
Le licenciement d'un salarié protégé ayant une fonction représentative des salariés est strictement encadré. En effet, les salariés protégés bénéficient d'une procédure protectrice contre le licenciement qui consiste, pour l'employeur, à solliciter l'inspecteur du travail afin que ce dernier autorise le licenciement.
Licenciement d'un salarié protégé : protection et mandat des salariés protégés
Certains salariés sont considérés comme protégés du fait de leur mandat représentatif dans l'entreprise ou en dehors de l'entreprise qui les emploie. L'article L. 2411-1 du Code du travail, ainsi que le Code général des collectivités territoriales, énumèrent limitativement les salariés protégés.
Salariés ayant un mandat dans l'entreprise qui les emploie
Il peut s'agir d'un représentant du personnel (avant le 1er janvier 2020 : délégué du personnel, membre du comité d'entreprise et représentant au CHSCT ou, depuis le 1er janvier 2018 d'un membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique).
Le salarié peut aussi être un délégué syndical ou un représentant syndical au comité social et économique. Il est également possible qu'il soit mandaté dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.
Entrent également dans cette catégorie le salarié candidat aux élections (dans la mesure où l'employeur a connaissance de cette candidature), ainsi que le salarié sollicitant l'organisation d'élections.
Le représentant des salariés au conseil d'administration ou de surveillance est lui aussi protégé.
Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant réforme du Code du travail a opéré une fusion des instances représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en un comité social et économique (CSE). La mise en place des CSE dans les entreprises d'au moins 11 salariés devait être effective au plus tard le 1er janvier 2020. Le CSE reprend les attributions des anciennes instances représentatives du personnel.
Salariés ayant un mandat extérieur à l'entreprise qui les emploie
Sont notamment concernés le conseiller prud'hommes et le défenseur syndical.
Le conseiller d'un salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative, et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement, entre lui aussi dans cette catégorie.
Est considéré protégé le représentant des salariés en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que le membre du conseil ou l'administrateur d'une caisse de Sécurité sociale.
Par ailleurs, les membres du conseil d'administration d'une mutuelle ou les fédérations relevant du Code de la mutualité sont protégées. C'est également le cas des membres d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture, ainsi que des représentants des salariés dans une chambre d'agriculture.
Enfin, sont protégés l'assesseur maritime, le membre d'une commission paritaire régionale interprofessionnelle, le maire et l'adjoint au maire des villes de 10 000 habitants et le président ou le vice-président du conseil départemental ou régional.
Pour bénéficier du statut de salarié protégé, il revient au salarié lié par un mandat extérieur d'informer son employeur de l'existence de ce mandat (Cass. soc., 16 janvier 2019, n° 17-27.685). L'information est en effet facilement connue pour un mandat en interne. En cas de litige, le salarié devra établir :
- qu'il a informé son employeur de l'existence de ce mandat :
- au plus tard lors de l'entretien préalable si la rupture du contrat de travail nécessite un entretien préalable ;
- au plus tard avant la notification de l'acte de rupture en l'absence d'entretien préalable ;
- ou que l'employeur avait connaissance de ce mandat en raison, par exemple, de ses demandes d'absence.
Salarié protégé et protection contre le licenciement
En vertu des articles L. 2411-3 à L. 2411-25 du Code du travail, les salariés protégés bénéficient de la protection contre le licenciement pendant la durée de leur mandat. Après expiration de leur mandat, ils bénéficient de cette protection pendant une durée variable.
Cette durée est de 6 mois pour :
- les salariés candidats ou ayant demandé l'organisation des élections professionnelles ;
- les représentants syndicaux;
- les membres du CSE.
Elle est rallongée à 1 an pour le délégué syndical ayant eu un mandat d'au moins 1 an.
Bon à savoir : le statut de salarié protégé du défenseur syndical est précisé dans les articles L. 1453-9 et L. 2412-15 du Code du travail. La rupture du contrat soumise à autorisation administrative, y compris lorsqu'il est embauché en CDD et que l'employeur envisage de rompre par anticipation ou de ne pas renouveler son contrat.
À noter : les candidats aux élections professionnelles bénéficient du statut de salarié protégé au cours des 6 mois qui suivent la date d'envoi par lettre recommandée des listes de candidatures. Le statut de salarié protégé est aussi accordé aux salariés qui signalent à leur employeur leur intention de se porter candidat aux prochaines élections professionnelles. Dès lors que l'employeur a connaissance de la volonté d'un salarié de se porter candidat aux élections professionnelles avant la convocation à un entretien préalable de licenciement, il ne peut pas le licencier sans l'autorisation de l'inspecteur du travail (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-16.975).
