Licenciement injustifié

Sommaire

Faute sanctionnée et licenciement

Tout licenciement est obligatoirement justifié par une cause réelle et sérieuse. À défaut, on peut contester son licenciement devant le conseil de prud'hommes et être indemnisé en conséquence.

Rappel : le salarié peut contester un licenciement sur la base de 3 fondements : irrégularité de procédure, nullité du licenciement, ou défaut de motivation.

En cas de licenciement injustifié – le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse – le salarié peut notamment se tourner vers :

Important : le salarié devra veiller à respecter le délai de prescription. L'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a voulu diminuer les délais de contestation suite à la rupture du contrat de travail. Désormais, « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture » (article L. 1471-1 du Code du travail, alinéa 2). Par exception, toute contestation portant sur un licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique (article L. 1235-7 du Code du travail).

L'absence de cause réelle et sérieuse : motif de contestation d'un licenciement

Rappelons tout d'abord que tout licenciement doit nécessairement reposer sur une cause réelle et sérieuse (article L. 1232-1 du Code du travail).

Le licenciement pour motif personnel est donc nécessairement fondé sur des raisons précises, objectives et vérifiables, intimement liées à la personne du salarié et suffisamment graves pour compromettre le bon déroulement du contrat de travail et justifier la rupture des relations contractuelles.

Le licenciement pour motif économique répond aux mêmes exigences. Le motif économique invoqué doit être réel, sérieux et vérifiable et doit répondre aux exigences légales.

Bon à savoir : pour les entreprises appartenant à un groupe international, la réalité de la cause économique à l'origine du licenciement est limitée au territoire national (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017).

Les articles R. 1232-13 et R.1233-2-2 du Code du travail (issus du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail) permettent au salarié de demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Cette demande doit être faite dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'employeur dispose ensuite d'un délai de quinze jours après la réception de cette demande pour apporter des précisions s'il le souhaite.

Sans cause réelle et sérieuse, le licenciement est considéré comme étant injustifié (certains parlent également de licenciement abusif). Le salarié peut donc obtenir réparation devant les juges. Pour cela, il doit saisir le conseil de prud'hommes et formuler sa demande.

Les tribunaux ont une appréciation stricte et extrêmement protectrice du salarié en matière motif de licenciement. En cas de doute, il profite au salarié.

Plusieurs hypothèses de licenciement injustifié

Le licenciement injustifié sanctionne la motivation du licenciement. La jurisprudence considère le licenciement injustifié dans les cas suivants :

  • le licenciement ne repose pas sur un motif suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail ;

Exemple : un employeur ne peut pas licencier un salarié au motif qu'il juge son attitude arrogante. En effet, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Par conséquent, pour justifier le licenciement, l'employeur doit apporter la preuve que les propos du salarié comportaient des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. soc., 15 janvier 2020, n° 18-14.177).

  • le licenciement repose sur un motif discriminatoire tel que l'état de santé d'un salarié. À ce titre, la maladie d'un salarié ne peut pas justifier son licenciement sauf si ses absences répétées ou prolongées perturbent un service essentiel de l'entreprise. Le licenciement n'est alors pas motivé par l'état de santé du salarié, mais par la perturbation qu'entraînent les absences de ce dernier au sein d'un service important de l'entreprise (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 14-11.929);

Bon à savoir : la mention de la perturbation d’un service dans la lettre de licenciement, sans indiquer que ce service est essentiel dans l’entreprise, ne vaut pas automatiquement licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que les éléments de preuve fournis par l’employeur révèlent que les absences répétées perturbaient bien l’entreprise dans son ensemble (Cass. soc., 5 février 2020, n° 18-17.394).

À noter : en cas de licenciement suite à la perturbation du fonctionnement de l'entreprise en raison de l'absence prolongée du salarié, si l'absence du salarié résulte du harcèlement moral de la part de l'employeur, la nullité du licenciement peut être prononcée (Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-31.473).

