
La souffrance au travail est un thème récurrent et important, tant par la nécessité de la prévenir par tous les moyens, que par la gravité de ses conséquences lorsqu'elle ne peut être empêchée.
Obligation pour l'employeur de prévenir la souffrance au travail
De multiples outils, au niveau individuel et au niveau collectif, ont été mis en œuvre pour tenter d'éviter par tous les moyens la souffrance au travail.
Des moyens de prévention collectifs via les représentants du personnel
Il appartient à l'employeur de poser les règles visant à anticiper et prévenir tout risque psychosocial au sein de l'entreprise via notamment :
- Le règlement intérieur : c'est un document obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés (article L. 1311-2 du Code du travail, modifié par la loi PACTE n° 2019-486 du 22 mai 2019). Il doit rappeler l'interdiction des faits de harcèlement moral et sexuel et les sanctions légalement prévues (articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du Code du travail).
Bon à savoir : pour faire référence aux nouvelles dispositions relatives au harcèlement issues de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, les entreprises de plus de 50 salariés doivent avoir modifié leur règlement intérieur au 1er septembre 2022. Le règlement intérieur ne doit pas se contenter de rappeler l’existence de ces dispositions : il doit les reprendre dans leur intégralité.
- Le document unique d'évaluation des risques : il contient les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, et envisage les mesures possibles pour éviter que ces risques se réalisent (article L. 4121-1 du Code du travail). La mise à jour du DUERP est annuelle dans les entreprises de 11 salariés et plus ; pour les autres entreprises la mise à jour doit être faite en cas de modification importante des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail ou en cas d'information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque. L’Assurance Maladie propose un outil en ligne d’évaluation des risques professionnels, disponible gratuitement. Grâce à un questionnaire anonyme structuré, chaque employeur peut bénéficier d’un diagnostic des risques liés à son activité et obtenir un document unique sur mesure.
Bon à savoir : lorsque l’absence de document unique d’évaluation des risques cause un préjudice à un salarié, ce dernier est en droit de demander des dommages et intérêts. Pour cela, le salarié doit apporter la preuve du manquement de l’employeur, du préjudice subi et du lien de causalité entre ce manquement et ce préjudice (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-22.224).
À noter : la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a élargi les faits constituant un harcèlement moral ou sexuel. Par ailleurs, le fait de commettre des faits de harcèlement via un support numérique ou électronique devient une circonstance aggravante. Suite à la modification de l'article 222-33 du Code pénal relatif au harcèlement sexuel, les entreprises doivent mettre à jour cet article dans leur affichage obligatoire. En outre, depuis le 1er janvier 2019, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel doit être nommé par tous les CSE (article L. 2314-1 du Code du travail) et un référent chargé d’orienter, d’informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être désigné dans les entreprises de plus de 250 salariés (article L. 1153-5-1 du Code du travail). Leurs coordonnées sont communiquées par l'employeur par tout moyen (le plus souvent, au moyen d'un affichage).
Le législateur a choisi d'octroyer un rôle important aux représentants du personnel pour tenter d'éviter tout sentiment de mal-être au travail. Le comité social et économique (venu remplacer notamment le CHSCT) a également un rôle important en matière de prévention. Outre la recherche de mesure d'amélioration à la prévention des risques professionnels, il propose des actions de prévention et de sensibilisation, notamment en matière de harcèlement moral et sexuel.
Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant réforme du Code du travail a opéré une fusion des instances représentatives du personnel (IRP – délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en un comité social et économique (CSE). La mise en place des CSE avait démarré le 1er janvier 2018. Elle est effective depuis le 1er janvier 2020.
Une obligation de prévention individuelle
La première obligation de l'employeur, afin d'éviter tout risque quant à la santé de son salarié, est de s'assurer du respect des visites d'information et de prévention, de l'examen médical d'aptitude dans le cadre du suivi médical renforcé (et de leur renouvellement périodique), et des visites de reprise.
La visite d'information et de prévention et les visites périodiques ont pour finalité :
- d'interroger le salarié sur son état de santé ;
- de l'informer sur les risques éventuels auxquels l'expose son poste de travail ;
- de le sensibiliser sur les moyens de prévention ;
- d'identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;
- de l'informer sur la possibilité de bénéficier d'une visite à sa demande avec le médecin du travail.
En matière de mal-être au travail, ces visites permettent au professionnel de santé de diriger le salarié vers le médecin du travail.
Il appartient à l'employeur de veiller à ce que le salarié ne soit pas en surcharge de travail, ce qui pourrait entraîner un burn-out. C'est pourquoi, concernant les conventions de forfait en jours, l'article L. 3121-60 du Code du travail dispose que « l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ».
Souffrance au travail : recours à la disposition du salarié
Des moyens avant tout ouverts à titre individuel
Sauf difficultés relatives à un management pathogène, le mal-être au travail vise la plupart du temps un seul salarié. Dans ce cas, il appartient d'abord à ce dernier de faire reconnaître ses difficultés afin de se prévaloir plus facilement de son état de santé. Il est important d'acter ces problèmes par écrit : en cas de contentieux, ces courriers ou mails seront importants pour le salarié. L'employeur devra prouver qu'il y a répondu et, au besoin, qu'il a réagi.
À ce jour, le burn-out ou mal-être n'est pas encore reconnu comme susceptible d'être qualifié de maladie professionnelle rentrant dans l'un des tableaux des maladies professionnelles.
Bon à savoir : selon le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, le burn-out est reconnu comme maladie professionnelle « hors tableau ». Cette reconnaissance permet d'augmenter les droits des salariés, mais surtout de faire participer financièrement les employeurs, par le biais des cotisations AT-MP « accidents du travail-maladie professionnelle ».
Les accidents de travail qui traduisent des événements spécifiques ayant donné lieu au mal-être peuvent être, eux, plus facilement reconnus. Ils doivent être survenus au temps et au lieu de travail (article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale). Tel est le cas par exemple d'une agression verbale d'un collègue à l'encontre d'un autre entraînant pour ce dernier un malaise, lequel va être reconnu comme ayant eu lieu au temps et au lieu de travail. Ces événements sont importants car ils permettront de faire reconnaître une éventuelle procédure de licenciement pour inaptitude comme étant d'origine professionnelle.
En dernier recours, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail (article 1217 du Code civil) en invoquant que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.
L'employeur est tenu à une obligation de sécurité envers ses salariés (il doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale de ses employés : prévention, informations, moyens adaptés, etc.). Cette obligation était auparavant une obligation de résultat (la responsabilité de l'employeur ne pouvait être écartée). La Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 1er juin 2016, que la responsabilité de l'employeur pouvait être écartée en matière de harcèlement moral s'il justifiait avoir pris les mesures immédiates pour faire cesser les agissements de harcèlement et les mesures nécessaires de prévention (information et formation). L'obligation de sécurité de résultat glisse donc vers une obligation de sécurité de moyen.
Le salarié peut également prendre acte de la rupture du contrat de travail mais cette action est plus risquée : le salarié est alors privé des droits au chômage tant que le Conseil des prud'hommes n'a pas considéré que la prise d'acte est justifiée.
Actions envisageables au niveau collectif
Dans ce contexte, le CSE dispose également d'un rôle bien précis. Un membre de la délégation du personnel du comité social et économique qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur (article L. 2312-60 du Code du travail). Si l'employeur ne réagit pas, cela peut donner lieu à une action prud'homale consécutive à ce « droit d'alerte ». L'employeur peut demander de faire cesser des agissements ou demander que soit engagée une enquête en cas de harcèlement moral.