Afin de contourner les licenciements économiques, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail a créé un nouveau mode de rupture du contrat de travail : la rupture conventionnelle collective. Il est possible de mettre en œuvre ce dispositif depuis le 4 janvier 2018. Ce dispositif est régi aux articles L. 1237-19 et suivants du Code du travail.
Qu’est-ce que la rupture conventionnelle collective ?
La rupture conventionnelle collective permet aux entreprises d’envisager de supprimer des emplois en contournant la procédure applicable aux licenciements collectifs économiques (notamment le plan de sauvegarde de l'emploi – PSE) et ce, quelle que soit leur situation économique.
Attention ! Il est toujours possible pour l’entreprise de négocier un PSE (dont le but est d'éviter les licenciements ou en limiter le nombre) si l’entreprise connaît des difficultés économiques entraînant une suppression d’emplois.
Ainsi, comme pour la rupture conventionnelle individuelle, la rupture conventionnelle collective permet de négocier la rupture du contrat de travail sans que celle-ci ne soit imposée par l'une ou l'autre des parties. Toutefois, cette rupture ne peut être proposée par les salariés à l'employeur. En effet, l'employeur est le seul pouvant avoir l'initiative de la négociation d'un accord collectif portant rupture conventionnelle.
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2020, et à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2025, la rupture conventionnelle est possible pour les fonctionnaires et les agents publics contractuels. Un fonctionnaire et l’administration qui l’emploie peuvent donc conclure une convention de rupture du contrat de travail dans les mêmes conditions que celles existant dans le secteur privé (loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 et décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019). Un arrêté du 6 février 2020 fixe cinq modèles de convention de rupture conventionnelle applicables aux fonctionnaires et aux agents contractuels des trois versants de la fonction publique, aux ouvriers des établissements industriels de l’État et aux praticiens hospitaliers.
Comment mettre en place le dispositif de rupture conventionnelle collective ?
La conclusion d’un accord collectif
La mise en place de ce dispositif n’est possible qu’après la conclusion d’un accord collectif de branche, à défaut d’un accord collectif d’entreprise validé par la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, ex-DIRECCTE).
Bon à savoir : depuis le 1er septembre 2017, l'accord collectif, dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires, est rendu public et versé dans une base de données nationale dont le contenu est publié en ligne. Le décret n° 2018-362 du 15 mai 2018 organise les modalités selon lesquelles les accords collectifs sont déposés sur la plateforme de téléprocédure du ministère du Travail.
Le contenu de l’accord collectif
L’accord collectif doit déterminer :
- les modalités et conditions d’information du comité social et économique (ou en attendant des différentes institutions représentatives du personnel – IRP – tels que les membres du comités d'entreprise ou les délégués du personnel) ;
- le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées et la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;
- les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
- les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
- les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
- les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif ;
- des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion, ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou de reprises d’activités existantes par les salariés ;
- les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
Suite à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 de ratification des ordonnances Macron, l'accord collectif doit également préciser :
- la durée pendant laquelle les ruptures de contrats de travail peuvent être engagées ;
- les modalités de la conclusion de la convention individuelle pour le salarié qui bénéficie de la rupture conventionnelle collective ;
- les conditions du droit de rétractation des parties.
Le contrôle de la validité de l’accord collectif
Ce sont les Dreets (ex-Direccte) qui valident ou non les accords collectifs, dans les 15 jours de leur transmission. Les Dreets doivent en effet s’assurer que toutes les modalités ont été prévues ou encore, que la procédure d’information du CSE (ou des IRP dans l’attente de mise en place du CSE) a été respectée. Dans ce délai, le CSE (ou les IRP) ainsi que les organisations syndicales représentatives doivent être informés de cette validation.
Passé le délai de 15 jours, en cas de silence de la Dreets, l’accord collectif est considéré comme validé. L’employeur doit alors transmettre une copie de la demande de validation au CSE mais aussi aux organisations syndicales représentatives signataires.
Bon à savoir : l'employeur est tenu de transmettre un bilan de la mise en oeuvre de l'accord portant la rupture conventionnelle collective (article L. 1237-19-7 du Code du travail). Ce bilan doit être établi selon le modèle fixé par un arrêté du 8 octobre 2018.
À noter : dans le cadre d’une rupture conventionnelle, la Dreets peut demander des informations à l’employeur. Depuis le 2 décembre 2019, les échanges avec l'Administration s'effectuent via le nouveau portail « RUPCO » (arrêté du 21 octobre 2019).
La rupture conventionnelle collective peut-elle être imposée aux salariés ?