  • l'absence totale de motif à l'origine du licenciement ;
  • la lettre de notification n'est pas motivée (Cass. soc., 31 janvier 2007, n° 05-43.206) ;
  • le motif invoqué n'est pas établi (Cass. soc., 5 janvier 1995, n° 93-44.574) ;
  • le licenciement fautif est intervenu plus d'un mois après l'entretien préalable (Cass. soc., 16 mars 1995, n° 90-41.213).
  • en cas de renouvellements abusifs de la période d'essai, la rupture de cette dernière produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que le renouvellement n'avait pas été justifié par la nécessité d'apprécier les compétences professionnelles du salarié mais résultait d'une politique de renouvellement automatique des périodes d'essai par l'employeur (Cass. soc., 27 juin 2018, n° 16-28.515) ;
  • lorsque le licenciement d'un salarié est annoncé publiquement par l’employeur lors d’une réunion du personnel, alors que l’entretien préalable au licenciement n’a pas encore eu lieu. Le licenciement est considéré comme verbal et donc dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 17-28.800).
  • le licenciement d'un salarié qui bénéficie d'une protection légale en raisons de circonstances particulières : maternité, décès d’un enfant âgé de moins de vingt-cinq ans ou de la personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont le salarié a la charge effective et permanente (article L. 1225-4-2 du Code du travail modifié par la loi n° 2020-692 du 9 juin 2020). Cette protection ne s’applique cependant pas en cas de faute grave de l’intéressé ou d’impossibilité de maintenir son contrat pour un motif autre.

À noter : un employeur peut décider d'antidater une rupture conventionnelle dans le but d'éviter d'attendre les 15 jours de rétractation et d'accélérer ainsi le départ du salarié. Mais cette pratique est risquée. En effet, en cas d'action en justice du salarié, la rupture conventionnelle sera annulée et requalifiée en licenciement injustifié (CA Montpellier, 8 janvier 2020, n° 16/02955).

Bon à savoir : les juges admettent le caractère injustifié d’un licenciement pour insuffisance professionnelle lorsqu'un salarié est licencié très peu de temps après qu’il ait informé son employeur de difficultés de santé liées à ses conditions de travail (burn-out). En effet, le salarié est présumé être victime de discrimination en raison de ce licenciement, sauf si l’employeur peut prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (Cass. soc., 5 février 2020, n° 18-22.399).

La « fausse » cause

L'employeur licencie un salarié pour un motif qui n'est pas le bon.

Exemple : l'employeur procède à un licenciement pour faute grave au lieu de procéder à un licenciement économique pour suppression de poste. Son objectif est de se soustraire au formalisme contraignant de la procédure de licenciement pour motif économique. Dans ces conditions, peu importe la faute du salarié, l'employeur a procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement est injustifié.

Absence de cause

Le motif invoqué par l'employeur à l'appui du licenciement n'est pas :

  • suffisant : le motif doit être d'une gravité telle que la poursuite du contrat de travail est impossible ;
  • vérifiable : les faits doivent être concrets ;
  • un motif prévu par la loi : la loi prévoit une liste exhaustive et non dérogeable de motifs de licenciement.

À noter : lorsqu'une lettre de démission est rédigée sous la contrainte (des menaces par exemple) et que le salarié se rétracte quelques jours après avoir remis sa lettre, on peut douter de la volonté de cet employé de quitter l'entreprise. Dans cette hypothèse, la démission est équivoque et peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-26.794).

Les conséquences du licenciement injustifié

La sanction du licenciement injustifié diffère selon l'effectif de l'entreprise et l'ancienneté du salarié de la façon suivante (articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du Code du travail).

Licenciement notifié avant le 24 septembre 2017

  • le salarié a moins de 2 ans d'ancienneté : le salarié bénéficie d'une indemnité dont le montant, déterminé par le juge, est fonction du préjudice subi ;
  • le salarié a au moins 2 ans d'ancienneté dans une entreprise dont l'effectif est inférieur à 11 salariés : le salarié bénéficie d'une indemnité dont le montant, déterminé par le juge, est fonction du préjudice subi ;
  • le salarié a au moins 2 ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés minimum : la réintégration du salarié est possible, sur proposition du juge. Dans un tel cas, l'employeur comme le salarié peuvent s'opposer à cette réintégration. S'il réintègre son poste, le salarié conserve les avantages qu'il a acquis avant son licenciement.
    À défaut de réintégration, le salarié est indemnisé : en plus de l'indemnité légale de licenciement et les éventuelles indemnités compensatrices de congés payés et/ou de préavis, le salarié perçoit une indemnité pour licenciement injustifié à la charge de l'employeur.

Bon à savoir : l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L. 1235-3 du Code du travail ne se cumule pas avec l'indemnité de 12 mois de salaire minimum perçue par le salarié inapte en cas de non-respect de la procédure de reclassement (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 16-10.580).

