe
La loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 instaure une présomption simple de démission lorsqu'un salarié abandonne son poste. Ainsi, un salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai (nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail).
Cette présomption de démission est subordonnée au caractère volontaire de l’abandon de poste du salarié. Cela signifie que, dès lors que l’abandon de poste est contraint et résulte, par exemple du comportement fautif de l’employeur, la présomption de démission ne peut pas être retenue.
Abandon de poste et présomption de démission : démarches
Lorsque l’employeur constate l’absence du salarié à son poste de travail et qu'il souhaite utiliser la procédure de présomption de démission, il doit le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
La lettre de mise en demeure doit comporter les éléments suivants :
- Une demande de justification de l'absence.
- Le délai laissé au salarié pour reprendre son poste en l'absence de justification. Ce délai ne peut être inférieur à 15 jours.
- La mention selon laquelle, passé ce délai, en l'absence de reprise de son poste, le salarié sera présumé démissionnaire et tenu de respecter un préavis.
Abandon de poste et présomption de démission : réponse du salarié
Si le salarié ne répond pas à la mise en demeure et n'a pas repris son poste à la date indiquée dans le courrier, l'absence est considérée comme une démission. Si le salarié répond sans justifier d'un motif légitime et n'a pas repris son poste à la date indiquée dans le courrier, il sera également considéré comme démissionnaire.
Si le salarié reprend son travail avant la date fixée sans justifier son absence, le contrat de travail doit se poursuivre. En revanche, l'employeur peut sanctionner le salarié pour absence injustifiée.
Enfin si le salarié justifie son absence par un motif légitime, l'employeur ne peut pas poursuivre la procédure de présomption de démission.
Les motifs d’absence légitime ne permettant pas de faire jouer la présomption de démission sont les suivants :
- l'exercice du droit de retrait, autorisé lorsque le travailleur estime se trouver dans une situation de danger imminent ;
- l'exercice du droit de grève ;
- le fait, pour un salarié, de quitter son poste sans autorisation en raison de son état de santé afin de consulter un médecin ;
- le fait, pour le salarié, de ne pas revenir travailler à l'issue d'un arrêt de travail si la visite médicale de reprise n'a pas encore eu lieu ;
- le refus du salarié d'exécuter une instruction de sa hiérarchie contraire à la réglementation.
Bon à savoir : la présomption de démission en cas d’abandon de poste est une présomption simple. Le salarié peut apporter la preuve contraire et contester la rupture de son contrat de travail en saisissant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui dispose d'un délai de 1 mois pour rendre sa décision.
Abandon de poste et présomption de démission : fin de la procédure
Dès lors que le salarié n'est pas parvenu à renverser la présomption de démission, il est considéré comme démissionnaire. Il est tenu de respecter un préavis. L'employeur peut toutefois l'en dispenser ou bien, l'employeur et le salarié peuvent décider ensemble qu'aucun préavis ne sera effectué.
Le préavis débute à la date limite fixée par l'employeur dans la lettre de mise en demeure. Comme pour toute démission, l'employeur remet au salarié à la fin du préavis les documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation chômage). Le salarié démissionnaire ne peut pas bénéficier des allocations d'assurance chômage.
Quelle est l'incidence d'un abandon de poste sur la rémunération ?
A priori, si vous quittez ainsi votre poste, vous ne vous souciez que très peu d’avoir perdu votre emploi ; c'est même l'effet recherché. Toutefois, sachez que :
- vous ne percevez aucune rémunération jusqu’à la fin de la procédure de rupture du contrat de travail ;
- vous n'avez pas le droit de travailler dans une autre entreprise tant que la procédure n'est pas finalisée, d'autant plus si votre contrat de travail contient une clause d'exclusivité ou de non-concurrence.
Abandon de poste : risques judiciaires
Dans des cas très rares, et si l’abandon de poste a eu de grosses répercussions sur l’entreprise, l’employeur peut engager un contentieux à votre encontre. Toutefois, pour pouvoir le faire, il doit démontrer l’importance des préjudices causés par votre abandon.
Bon à savoir : l'employeur a la possibilité, lorsque des agissements suspects de la part d'un salarié sont portés à sa connaissance, de procéder à des investigations afin de prononcer d'éventuelles sanctions disciplinaires. Dans le cadre de cette enquête, l'employeur doit user de moyens justifiés et proportionnés. Ainsi, les investigations ne doivent pas porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa privée sous peine de voir le licenciement refusé (CE, 4e et 1re ch. réunies, 2 mars 2020, n° 418640).
Si vous faites partie d'une petite ou moyenne entreprise, par exemple, et que votre activité est indispensable au bon fonctionnement de l'organisme, l'employeur est en droit d'engager des poursuites contre vous et solliciter des dommages et intérêts.
À noter : n’oubliez pas que l’abandon de poste n’est pas confidentiel. Votre futur employeur peut très bien appeler votre ancien patron pour lui demander des précisions sur vos conditions de départ de l’entreprise... Prudence, donc.
Abandon de poste, présomption de démission et licenciement
Depuis le 19 avril 2023, tout employeur qui souhaite mettre fin au contrat de travail avec un salarié qui a abandonné son poste doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission.
Néanmoins, le décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 laisse le choix à l'employeur qui peut continuer à recourir au licenciement pour faute grave en cas d'abandon de poste. La procédure de présomption de démission en cas d'abandon de poste n'est donc pas la seule option pour mettre fin au contrat de travail d'un salarié ayant abandonné son poste.
Si l'employeur souhaite licencier le salarié pour faute grave, il doit suivre la procédure classique de licenciement.
À noter : un employeur peut aussi décider de ne pas licencier ni faire jouer la présomption de démission et conserver le salarié dans ses effectifs.