Que faire en cas de faute grave d'un salarié ?

Sommaire

Faute du salarié et licenciement

La faute grave du salarié est une faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’existence d’une faute grave est appréciée au cas par cas par les juges, en tenant compte du contexte de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié. Peuvent notamment être constitutifs d’une faute grave le vol, la conduite en état d’ivresse pendant le temps de travail ou le fait de proférer des insultes contre l’employeur.

La faute grave justifie un licenciement pour motif personnel du salarié, sous certaines conditions.

Rappelons que le juge ne peut en aucun cas requalifier une faute simple en faute grave. En effet, si un employeur décide de licencier un salarié pour faute simple, le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur et conclure à un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-15.940). Le juge peut en revanche se montrer plus clément. Il a en effet le droit de requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple.

Employeur, voici le point sur la conduite à tenir en cas de faute grave du salarié.

Pouvoir disciplinaire de l'employeur Lire l'article

1. Engagez une mise à pied conservatoire en cas de faute grave du salarié

Le salarié a commis une faute qui empêche son maintien dans l’entreprise. Vous devez réagir dans un délai de 2 mois à compter du moment où vous avez appris l’existence de la faute, ou vous ne pourrez plus sanctionner le salarié pour ces faits.

À noter : il est possible de licencier un salarié pour faute grave même si cette sanction ne figure pas dans le règlement intérieur de l'entreprise (à contrario des autres sanctions disciplinaires).

Bon à savoir : l'employeur a la possibilité, lorsque des agissements suspects de la part d'un salarié sont portés à sa connaissance, de procéder à des investigations afin de prononcer d'éventuelles sanctions disciplinaires. Dans le cadre de cette enquête, l'employeur doit user de moyens justifiés et proportionnés. Ainsi, les investigations ne doivent pas porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa privée sous peine de voir le licenciement refusé (CE, 4e et 1re ch. réunies, 2 mars 2020, n° 418640).

Une première façon d’interrompre le délai de prescription est d’engager une mise à pied conservatoire contre ce salarié. C’est une mesure de précaution qui s’applique immédiatement dans l’attente de la mise en place d’une mesure disciplinaire.

Cette mise à pied permet d’interdire au salarié de se rendre dans les locaux de votre entreprise. À ce titre, si le salarié mis à pied se rend dans vos locaux professionnels de son propre chef et qu’un accident survient, cet accident ne pourra pas être qualifié d'accident du travail (Cass. 2e civ., 21 septembre 2017, n° 16-17.580).

Pendant la mise à pied, le salarié n’exécute plus son contrat de travail et vous n’avez pas à le rémunérer. Dans une lettre que vous datez, notifiez simplement au salarié qu’il est en mise à pied conservatoire pour une durée indéterminée.

Pour garder une preuve de cet envoi, remettez cette lettre au salarié en mains propres contre décharge ou envoyez-lui le courrier en recommandé avec accusé de réception.

La mise à pied prendra fin au jour du licenciement ou au moment de la réintégration du salarié si vous renoncez à le licencier.

Sachez qu'engager une mise à pied conservatoire n’est pas obligatoire. Si vous ne souhaitez pas ou si vous avez omis de le faire, vous pouvez toujours licencier le salarié sur le fondement de la faute grave par la suite.

À noter : pour s’assurer de la réalité et de la nature des faits reprochés au salarié, l’employeur peut être contraint de procéder à des vérifications en demandant, par exemple, une enquête interne ou un audit. Dans cette hypothèse, le délai de prescription de 2 mois commence à courir une fois que l’enquête est réalisée et que les conclusions sont portées à la connaissance du salarié (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-11.254).

Bon à savoir : l'annulation du licenciement d'un salarié protégé entraine l'annulation de sa mise à pied et de ses effets. Par conséquent, le salarié doit retrouver son poste (et non un poste similaire) et les salaires non perçus pendant cette période doivent lui être versés (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-25.259).

2. Convoquez le salarié à un entretien préalable

Convoquez le salarié à un entretien préalable.

Si vous n’avez pas engagé de mise à pied conservatoire, cette convocation interrompt le délai de 2 mois dans lequel vous devez agir après la notification de la faute grave.

Si vous avez engagé une mise à pied conservatoire, convoquez le salarié à l’entretien sans délai. Si vous laissez traîner la procédure à ce stade sans justification, le juge pourra requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire et vous ne pourrez plus licencier le salarié sur le fondement de la faute constatée car il aura déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Un délai de 7 jours a ainsi été jugé trop long par la Cour de cassation (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 20-12.920).

Pour convoquer le salarié, rédigez une lettre comprenant les éléments suivants :

  • l’objet de l’entretien : envisager une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement ;
  • la date, l’heure et le lieu de l’entretien ;
  • s’il y a des représentants du personnel dans l’entreprise, la possibilité pour le salarié de se faire assister par une autre personne de l’entreprise ;
  • à défaut de représentants du personnel dans l’entreprise, la possibilité pour le salarié de se faire représenter par un conseiller du salarié (mentionnez l’adresse de l’inspection du travail et de la mairie où le salarié peut consulter la liste des conseillers).

Envoyez-lui cette lettre en recommandé avec accusé de réception ou remettez lui en mains propres contre décharge afin de garder une preuve de l’envoi.

Fixez la date de l’entretien au moins 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en mains propres.

Bon à savoir : pour compter en jours ouvrables sur une semaine, retirez le jour de repos hebdomadaire (généralement le dimanche) et les jours fériés habituellement non travaillés dans l’entreprise.

3. Assurez la tenue de l’entretien préalable

Si le salarié se présente à l’entretien préalable, expliquez-lui pourquoi vous envisagez de retenir une faute grave contre lui. Recueillez les explications du salarié.

Important : vous ne devez en aucun annoncer le licenciement du salarié pendant l’entretien.

Si le salarié ne se présente pas, vous pouvez poursuivre la procédure de licenciement.

4. Notifiez son licenciement pour faute grave au salarié

Si vous décidez de licencier le salarié, notifiez-lui son licenciement une fois écoulé un délai de 2 jours ouvrables après la date de l’entretien préalable, mais dans un délai de 1 mois après cette date.

Important : préalablement, pensez à consulter votre convention collective pour vérifier qu’elle ne prévoie pas un délai spécifique de notification.

Dans une lettre que vous signez, énoncez précisément chaque motif matériellement vérifié justifiant le licenciement. Précisez que le licenciement est sans préavis et qu'il prend effet à la date de la première présentation du courrier en recommandé. Envoyez ensuite cette lettre au salarié en recommandé avec accusé de réception.

Important : ne laissez pas le salarié exécuter un préavis, sous peine de remettre en cause le bien-fondé du licenciement.

Bon à savoir : un licenciement pour faute ne peut pas reposer uniquement ou principalement sur des témoignages anonymes. Ceux-ci peuvent constituer un élément d'information, mais pas une preuve principale (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241).

Par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a jugé qu’un employeur peut licencier un salarié pour faute grave en se fondant sur des éléments extraits du compte privé Facebook du salarié. Pour que le licenciement soit légitime, l’employeur doit avoir obtenu les éléments par un procédé loyal et l’atteinte à la vie privée qui en ressort doit être proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058). En l’espèce, les éléments extraits du compte privé Facebook ont été communiqués à l’employeur de manière spontanée par un courrier d’une autre salariée autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook du salarié licencié.

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