La clause couperet est une clause visant à permettre à l’employeur de mettre un salarié à la retraite lorsqu’il atteint l’âge fixé par la clause.
Quelle est la licéité et la mise en œuvre de cette clause ? Petit rappel des règles applicables.
Quand et comment un salarié part-il à la retraite?
Le départ à la retraite : un choix qui appartient au salarié
Il convient de rappeler que l’âge de départ à la retraite varie, entre l'âge de 60 et 62 ans, et à taux plein entre 65 et 67 ans, en fonction de l’âge du bénéficiaire et du nombre de trimestres acquis (articles L. 161-17-2 et D. 161-2-1-9 du Code de la sécurité sociale).
Bon à savoir : à compter du 1er septembre 2023, l'âge minimum de départ à la retraite va être progressivement relevé de 62 ans à 64 ans au rythme de 3 mois par an. L'âge légal de départ à la retraite atteindra ainsi 64 ans en 2030 (loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023). De plus, la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein va passer de 42 ans (168 trimestres) à 43 ans (172 trimestres) d'ici 2027, au rythme d'un trimestre par an.
C’est ainsi le salarié qui choisit l’âge et la date à laquelle il part à la retraite, considération prise des droits déjà acquis ou en cours d’acquisition.
L’exception : la mise à la retraite par l’employeur
Par exception, l’employeur peut souhaiter mettre à la retraite son salarié. Cette faculté est cependant clairement encadrée.
Ainsi :
- avant 70 ans, l’employeur peut interroger le salarié trois mois avant son anniversaire pour connaître son souhait, ou non, de partir à la retraite. Cette date anniversaire est celle à partir de laquelle le salarié remplit la condition d'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein. Le salarié doit répondre dans le mois.
Mais la retraite constitue un choix du salarié, qui ne peut se voir l’imposer. À défaut de réponse positive, ou d’avoir respecté ce délai de trois mois, la seule possibilité de l’employeur est de réitérer sa demande tous les ans jusqu'au 70e anniversaire du salarié (article L. 1237-5 du Code du travail) ;
- après 70 ans en revanche, la mise à la retraite peut être prononcée d’office par l’employeur. Attention cependant, cette possibilité de mettre un salarié à la retraite d’office lorsque celui-ci atteint l’âge de 70 ans n'est pas ouverte à l'employeur si le salarié avait déjà atteint cet âge au moment de son embauche (Cass. soc., 17 avril 2019, n° 17-29.017).
À noter : ces dispositions ont été jugées conformes à la constitution à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (C. constit., 4 février 2011, décision n° 2010-98 QPC).
Bon à savoir : lorsque l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est annulée et que ce dernier a fait valoir ses droits à la retraite, il ne peut plus demander sa réintégration. Néanmoins, le salarié bénéficie d’une indemnité d’éviction dont le montant correspond aux salaires qui auraient dû lui être versés entre son licenciement et l’expiration du délai de 2 mois après la notification de la décision annulant l’autorisation de licenciement. Cette indemnisation doit cesser à partir du moment où le salarié a atteint l’âge légal de mise à la retraite d’office même si les 2 mois ne sont pas expirés.
La clause couperet : moyen d'avancer le départ à la retraite du salarié ?
Les limites posées par la loi
La loi admet qu'un âge inférieur peut être fixé dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du Code de la sécurité sociale (article L. 1237-5 du Code du travail) :
- dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008 fixant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle, c'est ce qu'on appelle communément la « clause couperet » ;
- pour les bénéficiaires d'une préretraite ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 et mise en œuvre dans le cadre d'un accord professionnel prévoyant les aides aux actions de reclassement et de reconversion professionnelle ;
- dans le cadre d'une convention de préretraite progressive conclue antérieurement au 1er janvier 2005 ;
- dans le cadre du bénéfice de tout autre avantage de préretraite défini antérieurement à la date de publication de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites et ayant pris effet avant le 1er janvier 2010.