Procédure protectrice de licenciement du salarié protégé
Afin que les salariés protégés ne puissent être licenciés discrétionnairement en raison de leur mandat, ils bénéficient d'une procédure de licenciement protectrice plus stricte que la procédure de licenciement classique, à laquelle elle s'ajoute.
Le salarié protégé ayant un mandat hors de l'entreprise qui l'emploie doit informer l'employeur de son mandat, au plus tard lors de l'entretien préalable, pour pouvoir bénéficier de la procédure protectrice.
Convocation du salarié à un entretien préalable
L'employeur doit convoquer le salarié protégé concerné par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Déroulement de l'entretien préalable
Cet entretien ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation du courrier de convocation. Si le licenciement est d'ordre disciplinaire, l'entretien doit nécessairement avoir lieu dans les 2 mois qui suivent la connaissance des faits par l'employeur. L'employeur expose, au cours de cette entrevue, les motifs du licenciement envisagé et recueille les explications du salarié.
À noter : si le salarié ne se présente pas à l'entretien préalable, son absence n'empêche aucunement la poursuite de la procédure.
Consultation du comité social et économique (ex-comité d'entreprise)
Si le salarié a un mandat interne de membre de la délégation du personnel (titulaire ou suppléant) ou de représentant syndical au CSE, l'employeur est tenu de recueillir l'avis du CSE (article L. 2421-3 du Code du travail). Cette consultation peut avoir lieu à l'occasion d'une réunion périodique si le calendrier le permet, ou au cours d'une réunion extraordinaire.
Les membres du comité rendent leur avis (vote réalisé à bulletin secret, l'employeur n'y participe pas) après avoir entendu le salarié protégé concerné par l'éventuelle mesure de licenciement (article R. 2421-9 du Code du travail).
À noter : le fait que les membres du comité d'entreprise s'expriment unanimement contre le projet, par un vote à main levée, ne compromettait pas la régularité de la consultation (CE, 4e et 1re chambres réunies, 4 juillet 2018, n° 410904).
Bon à savoir : si l'intéressé est membre du CSE, il peut participer au vote.
L'avis ne lie pas l'employeur. Cela signifie que même si le CE ou le CSE émet un avis défavorable, l'employeur peut poursuivre la procédure. Le procès-verbal de la réunion est envoyé à l'inspecteur du travail (article R. 2421-10 du Code du travail). Si l'entreprise ne comporte pas de CE, l'employeur passe directement à l'étape suivante qui consiste à saisir l'inspection du travail.
Demande d'autorisation à l'inspecteur du travail
La demande d'autorisation est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel est employé l'intéressé. La demande, transmise par lettre recommandée avec accusé de réception, énonce les motifs du licenciement et liste les mandats détenus par le salarié. Elle est adressée dans les 15 jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du CSE (ex-CE) (article R. 2421-1 du Code du travail).
Toutefois, dans l'hypothèse d'une mise à pied, la demande est présentée dans les 48 heures suivant la délibération du CSE (ex-CE).
Bon à savoir : lorsqu'un salarié protégé fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, l'employeur a l'obligation de saisir l'inspecteur du travail dans les plus brefs délais sous peine de nullité du licenciement (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 16-26.860).
À noter : pour le salarié intérimaire protégé, la procédure d'autorisation par l'inspecteur du travail ne s'impose que dans trois hypothèses : lorsque son contrat subit une interruption, en cas de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ou en cas de notification par l'entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.
Enquête de l'inspecteur du travail
L'inspection procède à une enquête contradictoire (c'est-à-dire que les 2 parties sont reçues) au cours de laquelle le salarié peut se faire assister d'un représentant de son syndicat (article R. 2421-4 du Code du travail).
Bon à savoir : dans le cadre de l'enquête contradictoire, le salarié protégé a le droit d’être entendu personnellement et individuellement par l’inspecteur du travail.
L'inspecteur prend sa décision dans un délai de 15 jours (réduit à 8 jours en cas de mise à pied), sauf si les nécessités de l'enquête justifient un délai plus long. L'inspection du travail vérifie la régularité de la procédure et la validité du motif de licenciement.
Notification du licenciement
Si l'inspecteur du travail autorise le licenciement, alors l'employeur peut entamer la dernière étape de la procédure. Il peut alors notifier au salarié son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception.
