La mise à disposition du personnel s’entend de l’opération juridique consistant, pour une entreprise, à prêter un salarié pour une durée déterminée à une autre entreprise, dite « utilisatrice », pour la mise en œuvre d’une compétence ou d’une technique particulière.
La mise à disposition du personnel permet notamment de pallier les difficultés de recrutement dans certains secteurs, le principe de la mise à disposition d’un salarié étant bien moins coûteuse que l’embauche. Le point dans cet article.
Dans quelles conditions la mise à disposition de personnel est-elle autorisée ?
La mise à disposition d’un salarié n’est possible que si elle s’effectue dans un but non lucratif et si le salarié a donné son accord explicite.
Un prêt de main d’œuvre à but non lucratif
En principe, l’entreprise qui prête la main d’œuvre doit obligatoirement effectuer son prêt de main-d'œuvre de manière non lucrative.
Il en est toutefois autrement dans certaines situations précisément définies, comme pour le travail temporaire, le portage salarial ou encore la sous-traitance.
Bon à savoir : pendant la période de mise à disposition, l’entreprise prêteuse facture à l'emprunteuse les salaires versés aux salariés, les charges sociales afférentes et les éventuels frais professionnels remboursés au salarié.
À noter : l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 facilite le recours de prêt de main-d'œuvre à but non lucratif pour les PME et les jeunes entreprises. Le prêt peut être opéré par des entreprises d'au moins 5 000 salariés ou appartenant à un groupe d'au moins 500 salariés. Les conditions de ce prêt de main-d'œuvre sont définies par le décret n° 2017-1879 du 29 décembre 2017.
Par ailleurs, il est possible de conclure un contrat de sous-traitance pour la réalisation d’une activité et non la fourniture de main-d’œuvre. Pour que ce contrat de sous-traitance ne soit pas considéré comme un prêt de main-d’œuvre illicite, il doit avoir pour objet la réalisation d’une tâche précise, distincte de celle de l’entreprise donneuse d’ordres. L’entreprise sous-traitante doit conserver l’autorité sur le personnel qu’elle met à disposition pour accomplir la tâche définie. La rémunération du sous-traitant est fixée forfaitairement compte tenu du résultat à obtenir (Cass. soc., 19 décembre 2019, n° 18-16.462).
Expérimentation du « contrat passerelle »
Depuis le 15 décembre 2020, un « contrat passerelle », destiné à faciliter le recrutement de personnes en fin de parcours d’insertion, est en cours d'expérimentation pour une durée de 3 ans, soit jusqu'au 15 décembre 2023 (loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020). Par ce contrat, un ou plusieurs salariés engagés dans un parcours d’insertion par l’activité économique, depuis au moins 4 mois, au sein d’une entreprise d’insertion ou un atelier et chantier d’insertion (ACI) peuvent être mis à disposition d’une entreprise pour une durée de 3 mois renouvelable une fois.
Le « contrat passerelle » est mis en œuvre dans les conditions prévues pour les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif. Aux termes de la mise à disposition :
- soit le salarié réintègre la structure d’insertion ;
- soit le salarié est embauché par l’entreprise utilisatrice dans un emploi en correspondance avec les activités qui lui avaient été confiées.
Obligation d'obtenir l'accord du salarié
Le salarié mis à disposition doit obligatoirement exprimer son accord explicite. En cas de refus, le salarié ne peut ni être sanctionné, ni être licencié ni même faire l'objet d'une mesure discriminatoire.
Avenant au contrat de travail
Si le salarié accepte d’être mis à disposition, un avenant à son contrat de travail doit être conclu avec l’entreprise prêteuse. L’avenant doit obligatoirement préciser la durée de la mise à disposition, qui peut être précisément déterminée dès le départ ou à terme imprécis lorsque la date de ce terme ne peut être fixée précisément par avance. Dans ce cas, le terme doit être défini en se basant, par exemple, sur l’objet de la mission du salarié mis à disposition.
L’avenant doit également définir les tâches qui seront confiées au salarié dans l’entreprise d’accueil, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail qui sera occupé par le salarié mis à disposition.
