Inaptitude totale

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Accident du travail 123RF / Jozef Polc

L’inaptitude du salarié peut résulter d’une maladie ou d’un accident professionnel, ou au contraire être issu de la vie privée. L’inaptitude, qu’elle soit partielle ou même totale, ne signifie pas forcément qu’une procédure de licenciement va être engagée. Quelles sont les obligations de l’employeur en cas d’inaptitude totale du salarié ?

Inaptitude totale : délivrance d'un avis d’inaptitude

L’avis d’inaptitude ne peut être délivré que par le médecin du travail. Il peut s’agir d’une inaptitude partielle ou totale (à son poste de travail, à tout poste de travail), temporaire ou définitive.

Le médecin doit :

  • avoir réalisé au moins un examen médical du salarié, accompagné, le cas échéant, d'examens complémentaires ;
  • avoir réalisé ou fait réaliser une étude du poste ;
  • avoir réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement ;
  • avoir indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
  • avoir procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

Aujourd'hui, les visites et examens peuvent être effectués à distance, par vidéotransmission, par les professionnels de santé concernés (décret n° 2022-679 du 26 avril 2022). Par ailleurs, l'inaptitude d'un salarié peut être constatée à l'occasion d'un examen médical réalisé à sa demande. Cet examen peut être pratiqué pendant la suspension du contrat de travail du salarié – un arrêt maladie par exemple – (Cass. soc., 24 mai 2023, n° 22-10.517).

Enfin, si le salarié ou l’employeur ne sont pas d’accord avec la décision d’inaptitude prise par le médecin du travail, ils peuvent faire un recours selon la procédure accélérée au fond (ex-procédure en la forme des référés) auprès du conseil des prud'hommes dans les 15 jours suivant la notification de l'avis. Cette action vise à la désignation d'un médecin-expert (article L. 4624-7 du Code du travail).

Bon à savoir : suite à une déclaration d’inaptitude, l’employeur doit veiller à conserver ses échanges avec le médecin du travail sur des postes disponibles en vue d’un éventuel reclassement. En effet, en cas de litige ultérieur, l’employeur peut utiliser ces échanges pour prouver l’impossibilité de reclassement même s’il s’agit de simples courriels (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.384).

Obligations de l’employeur vis-à-vis de l'inaptitude totale

L’employeur doit s’abstenir de prendre toute décision brutale. Même si l’avis d’inaptitude du salarié indique « inapte à tout poste dans l’entreprise ».

Une étude du poste par le médecin du travail

Le médecin du travail doit effectuer une étude du poste et des conditions de travail dans l’entreprise et peut faire des propositions précises de reclassement, tenant compte des capacités physiques du salarié. Ensuite, l’employeur est tenu, à partir des conclusions du médecin du travail, de rechercher les possibilités de reclassement.

Bon à savoir : si l'employeur crée un poste pour le reclassement salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce nouveau poste avec les préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin (Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-24.279).

L’obligation de reclassement

L’employeur dispose d’un mois pour effectuer le reclassement du salarié. Cette obligation de reclassement débute à compter de l'examen médical. C’est à l’employeur de prendre l’initiative de reclasser le salarié après la déclaration d’inaptitude, en fonction des propositions faites par le médecin du travail. Si le médecin du travail n’a formulé aucune proposition de reclassement, l’employeur doit le solliciter pour qu’il effectue des propositions.

Selon l’article L. 1226-2 du Code du travail, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition doit prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Cette obligation de reclassement s’impose, que l’inaptitude soit ou non d’origine professionnelle, que le salarié soit en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée.

À noter : les propositions de reclassement transmises au salarié doivent contenir des informations précises relatives aux postes proposés, à savoir : l'intitulé du poste, sa description, la rémunération, le lieu, la durée et les horaires de travail.

Bon à savoir : dès lors que l’employeur a proposé au salarié un poste de reclassement validé par le médecin du travail, il n’est pas tenu de saisir une nouvelle fois le médecin du travail si le salarié refuse le nouveau poste en raison de l'incompatibilité avec son état de santé (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-27.986).

