Changement des conditions de travail

Sommaire

Contrat de travail et CDD

Durant la relation de travail, l’employeur peut avoir besoin de modifier les conditions d'emploi du salarié. Selon que cette modification affecte les conditions de travail ou au contraire, un élément essentiel du contrat de travail, la procédure applicable est différente. De même, les règles varient selon que la décision de l’employeur affecte un salarié protégé ou non protégé.

Changement des conditions de travail : qu'entend-on par « conditions de travail » ?

Il n’existe pas de liste légale distinguant les éléments touchant à la modification du contrat de travail et ceux touchant au changement des conditions de travail. La distinction s’est donc construite au fur et à mesure, via la jurisprudence.

Bon à savoir : il existe toutefois trois éléments que l’on peut qualifier d’essentiels au contrat de travail. Ils ne peuvent être modifiés sans avoir préalablement obtenu l’accord du salarié. Il s’agit de la rémunération, de la qualification et de la durée du travail.

Étudions les éléments les plus couramment affectés : le lieu de travail, les attributions, les horaires de travail.

Le lieu de travail

En l’absence de clause de mobilité, la mutation du salarié dans un même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat.

La nature de la modification (conditions de travail ou contrat de travail) est déterminée par le secteur géographique. Il n’existe pas de définition légale du secteur géographique. Dès lors, pour définir le secteur géographique, les juges tiennent compte non seulement du critère de la distance entre la nouvelle et l’ancienne affectation, mais aussi du temps de trajet et des moyens de transport.

À noter : de même, des déplacements occasionnels ou temporaires liés aux fonctions du salarié sont considérés comme de simples changements des conditions de travail.

Important : pour être valable, une clause de mobilité doit notamment définir précisément la zone géographique d'application (Cass. soc. 12 juillet 2006, n° 04-45.396). À défaut, elle est considérée comme nulle et n'est donc pas applicable. Néanmoins, cette étendue géographique peut s'étendre  « sur l’ensemble du territoire national », « dans la limite géographique du territoire français » ou encore « dans les établissements situés en France » (Cass. soc., 14 février 2018, n° 16-23.042). De la même manière, une clause de mobilité qui prévoit que l’employeur a le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée est considérée comme nulle.

Bon à savoir : les juges considèrent qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié prononcé au motif du refus, par ce dernier, d'accepter une mutation immédiate décidée en application d'une clause de mobilité alors que l'employeur n'a pas respecté le délai de prévenance d'un mois (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 18-24.329).

Les attributions

L’affectation du salarié à un nouveau poste constitue un simple changement des conditions de travail si ce changement ne modifie pas son degré de subordination à la direction générale, sa rémunération, sa qualification et son niveau hiérarchique (Cass. soc., 10 octobre 2000, n° 98-41.358).

De même, l’employeur ne fait qu’user de son pouvoir de direction lorsqu'il fait évoluer les tâches exercées par le salarié, peu importe qu’elles soient différentes de celles effectuées antérieurement, dès l’instant où elles correspondent à sa qualification (Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 05-42.004).

En revanche, un salarié qui refuse d’effectuer des travaux qui ne relèvent pas de sa qualification professionnelle est en droit de refuser de réaliser cette nouvelle mission sans craindre d'être licencié pour faute grave. En effet, le fait de demander de réaliser une nouvelle tâche qui ne relève pas de la qualification professionnelle d’un salarié constitue une modification du contrat de travail que l’employeur ne peut pas imposer et que le salarié peut refuser (Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-21.700).

Les horaires de travail 

Le changement des horaires de travail, qui consiste dans une nouvelle répartition des heures de travail au sein de la journée, n’est qu’un changement des conditions de travail dès lors que la durée du travail et la rémunération restent identiques (Cass. soc., 9 avril 2002, n° 99-45.155).

Bon à savoir : sauf accord écrit du salarié, un employeur ne peut pas modifier la répartition de ses horaires de travail, sans l'informer au préalable en respectant un délai minimum appelé délai de prévenance. En cas de temps partiel, si l’employeur ne respecte pas ce délai, le salarié peut demander la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein. Toutefois, cette requalification ne peut être obtenue que si le changement d'horaires entraîne, pour le salarié, une impossibilité de prévoir son rythme de travail et donc l'obligation de se tenir à la disposition constante de l'entreprise (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-21.543).

