Les frais professionnels, correspondent à des dépenses engagées par le salarié pendant qu’il est en mission, pour les besoins de son activité professionnelle. Il est important de faire le point sur les règles applicables à ces différents frais.
Quels sont les différents frais professionnels pouvant être pris en charge ?
Les principaux frais professionnels
Le Code du travail ne donne aucune définition des frais professionnels. Selon la jurisprudence, les frais professionnels sont les dépenses exposées par le salarié et inhérentes à son emploi. Ce sont donc des dépenses qui découlent des conditions d’exécution du travail du salarié et qui lui imposent une charge supérieure à celle liée à la vie courante. Il s’agit donc des frais que le salarié a engagés pour accomplir sa mission dans l’entreprise.
Ainsi, les frais suivants peuvent être dans certaines conditions considérés comme des frais professionnels :
- les frais de repas ;
- les frais de transports domicile-lieu de travail ;
- les frais de transports pour déplacement professionnel ;
- les frais de grand déplacement ;
- les frais de mobilité professionnelle, et notamment les frais de notaire exposés par le salarié pour l'acquisition d'un nouveau logement dans le cadre d'une mobilité professionnelle (arrêt de la Cour de cassation du 11 février 2016) ;
- les frais de télétravail ou encore les frais liés à l’utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ;
- les frais d'occupation du domicile du salarié, si ce dernier est contraint d’utiliser son domicile pour stocker des pièces nécessaires à ses activités professionnelles (dossiers, cartons, échantillons, etc.). Cette occupation de son domicile lui permet de prétendre, de la part de son employeur, à une indemnité dès lors qu'un local n'est pas mis à sa disposition à cet effet (Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.501).
À noter : cette indemnité est aussi due aux VRP qui ne disposent pas de bureau au sein de l’entreprise et qui consacrent une pièce de leur domicile à accomplir des tâches administratives et stocker leur matériel, quand bien même le statut de VRP implique de travailler en dehors de tout établissement (Cass. soc., 9 septembre 2020, n° 18-20.487).
Le cas des abonnements de transport
Les personnes qui se rendent au travail à vélo, en covoiturage, en transports en commun (hors abonnement relevant de la prise en charge par l'employeur à hauteur de 50 %) ou en utilisant des services de mobilité partagée (voiture électrique, scooter et trottinette électrique en free-floating par exemple) peuvent bénéficier du « forfait mobilités durables » qui remplace l'indemnité kilométrique vélo depuis le 11 mai 2020 (décret n° 2020-541 du 9 mai 2020).
Ce forfait, d'un montant maximal de 700 € par an et par salarié (en 2022 et 2023) est exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Il peut être cumulé avec la prise en charge obligatoire des frais de transports publics dans la limite de 800 € (loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022) ou du montant de la prise en charge obligatoire s’il est supérieur à 800 €.
La prise en charge des frais personnels de transports par l’employeur peut prendre la forme d’un titre-mobilité (articles L. 3261-5 et suivants du Code du travail) dont le fonctionnement est comparable à celui du titre-restaurant. Le forfait mobilités durables s'applique aux trois versants de la fonction publique (d'État, territoriale et hospitalière), suite aux décrets n° 2020-543 du 9 mai 2020, n° 2020-1547 du 9 décembre 2020 et n° 2020-1554 du 9 décembre 2020.
Par ailleurs, dans la fonction publique, depuis le 1er septembre 2023, la participation des employeurs sur les abonnements souscrits par les agents publics à un service de transports collectifs ou à un service public de location de vélos passe de 50 % à 75 % (décret n° 2023-812 du 21 août 2023). Cette prise en charge est obligatoire et concerne tous les agents (fonctionnaires ou contractuels) pour les trajets entre leur lieu de travail et leur résidence habituelle. Les titres de transport concernés sont les abonnements de train, de bus, de métro, de tram ou les abonnements à un service public de location de vélos.
Comment rembourser les frais professionnels ?
Un remboursement obligatoire effectué par l’employeur
Les frais professionnels que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur sa rémunération.
À noter : un employeur ne peut pas s’exonérer d’un tel remboursement en insérant, par exemple, une clause dans le contrat de travail prévoyant que les frais professionnels sont à la charge exclusive du salarié. Selon la Cour de cassation, ce type de clause est réputée non écrite (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-31.116)
Le remboursement peut être effectué soit au réel sur présentation de justificatifs, soit sous forme d’allocations forfaitaires. En l’absence de dispositions dans la convention collective ou dans le contrat de travail concernant la prise en charge des frais professionnels, le remboursement des frais s’effectue au réel.
Important : l'employeur peut, dans une note de service, exiger que le salarié fournisse ses justificatifs de frais professionnels dans un certain délai. Au-delà de ce délai, il n’y aura pas de remboursement (Cass. soc., 29 septembre 2009, n° 07-45.722, avec en l'espèce un délai de un mois fixé par l'employeur).