De plus, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé (article L. 1235-4 du Code du travail).

Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif, fixant le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles (article L. 1235-1 du Code du travail).

L'application de ce référentiel est facultatif et les juges restent libres d'appliquer ou non les indemnités planchers. Toutefois, si les parties en font conjointement la demande, l'indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel.

Le référentiel indicatif d'indemnisation en cas d'absence de conciliation a été fixé comme suit (décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016).

Ancienneté en années complètes

Indemnités en mois de salaires

0

1

1

2

2

3

3

4

4

5

5

6

6

6,5

7

7

8

7,5

9

8

10

8,5

11

9

12

9,5

13

10

14

10,5

15

11

16

11,5

17

12

18

12,5

19

13

20

13,5

21

14

22

14,5

23

15

24

15,5

25

16

26

16,5

27

17

28

17,5

29

18

30

18,25

31

18,5

32

18,75

33

19

34

19,25

35

19,5

36

19,75

37

20

38

20,25

39

20,5

40

20,75

41

21

42

21,25

43 et +

21,5


Les montants indiqués dans ce référentiel sont majorés d'un mois : 

  • si le demandeur est âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture ;
  • en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d'activité considéré.

Licenciement notifié depuis le 24 septembre 2017 

Les indemnités prud'homales versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont désormais fixées selon un barème prévoyant un montant minimum et un montant maximum (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 modifiant l'article L. 1235-3 du Code du travail). Suite aux réserves de plusieurs Conseils de prud’hommes ayant refusé d’appliquer ce barème, la Cour de cassation s’est prononcée le 17 juillet 2019 (avis n° 15012 et 15013) sur la conventionnalité dudit barème, tant au regard de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT que de l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. La chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé cet avis (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-14.490). 

L'indemnité prud'homale peut être cumulée, dans la limite des montants maximaux, avec les indemnités prud'homales attribuées, lors d'un licenciement pour motif économique en cas de :

  • non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, ex-DIRECCTE) ;
  • non-respect de la priorité de réembauche ;
  • absence de comité d'entreprise ou de délégués du personnel.

Dans certains cas de licenciements jugés nuls par le juge (violation d'une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, dénonciation d'un crime ou délit, etc.), le montant de l'indemnité prud'homale ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Aucune disposition ne prévoit alors de montant maximum.

Les montants planchers et les plafonds varient selon l'ancienneté du salarié et la taille de l'entreprise.

Bon à savoir : un simulateur mis en ligne par service-public.fr vous permet d’évaluer le montant des dommages et intérêts susceptibles d'être fixés par le juge prud'homal en cas de licenciement abusif, c'est-à-dire sans cause réelle et sérieuse.

À noter : même quand elle est abusive car fondée sur une discrimination liée à l'état de santé du salarié, la rupture de la période d'essai à l'initiative de l'employeur n'ouvre pas droit à l'indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-26.333).

Dans une entreprise de 11 salariés ou plus

Ancienneté en années complètes Indemnités minimales en mois de salaires Indemnités maximales en mois de salaires
0 - 1
1 1 2
2 3 3,5
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et plus 3 20

Dans une entreprise de moins de 11 salariés

Ancienneté en années complètes Indemnités minimales en mois de salaires Indemnités maximales en mois de salaires
0 - 1
1 0,5 2
2 0,5 3,5
3 1 4
4 1 5
5 1,5 6
6 1,5 7
7 2 8
8 2 8
9 2,5 9
10 2,5 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et plus 3 20

À noter : un salarié peut demander au conseil de prud'hommes le versement d'une indemnité complémentaire si les circonstances, dans lesquelles le licenciement injustifié est intervenu, sont de nature à lui avoir causé un préjudice distinct de celui provoqué par la perte de son emploi (préjudice moral par exemple). Cette indemnité spécifique est cumulable avec une éventuelle indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Bastia, 8 novembre 2017, n° 16/00284).

Bon à savoir : lorsqu’un salarié embauché à temps plein est licencié au moment où il se trouve en situation de congé parental à temps partiel, son indemnité de licenciement doit être déterminée entièrement sur la base de la rémunération correspondant à son temps plein (CJUE, 8 mai 2019, affaire C‑486/18).

Ces pros peuvent vous aider