La rupture conventionnelle collective, même si elle est prévue par accord collectif, ne peut être imposée aux salariés. Chaque salarié intéressé doit donner son accord écrit. En principe, le refus du salarié d’accepter la rupture conventionnelle collective ne peut donner lieu à un licenciement ou à une sanction.
Pour le salarié protégé, la possibilité de rompre le contrat dans le cadre de ce nouveau dispositif est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail. La rupture ne peut d'ailleurs intervenir qu'à compter du lendemain du jour de l'autorisation.
Quels sont les effets de la rupture conventionnelle collective ?
Dès lors que l'employeur accepte la candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective, le contrat de travail est rompu d'un commun accord entre les deux parties. Le salarié peut alors bénéficier d'une indemnité de rupture dont le montant est déterminé dans le paragraphe ci-après.
Par ailleurs, le salarié peut bénéficier de mesures visant à faciliter son reclassement externe sur des emplois externes comme des actions de formation, des actions de validation des acquis de l'expérience, des actions de reconversion, etc. L'ensemble de ces actions doit être prévues par l'accord collectif.
Enfin, la rupture conventionnelle collective permet aux salariés, si les conditions sont respectées (inscription à Pôle emploi, recherche d’emploi), de bénéficier de l’assurance chômage (allocation d’aide au retour à l’emploi ou allocation d’aide au retour à l’emploi formation).
Quel est le montant de l’indemnité de rupture ?
L’indemnité de rupture conventionnelle ne peut être inférieure aux indemnités légales de licenciement, c’est-à-dire :
- un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années ;
- un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté au-delà de 10 ans.
À noter : l’accord collectif mettant en place la rupture conventionnelle collective peut bien entendu prévoir une indemnité plus favorable.
Le salaire retenu est déterminé selon la formule la plus favorable au salarié :
- le tiers des 3 derniers mois complets précédant la notification de la rupture conventionnelle collective ;
- ou le 1/12e de la rémunération des 12 derniers mois complets précédant la notification de la rupture conventionnelle.
L’indemnité de rupture conventionnelle n'est pas imposable à l'impôt sur le revenu (article 80 duodecies du Code général des impôts). De plus, l'indemnité est exclue de l'assiette des cotisations sociales dans la limite de deux fois le plafond de la Sécurité sociale (PASS), soit 92 736 € pour l’année 2024 (à condition que le montant de l'indemnité ne dépasse pas 10 fois le PASS, soit 463 680 € pour l’année 2024).
Depuis le 1er janvier 2019, les exonérations sociales et fiscales sont par ailleurs étendues aux indemnités versées dans le cadre des mesures visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents (article 7 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019).
Enfin, l'indemnité est exonérée des cotisations CSG et CRDS dans la limite du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2019, les indemnités de rupture conventionnelle collective sont exonérées de forfait social (article 16 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019) et de contribution unique de 30 % applicable aux indemnités de rupture conventionnelle individuelle depuis le 1er septembre 2023 (loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023).
Le salarié peut-il contester la rupture de son contrat de travail?
Le salarié a la possibilité de contester la rupture de son contrat de travail suite à une rupture conventionnelle collective. Cette contestation doit s’effectuer dans un délai de 12 mois à compter de la date d’effet de la rupture de son contrat de travail devant les prud'hommes.
À noter : pour toute contestation de rupture du contrat de travail (licenciements, rupture conventionnelle collective ou individuelle, mise à la retraite) déposée à partir du 23 septembre 2017, le délai de prescription est de 12 mois au lieu de 2 ans auparavant.
Rupture conventionnelle dans la fonction publique
Depuis le 1er janvier 2020 et à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2025, la rupture conventionnelle est possible pour les fonctionnaires et les agents publics contractuels.
Ainsi, un fonctionnaire et l’Administration qui l’emploie peuvent conclure une convention de rupture du contrat de travail dans les mêmes conditions que celles existant dans le secteur privé.
Cette possibilité de conclure une rupture conventionnelle est ouverte aux :
- fonctionnaires des 3 fonctions publiques ;
- agents contractuels de droit public ;
- ouvriers des établissements industriels de l’Etat.
À noter : en revanche, ne sont pas concernés les fonctionnaires stagiaires, les fonctionnaires détachés en qualité d’agent contractuel ainsi que les fonctionnaires ayant atteint l’âge légal de départ à la retraite.
La convention signée par les deux parties prévoit le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans le respect de montants planchers fixés par décret à paraître.
L’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée de CSG et de CRDS ainsi que de l’ensemble des cotisations sociales d’origine légale et réglementaire, dans la limite de 2 fois le montant du plafond annuel de la Sécurité sociale (loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la Sécurité sociale pour 2020).