Bon à savoir : si l’employeur ne respecte pas son obligation de prise en charge des frais professionnels, le salarié concerné peut intenter une action en paiement. Cette action n’est pas soumise à la prescription de 3 ans applicable à l’action en paiement du salaire, mais à une prescription de 2 ans car il s’agit d’une action portant sur l’exécution du contrat de travail (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-20.208).
Le remboursement au réel
Le remboursement des dépenses est alors effectué sur la base des sommes réellement dépensées par le salarié, sur présentation de justificatifs. En principe, le salarié dispose d’un délai de 3 ans pour présenter à l’employeur un justificatif des frais professionnels qu’il souhaite se faire rembourser (C. trav. art. L. 3245-1). Toutefois, l’employeur peut fixer un délai de production, notamment plus court, des justificatifs des frais professionnels pour leur remboursement.
Dans certains cas, le remboursement des frais professionnels s’effectue obligatoirement sur la base des dépenses réellement engagées :
- pour les frais engagés par le salarié en situation de télétravail ;
- pour les frais engagés par le salarié à des fins professionnelles pour utiliser les outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ;
- pour les indemnités de frais de déménagement exposés par le salarié dans le cadre de la mobilité professionnelle ;
- pour les indemnités destinées à compenser les frais exposés par les salariés des entreprises françaises détachés à l’étranger et qui continuent de relever du régime général de la Sécurité sociale ;
Bon à savoir : la directive européenne 2018/957 du 28 juin 2018 renforce l'encadrement du détachement des salariés. Elle prévoit notamment un détachement pour une durée maximale de 18 mois (12 mois avec une prolongation possible de 6 mois), le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, l'application des mêmes conditions d'hébergement que celles des travailleurs éloignés de leur lieu de travail habituel, etc. Cette directive a été transposée dans la législation française par l'ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 avec une entrée en vigueur le 30 juillet 2020.
- pour les indemnités destinées à compenser les frais exposés par les salariés en mobilité professionnelle de la métropole vers les territoires situés Outre-mer et inversement, ou de l’un de ces territoires vers un autre.
Le remboursement sous forme d’allocations forfaitaires
Le remboursement des dépenses par le versement d’allocations forfaitaires s’effectue sans qu'il soit besoin de présenter un justificatif.
Les indemnités forfaitaires peuvent concerner les frais suivants :
- les frais de repas au restaurant ou sur le lieu de travail ;
- les frais de repas hors des locaux de l’entreprise ;
- les frais kilométriques ;
- les frais de grand déplacement en métropole ou dans les territoires situés Outre-mer et à l’étranger ;
- les frais pour compenser les dépenses d’hébergement provisoire et les frais supplémentaires de nourriture engagés dans le cadre de la mobilité professionnelle, dans l’attente d’un logement définitif ;
- les frais pour compenser les dépenses inhérentes à l’installation dans le nouveau logement, engagées dans le cadre de la mobilité professionnelle ;
- les frais liés au télétravail : l'employeur peut verser au salarié en télétravail des allocations forfaitaires qui peuvent prendre la forme d'indemnités forfaitaires. Ces indemnités sont exonérées d'impôt sur le revenu, dans la limite de 580 € pour les frais de l'année 2021.
Bon à savoir : les allocations propres au détachement d'un salarié étranger en France sont considérées comme faisant partie de la rémunération (décret n° 2020-916 du 28 juillet 2020). En revanche, en sont exclus les remboursements des frais professionnels correspondant à des charges de caractère spécial inhérentes à sa fonction ou à son emploi supportés par le salarié détaché, lors de l'accomplissement de sa mission, en matière de transport, de repas et d'hébergement. Ces frais professionnels peuvent néanmoins être pris en charge par l'employeur dès lors que les conditions suivantes sont remplies : leur prise en charge est prévue par des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles ; le salarié détaché doit se déplacer vers ou depuis son lieu de travail habituel sur le territoire national, ou lorsqu'il est temporairement envoyé par son employeur de ce lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail.
À noter : tout employeur est tenu de rémunérer les heures supplémentaires effectuées par un salarié. Il ne peut substituer à cette rémunération le versement de frais de déplacement, même si les montants seraient identiques (Cass. soc., 9 septembre 2020, n° 18-23.093).
Le remboursement des frais de déplacement des élus dans le cadre de leur mandat
Dans le cadre de leur mandat, les élus au CSE sont amenés à se déplacer régulièrement. Les frais liés à ces déplacements sont à la charge du comité.
Il s’agit notamment des déplacements pour se rendre :
- aux réunions plénières ;
- aux réunions extraordinaires ;
- aux réunions organisées suite à tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ;
- aux réunions de la commission SSCT ;
- aux réunions liées à des événements graves en rapport avec l’activité de l’entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement.
