
Accès de colère où le ton monte, consignes « aboyées », dénigrement, propos vexatoires, ton méprisant, injures, menaces… La violence verbale, très répandue dans le monde du travail, peut prendre des formes différentes. Elle n’en demeure pas moins punie par la loi et n’a pas sa raison d’être.
En tant que subalterne, ce n’est pas de l’insoumission de refuser de vous laisser houspiller ou injurier. Cette violence est une source de souffrance, elle peut avoir des répercussions sur votre santé, vous avez raison de réagir.
Voici que faire en cas de violence verbale.
Zoom sur la violence verbale
On peut identifier un cas de violence verbale lorsqu’une personne, l’agresseur, en attaque verbalement une autre, la victime.
La violence verbale peut s’exprimer de différentes façons :
- cris ;
- ton agressif ;
- injections autoritaires ;
- interrompre sans cesse une personne, ne pas la laisser s’exprimer ;
- propos méprisants ou vexants ;
- critiques récurrentes et infondées ;
- chantages ou menaces.
Les conséquences et la sanction de la violence verbale vont dépendre des circonstances, de la qualité de l’agresseur et de la victime, ainsi que de son caractère isolé ou répété.
Bon à savoir : certaines manifestations de la violence verbale peuvent constituer des infractions punies par la loi pénale. C’est le cas notamment des injures, menaces, intimidations.
Important : des actes de violence verbale répétés peuvent permettre aux juges de considérer l’agresseur coupable de harcèlement moral. Le harcèlement moral est un délit.
À noter : la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a élargi les faits constituant un harcèlement moral. Désormais, on considère qu'il y a harcèlement moral lorsque les « propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée » ou lorsque les « propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ». Par ailleurs, le fait de commettre des faits de harcèlement via un support numérique ou électronique devient une circonstance aggravante.
1. Réagissez immédiatement en cas de violence verbale
Si vous êtes victime de propos déplacés ou agressifs, ne laissez pas faire votre interlocuteur. Essayez de désamorcer la situation et de faire cesser immédiatement la violence.
Pour faire prendre conscience à l’auteur de la violence verbale qu’il va trop loin, éloignez-vous physiquement en exprimant ce que vous ressentez.
Exemples de comportement à adopter : « je vis mal cette situation », « excusez-moi, je me sens agressé, nous devons nous reparler plus tard » ou « je vous oriente vers mon collègue ».
Bon à savoir : afin de pousser votre interlocuteur à prendre du recul, utilisez le « je », n’accusez pas avec un « vous ».
Conseil : trouvez des alliés pour en discuter et vous soutenir, ne restez pas seul.
Si la violence se répète de la part d’une même personne, demandez à lui parler en face-à-face :
- citez les faits ;
- exprimez ce que vous ressentez ;
- exposez les conséquences que la violence verbale a sur vous et votre travail : « je ne travaille plus en sécurité, je suis moins attentif car je suis stressé par la peur de vos éclats de voix, etc. » ;
- recherchez avec lui un engagement dans une solution pour sortir de ce mode relationnel ;
- expliquez que si la situation n'évolue pas, vous serez dans l'obligation d'en parler à votre supérieur et aux représentants du personnel.
Conseil : prenez soin de vous : faites du sport, détendez-vous, dormez suffisamment.
2. Faites valoir le devoir de protection de votre employeur en cas de violence verbale
L’employeur est responsable de la santé physique mais aussi morale de ses salariés selon l’article L. 1152-4 du Code du travail. Il lui appartient de prévenir la violence verbale mais aussi de la sanctionner si nécessaire, car elle agit sur l’ambiance collective du travail et peut dégénérer en harcèlement.
Important : le harcèlement est caractérisé par la répétition dans le temps de certains actes de violence verbale.
Bon à savoir : suite à une dénonciation de harcèlement, l’employeur est tenu de déclencher une enquête interne et contradictoire. Il doit entendre les arguments du salarié prétendu victime de harcèlement et de celui qui en est accusé. À défaut, l’employeur court le risque de se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité même si le salarié prétendu victime n’a pas réussi à démontrer qu’il avait été victime de harcèlement (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10551).
Si malgré vos tentatives, vous êtes toujours victime de violences verbales de la part de l'un de vos collègue ou supérieur :
- Repérez et listez les actes de violence verbale (leur banalisation peut les rendre identifiables : conservez le mail injurieux, relevez les agressions qui ont eu lieu en public, etc.) et faites-vous des alliés qui seront prêts à témoigner (ils sont souvent eux-mêmes victimes des mêmes écarts de conduite).
- Protégez-vous, demandez conseil à vos représentants du personnel ou à un syndicat et demandez-leur, éventuellement, de vous assister dans votre démarche.
- Demandez un entretien à votre supérieur hiérarchique, à son propre supérieur ou au responsable des ressources humaines :
- exposez les faits, apportez les preuves ;
- parlez de l’impact que cette violence a sur vous ;
- demandez à votre employeur de trouver une solution pour vous protéger et éviter toute répétition de ce type de comportement.
Bon à savoir : votre employeur étudiera la gravité des faits et évaluera la sanction adaptée pour l’agresseur (sanction disciplinaire : avertissement, mise à pied ou licenciement). Notamment, il doit vérifier que le comportement violent n’est pas dû à un état de santé, dans ce cas il doit saisir le médecin du travail.
À noter : en application de l'article L. 1152-2 du Code du travail, vous ne pouvez faire l'objet d'aucune sanction ni d'aucune mesure nuisant à l'évolution de votre carrière ou de votre salaire du fait de votre témoignage. Cependant, veillez à bien utiliser les termes de « harcèlement moral » lors de votre dénonciation pour vous protéger en cas de licenciement (Cass. soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045).
