
Lorsque l'employeur envisage de licencier plusieurs salariés pour motif économique (licenciement collectif), il peut avoir à mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Dans quels cas un PSE doit-il être mis en place ? Comment l'élaborer, que doit-il contenir et quelles sont ses conditions de validité ? Si vous souhaitez en savoir davantage sur le PSE (obligation, conditions de mise en place, etc.), cet article est fait pour vous.
Plan de sauvegarde de l'emploi : quelles conditions ?
Dans une entreprise d'au moins 50 salariés, l'employeur est tenu d'établir et mettre en œuvre un PSE lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours (article L. 1233-61 du Code du travail).
De même, l'employeur devra proposer un PSE si :
- au moins 10 salariés refusent la modification d'une clause essentielle de leur contrat de travail pour motif économique et que leur licenciement est envisagé ;
- il a procédé pendant 3 mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de 10 salariés au total, sans atteindre 10 salariés dans une même période de trente jours : tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivants engendre la mise en place d'un PSE (article L. 1233-26 du Code du travail) ;
- il a procédé au cours d'une année civile à des licenciements pour motif économique de plus de 18 salariés au total, sans avoir été tenu de présenter de PSE : tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des 3 premiers mois de l'année civile suivante est soumis à l'établissement d'un PSE (article L. 1233-27 du Code du travail).
À noter : la mise en place d'un PSE est facultative, mais tout à fait possible, dans les autres cas (entreprises de moins de 50 salariés, licenciement de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours).
Forme et contenu du PSE
Tout d'abord, il est utile de rappeler que l'objectif d'un plan de sauvegarde est d'éviter au maximum les licenciements ou, à tout le moins, d'en limiter le nombre.
L'employeur peut établir le PSE de 2 manières, soit en :
- négociant un accord collectif à la majorité absolue avec les organisations syndicales représentatives (article L. 1233-24-1 du Code du travail). L'employeur doit informer la DREETS de l'ouverture des négociations ;
- élaborant un document unilatéral après la dernière réunion du comité social et économique (ex-comité d'entreprise) (article L. 1233-24-4 du Code du travail).
Bon à savoir : suite à la réforme de l’organisation territoriale de l’État, la DIRECCTE et les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale ont fusionné en une entité unique : la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) le 1er avril 2021 (décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020). Les DREETS conservent les missions des DIRECCTE, avec de nouvelles missions liées à l’animation et la coordination des politiques publiques de la cohésion sociale, la mobilisation et la coordination des acteurs de l’insertion sociale et professionnelle.
Le plan prévoit des mesures telles que (article L. 1233-62 du Code du travail) :
- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;
Bon à savoir : l'obligation de reclassement ne s'étend pas, sauf disposition conventionnelle le prévoyant, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe (Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-14.373).
- des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ;
- des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;
- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;
- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
- des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience (VAE) ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;
- des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à 35 heures hebdomadaires ou 1600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée ;
- les conditions de mise en œuvre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ou du congé de reclassement (CR).
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2021, la durée du congé de reclassement peut être portée à 24 mois en cas de formation de reconversion professionnelle (décret n° 2021-626 du 19 mai 2021). De plus, le revenu versé pendant le congé de reclassement est exonéré de cotisations sociales, mais reste soumis à la CSG (6,20 %) et à la CRDS (0,50 %) après abattement de 1,75 % (loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021).
À noter : le dispositif du CSP a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2023 (arrêté du 9 juin 2023 portant agrément de l'avenant n° 7 du 15 mars 2023 à la convention du 26 janvier 2015).
D'autres mesures facultatives – comme le versement de primes d'incitation au départ volontaire ou la mise en place d'une cellule de reclassement – peuvent être envisagées dans le PSE.
Le PSE intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. Il en détermine les modalités de suivi.
Attention, l’offre de reclassement faite à un salarié préalablement à un licenciement économique ne doit pas être confondue avec un recrutement. Ainsi, un entretien avec le responsable hiérarchique et le salarié concerné peut être organisé, mais il n’est pas possible de subordonner ce reclassement aux résultats de l’entretien (Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 18-24.608).
Bon à savoir : s'il existe un accord de participation au sein de l'entreprise, les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé, bénéficient de la participation même si la rémunération versée à ces salariés est, ou non, prise en compte pour le calcul de la réserve de participation (Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-18.936).