Période probatoire
L’entreprise prêteuse et le salarié peuvent également convenir de la mise en œuvre d’une période probatoire. Cette période se définit comme la période au cours de laquelle la mise à disposition peut prendre fin à la demande de l'une ou l’autre des parties. Elle est d’ailleurs obligatoire lorsque le prêt de main-d'œuvre entraîne la modification d'un élément essentiel du contrat de travail.
Si le salarié décide de rompre la mise à disposition avant la fin de la période probatoire, cela ne peut constituer un motif de sanction ou de licenciement.
Bon à savoir : à la fin de la période de mise à disposition, le salarié doit retrouver son poste de travail. La mise à disposition ne doit en aucun cas avoir pour effet de freiner l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération.
Quelles sont les modalités de conclusion de la convention de mise à disposition de personnel ?
En cas de mise à disposition d’un salarié, une convention doit être signée entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice. Il doit être signé autant de conventions qu’il y a de salariés mis à disposition, une convention signée pour chaque salarié mis à disposition.
Cette convention de mise à disposition doit mentionner au minimum les éléments suivants :
- la durée de la mise à disposition ;
- l'identité et la qualification du salarié ;
- le mode de détermination des sommes qui seront refacturées à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse, salaires, charges sociales et frais professionnels.
Bon à savoir : dans le cadre du contexte de crise sanitaire liée à l'épidémie de coronavirus (Covid-19), les démarches pour avoir recours au prêt de main d'œuvre ont assouplies jusqu'au 31 décembre 2020 dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, de la construction aéronautique, de l'industrie agro-alimentaire et du transport maritime (décret n° 2020-1317 du 30 octobre 2020). L’ordonnance n° 2020-1597 du 16 décembre 2020 prolonge certaines de ces mesures jusqu'au 30 juin 2021.Le comité social et économique (CSE) de l'entreprise utilisatrice doit être consulté avant l'opération et informé de la signature des conventions. En effet, le nouvel article L. 2312-26 du Code du travail prévoit une consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi. Cette consultation comprend notamment une information relative aux contrats de mise à disposition. Le non-respect de ces dispositions peut être puni par le délit d’entrave.
Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant réforme du Code du travail a opéré une fusion des instances représentatives du personnel (IRP) – les délégués du personnel (DP), le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – en un comité social et économique (CSE). La mise en place des CSE a démarré le 1er janvier 2018. Elle est effective depuis le 1er janvier 2020. Le CSE reprend les attributions des anciennes instances représentatives du personnel (IRP).
Quelles sont les garanties du salarié mis à disposition ?
Pendant la période de mise à disposition, le contrat de travail liant le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu, ni suspendu. Ainsi, le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse. Il continue à bénéficier des dispositions conventionnelles comme s'il exécutait sa prestation de travail dans son entreprise d'origine.
Par ailleurs, il continue à être soumis aux règles en vigueur dans son entreprise d’origine, et au seul pouvoir disciplinaire de son employeur.
Quelles sont les sanctions en cas de mise à disposition illicite de salariés ?
Le prêt de main d'œuvre illicite est pénalement sanctionné jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d’amende. Le montant de l’amende est porté à 150 000 € pour une personne morale.
Attention, il n’y a pas que l’entreprise prêteuse qui risque d’être sanctionnée. En effet, il appartient également à la société utilisatrice de s’assurer que le prêt de main d’œuvre a bien lieu dans les conditions légales.
Des sanctions civiles sont également encourues. En effet, le salarié dont les intérêts ont été lésés dans cette opération peut se constituer partie civile dans le cadre de l’instance pénale ou demander réparation de son préjudice devant le conseil des prud'hommes.
Par ailleurs, des peines complémentaires peuvent être prononcées :
- interdiction d'exercer certaines activités professionnelles ;
- exclusion des marchés publics (5 ans maximum) ;
- publication du jugement dans les journaux, etc.
Enfin, des sanctions administratives peuvent également être prononcées :
- suppression des aides publiques ;
- fermeture provisoire de l’établissement avec éventuellement saisie du matériel professionnel, etc.