Important : si la situation est vraiment très dure, vous pouvez invoquer votre droit de retrait.
Attention, dès lors qu'un salarié dénonce des faits de harcèlement moral ou sexuel en ayant connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la qualification de dénonciation calomnieuse peut être retenue en raison de la mauvaise foi du salarié.
De même, si le salarié a dénoncé des faits de harcèlement sans avoir réservé cette dénonciation à l’employeur ou aux organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail, il ne bénéficie pas de l’immunité pénale réservée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement et s’expose à des poursuites pénales sur le fondement de la diffamation publique (Cass. crim., 26 novembre 2019, n° 19-80.360).
3. Dénoncez votre employeur si celui-ci a recours à la violence verbale
La violence verbale peut être un outil de management préconisé pour créer une ambiance délétère et des départs volontaires.
Soyez prudent, il est difficile de se plaindre auprès de son employeur quand c’est lui qui est fautif.
- Passez par vos représentants du personnel au comité économique et social : ils feront une enquête.
- Consultez la médecine du travail, elle a un rôle de protection.
- Avertissez, avec vos représentants du personnel, l’inspection du travail de cette pratique managériale.
Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant réforme du Code du travail a opéré une fusion des instances représentatives du personnel (IRP) – les délégués du personnel (DP), le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – en un comité social et économique (CSE). Les entreprises de plus de 11 salariés avaient l’obligation de mettre en place leur CSE au plus tard le 1er janvier 2020.
Important : si votre employeur est votre agresseur direct, vous pouvez demander la résiliation judiciaire de votre contrat de travail à ses torts.
À noter : le fait de ne pas être physiquement présent dans l’entreprise n’empêche pas un salarié de se déclarer victime de harcèlement moral de la part de son employeur. En effet, le contrat de travail n’étant pas rompu, le salarié qui est dispensé d’activité peut faire l’objet de harcèlement moral (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.328).
Sachez, si vous êtes victime de harcèlement et si vous ne souhaitez pas rester au sein de votre entreprise, que vous pouvez démissionner ou prendre acte de la rupture de votre contrat de travail si vous considérez que les faits de votre employeur sont tellement graves qu’ils ont empêché la poursuite de votre contrat de travail.
Vous devrez ensuite faire constater aux prud’hommes votre prise d’acte de la rupture ou, si vous avez démissionné, vous pourrez faire requalifier votre démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À noter : une démission doit exprimer une volonté libre, claire et non équivoque. Si la lettre de démission est rédigée sous la contrainte (des menaces par exemple) et que le salarié se rétracte quelques jours après avoir remis sa lettre, on peut douter de la volonté de cet employé de quitter l'entreprise. Dans cette hypothèse, la démission est équivoque et peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-26.794).
Quelle que soit la situation, si les torts de votre employeur sont reconnus devant les conseillers prud'hommes, celui-ci devra vous indemniser.
Important : réalisez votre prise d’acte de la rupture du contrat de travail avec l’aide d’un conseil juridique.
4. Gérez la violence verbale inhérente à votre métier
Si la violence verbale est un risque de votre métier car vous êtes en relation avec une clientèle (personnels d'accueil, huissiers, éducateurs, soignants, agents de sécurité, agents bancaires, etc.), agissez en conséquence :
- Faites remonter, à votre employeur ou au service des ressources humaines, les incivilités ou violences verbales que vous subissez.
- Demandez l'inscription de ces risques d’agression et de violence verbale dans le document unique (DU) d’évaluation des risques.
- Demandez une réorganisation des conditions et de l'organisation du travail qui sont sources de ces violences.
- Demandez à être formé à la gestion des risques de violences en relation clientèle.
- Demandez la mise en place d’un lieu de parole pour évoquer ces situations de violence en groupe.
Bon à savoir : si vous subissez une violence verbale provenant de quelqu'un d'extérieur, vous pouvez porter l’affaire au pénal.
5. Saisissez la justice si vous ne parvenez pas à faire cesser la violence verbale
Saisissez le conseil des prud’hommes
Le conseil des prud'hommes peut être saisi dans les 5 ans à partir du jour où vous avez eu connaissance des faits à l'origine de votre action. Présentez-vous devant le bureau de conciliation et d'orientation ou faites une requête.
Bon à savoir : vous avez également la possibilité d’engager une procédure de médiation.
Selon votre situation, vous pourrez :
- obliger votre employeur à s’acquitter de son devoir de protection à votre égard ;
- demander la résiliation judiciaire de votre contrat de travail (ou prise d’acte de rupture ou requalification de votre démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Déposez une plainte
Si une infraction ou un délit est caractérisé, vous pouvez déposer plainte pour obtenir la réparation de votre préjudice sous forme de dommages et intérêts :
- à la une gendarmerie ou dans un commissariat de police ;
- directement auprès du procureur de la République dont dépend le lieu où les faits se sont déroulés, en déposant une lettre de plainte sur papier libre au tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance) dans les 3 ans à partir du jour de l'infraction.
Bon à savoir : l’application « Ma Sécurité » permet d'entrer en contact avec la police ou la gendarmerie 7 j/7 et 24 h/24 grâce à un tchat. Cette application propose un service de pré-plainte et de signalement, un accès à l'ensemble des numéros d'urgence et des renseignements sur les démarches à suivre en cas de vol mais aussi en cas de violences, de menaces ou d’escroquerie.