L’article L.1237-4 du Code du travail précise que : « Les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales.
Sont nulles toutes stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail et d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse. »
Ainsi, la loi vient énoncer que la clause couperet, qui prévoit la rupture automatique des contrats de travail dès lors que le salarié atteint un âge déterminé ou est en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse, est par principe nulle et de nul effet.
Par exception, il est admis que dans cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008, soit fixé un âge de mise à la retraite inférieur à l’âge légal dès lors que le salarié concerné peut bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein au sens du Code de la sécurité sociale, sous condition que des contreparties en termes d’emploi ou de formation professionnelle soient prévues.
Exemple : l’article 31.2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, dans sa rédaction résultant de l’avenant du 19 décembre 2003 applicable du 3 mars 2006 au 21 juin 2010 prévoyait : « La mise à la retraite, à l'initiative de l'employeur, d'un ingénieur ou cadre qui, ayant atteint au moins l'âge fixé au 1er alinéa de l'article L. 351-1 du Code de la sécurité sociale, peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale et qui peut faire liquider sans abattement les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO auxquelles l'employeur cotise avec lui sur les tranches A et B des rémunérations, ne constitue pas un licenciement lorsque cette mise à la retraite s'accompagne de l'une des 6 dispositions suivantes :
– conclusion par l'employeur d'un contrat d'apprentissage ;
– conclusion par l'employeur d'un contrat de qualification ou de professionnalisation ;
– embauche compensatrice déjà réalisée dans le cadre d'une mesure de préretraite progressive ou de toute autre mesure ayant le même objet ;
– conclusion par l'employeur d'un contrat de travail à durée indéterminée ;
– conclusion avec l'intéressé, avant sa mise à la retraite, d'un avenant de cessation partielle d'activité, telle que définie à l'article R. 322-7-2 du Code du travail ;
– évitement d'un licenciement visé à l'article L. 321-1 du Code du travail. »
Bon à savoir : les régimes Agirc et Arrco ont fusionné au 1er janvier 2019 en un seul régime (Agirc-Arrco) piloté par les partenaires sociaux. Ce régime de retraite (obligatoire pour tous les salariés du secteur privé) continue à fonctionner par points.
Une prohibition générale confirmée par la jurisprudence
Seul le salarié peut utiliser la clause litigieuse pour faire valoir son droit à la retraite ; cette disposition n'a été édictée que dans un souci de protection du salarié, l'employeur est irrecevable à s'en prévaloir (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-44.856).
Dans le cas contraire, la clause de la convention collective est nulle, la rupture du contrat est requalifiée en un licenciement, dont le motif ne peut être justifié que par une cause réelle et sérieuse indépendante de l'âge de l'intéressé.
Exemple : il s'agissait au cas précis d'un danseur soliste à qui l'employeur a imposé une retraite, par application de l'article 33 de l'accord collectif d'entreprise du 5 décembre 1980, à l'âge de 39 ans, âge limite du personnel des corps de ballet (Cass. soc., 6 décembre 1995, n° 92-40.389).
À noter : si la rupture survenue par application d'une « clause couperet » est initiée à l'initiative de l'employeur, elle est dépourvue de cause réelle et sérieuse (Cass. ass. plén., 6 novembre 1998, n° 97-41.931). Partant, elle donne droit (pour les licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017) à des indemnités fixées selon un barème, dont les montants planchers et les plafonds varient selon l'ancienneté du salarié et la taille de l'entreprise (article L. 1235-3 du Code du travail, dont la validité a été confirmée par la Cour de cassation dans deux avis n° 15012 et 15013 du 17 juillet 2019 et un arrêt : Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-14.490). Le salarié peut aussi invoquer la nullité de ce licenciement fondé sur son âge (article L. 1132-1 du Code du travail), nullité qui ouvre droit au droit à la réintégration ou à défaut, à des dommages et intérêts d'au moins 6 mois de salaire.