Licenciement économique individuel

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Licenciement économique individuel

Lorsqu'une entreprise justifie d'un motif économique solide et matériellement vérifiable, elle peut envisager de licencier un salarié. Le licenciement pour motif économique peut concerner un seul salarié de l'entreprise. On parle alors de licenciement individuel pour motif économique. Savez-vous, quels motifs permettent de justifier le licenciement économique d'un salarié ? Quelle procédure doit-être respectée ? Voici les réponses à ces interrogations.

Rappel : la procédure d'un licenciement économique est différente selon le nombre de salariés concernés :

Quels motifs peuvent justifier un licenciement économique individuel ?

Tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, matériellement vérifiable.

À noter : la loi Travail du 8 août 2016 a modifié les contours de la procédure de licenciement pour motif économique, notamment la définition des motifs (applicable depuis le 1er décembre 2016).

Constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives à :

  • des difficultés économiques ;

À noter : cette notion de « difficultés économiques » a été définie par la loi Travail comme étant des difficultés caractérisées par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

  • des mutations technologiques ;
  • une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

Bon à savoir : le licenciement d’un salarié est abusif lorsqu'il fait suite au refus, par ce dernier, d’une modification de son contrat de travail pour raison économique sans fondement. Ainsi, si la modification du contrat de travail, qui a été refusée par le salarié, avait pour fondement le souhait pour l’employeur de réorganiser l’activité commerciale de l’entreprise, mais que cette réorganisation n'était pas rendue nécessaire par des difficultés économiques ou de mutations technologiques, le licenciement du salarié faisant suite à son refus est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-19.605).

  • la cessation d'activité de l'entreprise.

Ces motifs s'apprécient au niveau de l'entreprise elle-même. Suite à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, pour les entreprises appartenant à un groupe international, la réalité de la cause économique à l'origine du licenciement est limitée au territoire national.

Bon à savoir : dans le cadre d'un licenciement économique, une suppression de poste avec répartition des tâches effectuées par le salarié licencié entre les salariés restés au sein de l'entreprise constitue bien une suppression d'emploi. Le licenciement ne peut pas être déclaré sans cause réelle et sérieuse, aucune contestation n'est valable. La notion de suppression d'emploi ne nécessite pas, en effet, la disparition concomitante des tâches effectuées par le salarié licencié (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 18-10.032).

À noter : un salarié licencié pour motif économique, en raison de la liquidation de la société, peut demander que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse si la cessation d’activité de l’entreprise résulte d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur. En revanche, le licenciement reste valable si la faute reprochée par le salarié à l’employeur n’est pas à l’origine de la liquidation judiciaire (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-26.140).

Licenciement économique individuel : la procédure à respecter

Une cause économique peut justifier le licenciement économique d'un seul et unique salarié. Pour autant, l'employeur doit, au préalable, avoir tout tenté pour reclasser le salarié concerné, puis, si cela s'avère impossible, respecter une stricte procédure.

La recherche d'une solution de reclassement

L'employeur ne peut licencier un salarié pour motif économique que s'il a :

  • effectué tous les efforts de formation et d'adaptation possibles (les formations initiales ne sont pas concernées par cette obligation) ;
  • tout mis en œuvre pour reclasser le salarié sur un emploi disponible en France dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (article L. 1233-4 du Code du travail), sachant que le reclassement du salarié s'effectue, autant que possible, sur un emploi relevant de la même catégorie ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. L'obligation de reclassement ne s'étend cependant pas, sauf disposition conventionnelle le prévoyant, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe (Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-14.373).
Si cette double obligation n'est pas respectée, le licenciement pour motif économique du salarié ne peut être valablement prononcé.

Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a supprimé l'obligation de proposer au salarié qui le demande des offres de reclassement à l'étranger si le groupe auquel l'entreprise appartient est implanté hors du territoire national.

À noter : il peut parfois arriver que le salarié préfère conserver un emploi de catégorie inférieure au sein de l'entreprise plutôt que de se retrouver sur le marché du travail.

Attention, l’offre de reclassement faite à un salarié préalablement à un licenciement économique ne doit pas être confondue avec un recrutement. Ainsi, un entretien avec le responsable hiérarchique et le salarié concerné peut être organisé, mais il n’est pas possible de subordonner ce reclassement aux résultats de l’entretien (Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 18-24.608).