De même, la modification de la cadence de travail constitue un simple changement des conditions de travail en l’absence d’une quelconque répercussion sur la rémunération ou le temps de travail des salariés (Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-42.805).

Au contraire, ne constituent pas un changement des conditions de travail mais une modification du contrat de travail :

  • le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit ;
  • le passage d’un horaire fixe à un horaire variable ;
  • une nouvelle répartition de l’horaire de travail privant le salarié du repos dominical.

L’employeur peut-il imposer le changement des conditions de travail ?

Il est nécessaire ici de distinguer selon que le salarié concerné est un salarié protégé ou non.

Si le salarié concerné est un salarié non protégé

Contrairement à la modification du contrat de travail, le changement des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur. Dès lors, il n’est pas nécessaire pour l’employeur d’obtenir l’accord du salarié.

Important : le salarié peut toutefois s’opposer à ce changement des conditions de travail s’il démontre qu’il porte une atteinte excessive aux droits du salarié (respect de sa vie personnelle et familiale, respect de son droit au repos), qu’il s’appuie sur un motif discriminatoire ou qu’il vise à lui nuire (Cass. soc., 3 novembre 2011, n°10-30.033).

En pratique, si le salarié refuse le changement des conditions de travail proposé par l’employeur, il s'expose à des sanctions disciplinaires. Ces sanctions peuvent aller jusqu'au licenciement pour cause réelle et sérieuse.

À noter : le refus d'un salarié de se plier à la mise en œuvre d'une clause de mobilité peut justifier un licenciement. Toutefois, le refus ne constitue une faute grave que s'il s'agit d'une opposition de principe du salarié (Cass. soc., 24 octobre 2018, n° 17-22.600).

Bon à savoir : les juges considèrent comme « nul » le licenciement d’une salariée enceinte qui a refusé une proposition de modification de son contrat de travail en application d’un accord de mobilité interne. En effet, il est interdit à un employeur de rompre le contrat de travail d’une salarié en état de grossesse pendant son congé de maternité sauf en cas de faute grave de la salariée, non liée à son état de grossesse ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 18-19.189).

Toutefois, le salarié conserve le versement des indemnités de licenciement et de préavis. En effet, selon la Cour de cassation, le refus du salarié de changer ses conditions de travail ne constitue plus à lui seul une faute lourde ou grave. Ainsi, un salarié qui refuse la modification de son lieu de travail alors que son contrat contient une prime de mobilité, ne commet pas une faute lourde mais uniquement un manquement à ses obligations contractuelles.

Si le salarié concerné est un salarié protégé

La situation du salarié protégé est différente de celle du salarié non protégé. En effet, l’employeur ne peut modifier les conditions de travail d'un salarié protégé sans avoir préalablement obtenu son accord. Il est dès lors nécessaire d’obtenir l’accord du salarié de manière non équivoque, par un écrit.

Bon à savoir : le fait que le salarié protégé continue d’exécuter son contrat de travail aux nouvelles conditions ne signifie pas que ce dernier ait donné son accord pour changer ses conditions de travail.

Si le salarié protégé refuse le changement de ses conditions de travail, l’employeur a 3 possibilités :

  • soit il renonce au changement envisagé et poursuit le contrat selon les modalités antérieures ;
  • soit il décide d’entamer une procédure de licenciement. Toutefois ce licenciement ne peut être envisagé que pour un motif autre que le refus et nécessite l’autorisation de l'inspection du travail ;
  • soit il propose au salarié une rupture conventionnelle, cette rupture devant elle aussi être soumise à autorisation de l'inspection du travail.

À noter : le Conseil d’État considère que le fait, pour un salarié protégé, de refuser de se déplacer plusieurs semaines à l’étranger ne constitue pas une faute justifiant son licenciement disciplinaire dès lors que son contrat de travail et ses fonctions n’impliquaient pas de mobilité géographique (CE, 4e et 1re ch. réunies, 29 juin 2020, n° 428694).

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