À noter : le courrier doit énoncer précisément les motifs du licenciement.
Sauf en cas de faute grave ou lourde, le respect d'une période de préavis doit être observée et une indemnité de licenciement doit être versée au salarié concerné.
Bon à savoir : un employeur ne peut pas annuler unilatéralement, sans l’accord du salarié, le licenciement d’un salarié protégé qui a déjà été notifié (Cass. soc., 18 novembre 2020, n° 19-10.286).
Annulation de l'autorisation de licenciement
En cas d'annulation de l'autorisation de l'inspection du travail, l'employeur n'ayant pas enfreint la procédure protectrice, le salarié garde des droits restreints (article L. 2422-4 du Code du travail).
Réintégration
Le salarié peut demander sa réintégration. Dans ce cas, il bénéficie d'une indemnité équivalente au préjudice subi sur la période écoulée entre le licenciement et la réintégration, déduction faite des indemnités de rupture perçues.
Indemnisation
Le salarié peut percevoir une indemnisation équivalente au préjudice subi pour la période écoulée entre le licenciement et l'expiration du délai de 2 mois suivant la notification de l'annulation de la décision de l'inspection du travail.
Bon à savoir : lorsque l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est annulée et que ce dernier a fait valoir ses droits à la retraite, il ne peut plus demander sa réintégration. Néanmoins, le salarié bénéficie d’une indemnité d’éviction dont le montant correspond aux salaires qui auraient dû lui être versés entre son licenciement et l’expiration du délai de 2 mois après la notification de la décision annulant l’autorisation de licenciement. Cette indemnisation doit cesser à partir du moment où le salarié a atteint l’âge légal de mise à la retraite d’office même si les 2 mois ne sont pas expirés.
Licenciement d'un salarié protégé et violation du statut protecteur
Lorsque l'employeur ne respecte pas la procédure protectrice (on parle de violation du statut protecteur), le licenciement du salarié protégé est considéré comme nul par les juges.
Déposer une demande de saisine du Conseil des Prud’hommes Consulter la fiche pratique
Tel est notamment le cas lorsque le chef d'entreprise licencie un représentant du personnel sans solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail ou malgré le refus de l'inspection. Dans un tel cas, le salarié protégé concerné peut obtenir sa réintégration ou une indemnité.
À noter : le retrait d'un véhicule de fonction d'un salarié protégé par son employeur constitue, selon la Cour de cassation, un manquement suffisamment grave qui justifie la prise d'acte du salarié aux torts exclusifs de son employeur. La rupture du contrat de travail produit donc les effets d'un licenciement (Cass. soc., 20 juin 2018, n° 16-25.505).
Réintégration
Le salarié peut obtenir sa réintégration s'il la demande. Dans ce cas, il bénéficie d'une indemnité équivalente au salaire total perdu entre le licenciement et sa réintégration définitive, déduction faite des indemnités de rupture perçues.
Indemnité pour violation du statut protecteur
L'indemnisation est équivalente au salaire total que le salarié aurait perçu entre le licenciement et la fin de la période de protection dont il bénéficie. Cette indemnisation se fait dans la limite de la durée légale minimale du mandat, augmentée de la période de protection suivant l'expiration du mandat (Cass. Soc. 15 avril 2015, n° 13-27.211).
Dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié bénéficiant d’un mandat de représentant du personnel est prononcée aux torts de l’employeur, la rupture a les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
À noter : à ce titre, le salarié peut demander une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois même si le salarié était susceptible de partir à la retraite avant l’expiration de cette période de 30 mois (Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 18-15.952).
Bon à savoir : si le salarié demande sa réintégration après l’expiration de la période de protection pour des motifs qui ne lui sont pas imputables, mais de façon tardive et abusive, il n’a droit qu’à la rémunération qu’il aurait perçue entre le jour de la demande de réintégration et celui de sa réintégration effective (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-13.933).
En outre, l'employeur peut être condamné à une sanction pénale, prévue par l'article L. 2431-1 du Code du travail, d'un an d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende.
Bon à savoir : les règles procédurales spécifiques au salarié protégé se combinent aux règles applicables en cas de congé maternité ou d'adoption.
À noter : l'annulation du licenciement d'un salarié protégé entraine l'annulation de sa mise à pied et de ses effets. Par conséquent, le salarié doit retrouver son poste (et non un poste similaire) et les salaires non perçus pendant cette période doivent lui être versés (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-25.259).