Le salarié déclaré inapte ne peut pas exiger d'être reclassé sur des missions confiées à des stagiaires, celles-ci ne constituant pas un « poste disponible » pour le reclassement (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 16-12.191).

À noter : l’obligation de reclassement s’étend au groupe dont dépend l’entreprise.

Bon à savoir : l'employeur doit proposer un autre poste après avis des délégués du personnel (DP). La simple consultation du comité d'entreprise ne suffit pas (Cass. soc., 14 juin 2016, n° 14-23.825).

En principe, ce reclassement doit donc être recherché même en cas d’inaptitude totale. Ainsi, la Cour de cassation considérait, dans un arrêt du 7 juillet 2004, que l’avis du médecin du travail concluant à l’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise ne dispensait pas l’employeur qui avait licencié le salarié d’établir qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de reclasser.

Un assouplissement est toutefois intervenu avec la loi Rebsamen de 2015. En effet, selon cette loi, si un salarié est déclaré inapte et que le médecin du travail précise clairement que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur peut rompre le contrat de travail sans possibilité de reclassement.

Bon à savoir : le décret n° 2018-502 du 20 juin 2018 institue une période de préparation au reclassement pour les fonctionnaires de l’État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions (objectifs, contenu, modalités de déroulement, situation de l'agent durant cette période, etc.).

Le licenciement pour inaptitude

Parfois, le reclassement peut se révéler impossible pour l’employeur. Par ailleurs, le salarié peut aussi refuser le reclassement proposé, sachant que ce refus ne peut en aucun cas constituer une faute. Enfin, le médecin du travail a pu déclarer clairement que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. La seule solution est alors de licencier le salarié inapte.

Attention ! Est nul le licenciement d’un salarié devenu handicapé et déclaré inapte à son poste dès lors que l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour préserver son emploi, même si des recherches de reclassement ont été effectuées. En effet, ce licenciement est considéré comme discriminatoire (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).

Bon à savoir : tout comme un salarié classique, un apprenti peut être déclaré inapte par le médecin du travail. Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2019, l’inaptitude d’un apprenti constitue une cause de licenciement et l’employeur n’est tenu à aucune obligation de reclassement (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018).

Dans le cas d’une inaptitude non professionnelle, l’employeur est tenu à une obligation de reclassement et doit consulter le CSE à ce sujet. L’absence de consultation du CSE prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, c’est le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s’applique (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-11.974).

Si l’employeur ne licencie pas le salarié, l’article L. 122-24-4 du Code du travail contraint l’employeur à reprendre le versement du salaire à l’expiration du délai d’un mois après la seconde visite.

En cas de licenciement pour inaptitude, c’est la procédure de licenciement pour motif personnel qui est applicable :

  • Convoquer le salarié à un entretien préalable : cette convocation s’effectue par lettre recommandée avec accusé de réception (AR).
  • Procéder à l’entretien : cet entretien préalable au licenciement doit se situer avant la fin du mois qui suit le 2e examen médical d’inaptitude, sauf à devoir ensuite reprendre le versement du salaire au salarié.
  • Notifier le licenciement : ce licenciement est alors motivé par l’inaptitude du salarié et l’impossibilité de le reclasser. Cet envoi doit être également effectué par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement, dont notamment un modèle de lettre de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié.

Bon à savoir : même si le salarié ne peut pas exécuter un préavis en raison de son inaptitude, le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement, et non pas jusqu'à la date d'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 12 décembre 2018, n° 17-20.801).

Une rupture conventionnelle peut être valablement conclue entre un employeur et un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767). Cette solution permet à l'employeur d'éviter un licenciement pour inaptitude et donc de s'exonérer d’une recherche de reclassement et du paiement de l'indemnité spécifique de licenciement et de l'indemnité compensatrice, sauf cas de fraude ou de vice du consentement.

À noter : un accord d’entreprise ou une convention collective ne peut pas prévoir l’exclusion des salariés, licenciés pour inaptitude, du bénéfice d’une indemnité de licenciement d’un montant plus favorable. En effet, cette exclusion constitue une discrimination fondée sur l’état de santé. Elle est donc nulle (Cass. soc., 9 décembre 2020, n° 19-17.092).

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