Détournement de clientèle par un salarié

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Femme qui fouille dans un tiroir à la recherche de documents Getty Images / choja

Tout salarié doit exécuter son contrat de travail de bonne foi et avec loyauté. Qu'advient-il quand un salarié détourne la clientèle de son employeur à son profit ou au profit d'une autre entreprise ? Peut-on considérer ces faits comme constitutifs d'une faute grave ou lourde et licencier le salarié pour un tel motif ?

Le contrat de travail devant être exécuté de bonne foi et loyalement, tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise peut constituer une faute. Tel est le cas lorsque le salarié détourne la clientèle de son employeur.

Qu'est-ce qu'un détournement de clientèle ?

On peut considérer qu'un salarié détourne la clientèle de son employeur lorsqu'il démarche les clients de son employeur pour son propre compte ou pour le compte d'une autre entreprise. On parle également de captation de clientèle.

Le détournement de clientèle est une forme de concurrence déloyale.

Les juges considèrent que tel est le cas lorsque :

  • le salarié fait délibérément signer, à plusieurs reprises, à des clients de son employeur des ordres de remplacement au profit d'un cabinet concurrent dont il avait prévu de reprendre la direction peu après (Cass. soc., 30 septembre 2003, n° 01-45.066) ;
  • le collaborateur détourne délibérément des clients de son employeur au profit d'une société concurrente dont il est associé, à compter de la création de cette société et jusqu'à sa démission (Cass. soc., 9 avril 2008, n° 06-46.047).

Attention ! Lorsqu'un salarié quitte une entreprise afin d'en intégrer une autre, le déplacement de la clientèle de l'ancienne entreprise vers la nouvelle (y compris si elle est créée par le salarié concerné) ne constitue pas un acte de concurrence déloyale dès lors qu'aucun procédé déloyal n'a été utilisé (Cass. com., 8 janvier 1991, n° 89-11.367). Les clients sont en effet libres de choisir leurs prestataires et de s'adresser au commerçant ou à l'entreprise de leur choix. Il peut donc arriver qu'un client souhaite continuer sa relation avec le salarié qui s'occupait de son dossier, sans que ce dernier ne lui ai suggéré ou demandé.

Les juges estiment notamment que constitue un procédé déloyal le fait de :

  • dénigrer ou transmettre des informations inexactes ou mensongères ;
  • utiliser les signes distinctifs de l'entreprise en vue d'établir une confusion afin de capter sa clientèle ;
  • détourner et utiliser des listes ou fichiers de clientèle ;
  • détourner des commandes ;
  • prospecter systématique les clients de l'entreprise, etc.

Bon à savoir : un salarié, qui crée une entreprise exerçant une activité concurrente sans en avoir informé son employeur ni obtenu son accord, manque à son obligation de loyauté. Il peut faire l'objet d'un licenciement pour faute grave, peu importe que des actes de détournement de clientèle soient ou non établis (Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-14.541).

Le détournement de clientèle : faute grave ou faute lourde ?

Rappelons tout d'abord que constitue une faute grave, un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation de ses obligations dont l’importance et la gravité sont telles, qu’elles rendent impossible son maintien, même temporaire, au sein de l'entreprise.

Quant à la faute lourde, elle suppose nécessairement l'intention de nuire à l'employeur, de lui porter préjudice. L'élément intentionnel doit impérativement être établi. Les Hauts juges estiment que le détournement de clientèle justifie le licenciement pour faute lourde du salarié.

En effet, la Cour de cassation a eu l'occasion de valider le licenciement pour faute lourde d'un salarié qui :

  • a participé activement au détournement d'un client de son employeur, et ce, même après le départ de son supérieur hiérarchique immédiat et dissimulé tant à l'ancienne direction qu'à la nouvelle, sa prise de participation au capital et à l'administration d'une société concurrente de son employeur. L'intention de nuire est, dans un tel cas, bel et bien caractérisée (Cass. soc., 15 décembre 2011, n° 10-21.926) ;
  • a délibérément et à plusieurs reprises détourné de la clientèle au profit d'un cabinet concurrent dont il se destinait à reprendre la direction (Cass. soc., 30 septembre 2003, n° 01-45.066) ;
  • en concertation avec un autre salarié, a dissimulé la création d’une entreprise ayant une activité concurrente vis-à-vis de son employeur, alors qu’il travaillait encore dans l’entreprise, qu’il était lié par une clause d’exclusivité et qu’il détournait ainsi des clients de son employeur. L’intention de nuire est caractérisée, le licenciement pour faute lourde peut être prononcé (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-28.943).

En présence d'un salarié qui détourne de la clientèle, l'employeur peut donc opter pour un licenciement pour faute lourde (ou grave).

L'employeur doit impérativement respecter à la lettre la procédure de licenciement adéquate, à savoir :

  • convoquer le salarié à un entretien préalable ;
  • mener cet entretien préalable (l'absence du salarié à l'entretien n'empêche aucunement de poursuivre la procédure) ;
  • notifier le licenciement et remettre les documents de fin de contrat.

Rappel : les conséquences de la faute grave et de la faute lourde sont désormais identiques : le salarié ne perçoit ni l'indemnité de licenciement ni l'indemnité compensatrice de préavis, sauf si une disposition conventionnelle ou contractuelle plus favorable est applicable à la relation de travail. Le salarié perçoit tout de même une indemnité compensatrice de congés payés dès lors qu'il n'a pas bénéficié de la totalité du congé auquel il avait droit.

Enfin, lorsqu'un salarié détourne la clientèle de son entreprise, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur si la faute lourde est caractérisée (Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-28.481). Détourner la clientèle de l'entreprise est donc sévèrement puni.

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