À noter : un salarié en congé de reclassement ne peut pas percevoir une pension de retraite complémentaire conditionnée par une cessation définitive d'activité. En effet, son contrat de travail n'est ni rompu ni modifié pendant son congé de reclassement (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 18-15.550).
Important : le PSE doit donc comporter des mesures concrètes et précises (Cass. soc., 10 juin 1997, n° 95-19.818).
Conditions de validité du PSE
La consultation des représentants du personnel
Le CE, ou à défaut les délégués du personnel, sont informés et consultés sur le contenu du PSE et du plan de reclassement.
Le délai de consultation varie en fonction de l'ampleur de la procédure :
- 10 à 99 salariés concernés : 2 mois ;
- 100 à 249 salariés concernés : 3 mois ;
- au moins 250 salariés concernés : 4 mois (à 2 reprises).
Important : la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés s'intégrant au PSE n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés (article L. 1235-10 du Code du travail).
L'homologation/validation du PSE par la DREETS
L'accord collectif majoritaire ou le document unilatéral est transmis à l'autorité administrative compétente, la DREETS, pour validation (accord) ou homologation (document unilatéral) (article L. 1233-57-1 du Code du travail).
La DREETS notifie à l'employeur sa décision motivée :
- de validation dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l'accord collectif ;
- d'homologation dans un délai de 21 jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur.
Elle la notifie, dans les mêmes délais, au CE et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. Au-delà, le silence gardé par l'autorité administrative vaut décision d'acceptation de validation ou d'homologation. Dans un tel cas, l'employeur transmet une copie de la demande de validation ou d'homologation, accompagnée de son accusé de réception par l'administration, au CE et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires.
La décision de validation ou d'homologation est portée à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur leurs lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information.
En cas de refus de validation ou d’homologation, l’employeur peut présenter une nouvelle demande qui devra, dès lors, tenir compte des motifs de refus mentionnés dans cette décision.
Bon à savoir : les plans de sauvegarde de l'emploi conventionnels sont dispensés de l'obligation de publication dans une base de données nationale dont le contenu est publié en ligne (article L. 2231-5-1 du Code du travail, tel qu'issu de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018).
Suivi du PSE
Le PSE détermine les modalités de son suivi. Pour autant, ce suivi fait l'objet d'une consultation régulière et détaillée du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Les avis rendus par les représentants du personnel lors de ces consultations sont transmis à l'autorité administrative (article L. 1233-63 du Code du travail). L'employeur envoie également à la DREETS un bilan de la mise en œuvre effective du plan de sauvegarde de l'emploi.
PSE : les risques
Plusieurs cas de défaillances de l'employeur peuvent entraîner des sanctions.
Exemple : en cas de non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité administrative, le juge accorde au salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique une indemnité à la charge de l'employeur calculée en fonction du préjudice subi (article L. 1235-12 du Code du travail).
Inexistence ou insuffisance du PSE
Le licenciement économique d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours dans une entreprise d'au moins 50 salariés est nul faute de plan de sauvegarde de l'emploi, ou lorsque le PSE est insuffisant (Cass. soc., 15 juin 2005 , n° 03-48.094).
Chaque salarié licencié peut alors obtenir la nullité de son licenciement :
- le salarié réintègre son emploi. Il a droit à une indemnité réparant le préjudice subi pendant la période de son licenciement ;
- ou – en cas d'impossibilité ou de refus de réintégration du salarié – reçoit une indemnisation au moins égale à 12 mois de salaires (article L. 1235-11 du Code du travail). Toutefois, lorsque le salarié concerné a moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise ou lorsque l'entreprise emploi habituellement moins de 11 salariés, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi (article L. 1235-14 du Code du travail).
Inexécution des engagements du PSE
L'employeur doit obligatoirement respecter les mesures instituées dans le PSE. À ce titre :
- en cas d'inobservation des mesures relatives au reclassement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. L'employeur est alors soumis aux sanctions prévues pour licenciement injustifié (Cass. soc., 30 septembre 2013, n° 12-13.439) ;
- en cas d'inobservation des autres mesures, l'employeur commet une faute qui engage sa responsabilité : il verse aux salariés concernés des dommages et intérêts à hauteur du préjudice causé.