Dès lors que l’employeur a convoqué les élus à ces réunions, leurs frais de déplacement sont à sa charge.
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Les remboursements pour frais professionnels sont-ils soumis à cotisations sociales ?
Les frais professionnels sont exclus de la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale. Ils sont donc exclus de la base CSG-CRDS. Lorsque les frais professionnels sont remboursés au réel, ils sont intégralement exclus de la base de calcul des cotisations sans aucune limite d’exonération puisqu'il s’agit de remboursement au réel.
Lorsque les frais professionnels sont remboursés de manière forfaitaire, ils sont exonérés de cotisations sociales selon un barème revalorisé chaque année.
Bon à savoir : l'Urssaf définit un barème pour les frais professionnels engagés dans le cadre du télétravail et précise leur évaluation.
À noter : depuis le 8 mars 2021, le Bulletin officiel de sécurité sociale (BOSS) est publié en ligne. Le contenu du BOSS se substitue aux circulaires et instructions antérieures, il est opposable à l’Administration depuis le 1er avril 2021. Son but est d’assurer une plus grande sécurité juridique aux cotisants (via l’opposabilité) tout en facilitant la mise à jour de la doctrine administrative en matière de cotisations et de contributions de sécurité sociale au fil des évolutions légales et réglementaires.
Par ailleurs, depuis le 25 juin 2021, le principe de limitation du nombre de repas d'affaires pouvant être exonérés de cotisations sociales est de nouveau en vigueur. Ainsi, un salarié peut bénéficier d'un repas d'affaires par semaine ou de 5 repas par mois sans que cela soit considéré comme un abus. Lorsque cette limite est franchie, les repas sont considérés comme des avantages en nature qui doivent être réintégrés dans l'assiette des cotisations (CSG et CRDS).
Barème des différentes indemnités en 2022
Indemnités de repas :
- Indemnités de repas pris sur le lieu de travail : 7,10 € ;
- Indemnités de repas pris hors du lieu de travail, quand les circonstances empêchent le salarié de rejoindre son domicile ou son lieu de travail : 9,90 € ;
- Indemnités de repas pris lors d'un déplacement professionnel, quand les circonstances empêchent le salarié de rejoindre son domicile ou son lieu de travail et l'obligent à déjeuner au restaurant : 20,20 €.
Indemnités de grand déplacement en métropole :
- Indemnités de grand déplacement pour compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement quand les circonstances empêchent le salarié de rejoindre son domicile : 20,20 € pour les 3 premiers mois, 17,20 € au-delà du 3e mois et jusqu'au 24e mois, 14,10 € au-delà du 24e mois et jusqu'au 72e mois ;
- pour le logement et le petit-déjeuner à Paris et « petite couronne » : 69,50 € pour les 3 premiers mois, 59,10 € au-delà du 3e mois et jusqu'au 24e mois, 48,70 € au-delà du 24e mois et jusqu'au 72e mois ;
- pour le logement et le petit-déjeuner dans les autres départements : 51,60 € pour les 3 premiers mois, 43,90 € au-delà du 3e mois et jusqu'au 24e mois, 36,10 € au-delà du 24e mois et jusqu'au 72e mois.
Frais professionnels liés à la mobilité :
- 77,20 € par jour dans la limite de 9 mois pour l'hébergement provisoire et les frais en attente d'un nouveau logement définitif ;
- 1 547,20 € + 129,00 € par enfant à charge pour les dépenses liées à l'installation dans le nouveau logement pour un maximum de 1 933,90 €.
Frais professionnels liés au télétravail :
Les frais de télétravail sont en principe remboursés au réel. Cependant, l’Urssaf admet que l’employeur puisse rembourser les frais de télétravail sous la forme d’allocations forfaitaires, en franchise de cotisations sociales et sans justificatif, dans la limite globale de 10 € par mois pour une journée de télétravail par semaine.
Lorsqu'une allocation forfaitaire est prévue par convention collective ou accord professionnel, cette allocation est exonérée de cotisations, dans la limite prévue par l’accord ou la convention et :
- soit, dans la limite de 10 € par mois par jour de télétravail par semaine (20 € par mois pour 2 jours par semaine, 30 € par mois pour 3 jours par semaine, etc.) ;
- soit, en cas d’allocation journalière, dans la limite de 2,5 € par jour de télétravail dans le mois.
Par ailleurs, les frais de télétravail peuvent aussi être remboursés par le biais d'une allocation journalière. Dans ce cas, la limite d'exonération est fixée à un montant journalier de 2,50 € maximum, dans la limite de 55 € par mois.
Bon à savoir : les modalités d’évaluation des frais considérés comme des frais professionnels exclus de l’assiette des cotisations sont définis par le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS).
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