Par ailleurs, l’obligation de reclassement implique que l'employeur doit proposer aux salariés concernés tous les postes disponibles susceptibles de répondre aux conditions légales. Ainsi, un employeur peut proposer le même poste à plusieurs salariés (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-15.250).

Reclassement Lire l'article

Les étapes de la procédure de licenciement

Lorsque toutes les étapes préalables ont été remplies, l'employeur peut passer à la procédure de licenciement en elle-même. Pour cela, il doit respecter les étapes suivantes :

Établissement de l'ordre des licenciements

Établir et respecter l'ordre des licenciements : même si un seul licenciement est envisagé, l'employeur doit respecter l'ordre des licenciements. Il ne peut pas choisir lui-même le salarié qui va être concerné. Certains critères légalement et conventionnellement définis doivent impérativement être pris en compte pour fixer l'ordre des licenciements (article L. 1233-5 du Code du travail). ​

Exemple : l’employeur est tenu de prendre en compte les salariés sous contrat d'insertion pour fixer l'ordre des licenciements (Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 20-23.651).

À noter : le périmètre géographique d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par accord collectif (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). En l'absence d'accord collectif, le périmètre d'application ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi.

Bon à savoir : lorsque le poste supprimé est le seul de ce type dans l’entreprise, cela ne prive pas l’employeur d’appliquer les critères d’ordre des licenciements. Il doit vérifier que le salarié occupant ce poste n’appartient pas à une catégorie professionnelle plus large au sein de laquelle pourront jouer les critères d’ordre des licenciements (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-21.199).

Exception à l'ordre des licenciements : le plan de départ volontaire

Dans le cadre d'un licenciement économique, l'employeur peut décider de mettre en place un plan de départ volontaire pour éviter de licencier les salariés qui ne le souhaitent pas et favoriser le départ de ceux qui le désirent.

Dans ce cas, l'employeur n'est pas dans l'obligation de respecter l'ordre des licenciements prévu par la loi ou la convention. La Cour de cassation (Cass. soc., 1er juin 2017, n° 16-15.456) a en effet décidé que les dispositions de nature légale ou conventionnelle relatives à l'ordre des licenciements ne s'appliquent pas lorsque la rupture du contrat de travail d'un salarié pour motif économique fait suite à l'acceptation, par ce dernier, d'un départ volontaire. 

Convocation - entretien - notification de licenciement

La procédure de licenciement se poursuit et l'employeur doit respecter les étapes suivantes : 

  • convoquer le salarié à un entretien préalable : la convocation s'effectue par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge ;
  • mener l'entretien préalable (article L. 1233-11 et suivants du Code du travail) : la date est fixée au moins 5 jours ouvrables après présentation de la convocation et le salarié a la possibilité de se faire assister. L'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ;

Par principe, un entretien préalable au licenciement doit se tenir en présence physique des parties. En revanche, il peut se dérouler par téléconférence si l’éloignement géographique des parties l’oblige, dès lors que les droits du salarié sont respectés et qu’il est en mesure de se défendre utilement (CA Versailles, 4 juin 2020, n° 17/04940).

Bon à savoir : le jour de la réception de la lettre de convocation, le jour de l'entretien et les jours non travaillés ne sont pas pris en compte dans le délai de 5 jours ouvrables. Ainsi, l’entretien ne peut avoir lieu qu’à partir du 6e jour ouvrable suivant la présentation de la lettre de convocation. Lorsque le délai expire un samedi ou un dimanche, l’entretien ne peut pas être prévu le lundi. En effet, le lundi correspond alors, suite à la prolongation, à la fin du délai minimum.

À noter : dès lors qu'un employeur propose un contrat de sécurisation professionnelle à un salarié, il doit l'informer par écrit du motif économique de la rupture du contrat de travail. L'écrit doit être transmis au salarié pendant la procédure de licenciement. Si le motif économique est uniquement évoqué dans le cadre de la procédure antérieure de modification du contrat de travail, le licenciement est considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-24.531).

Bon à savoir : dès lors qu’un licenciement économique est jugé sans cause réelle et sérieuse, le CSP devient lui aussi sans cause. Par conséquent, l’employeur doit rembourser une partie des allocations chômage versées au salarié concerné auprès de Pôle emploi, après déduction de la contribution versée par l’employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle (Cass. soc., 5 février 2020, n° 18-21.726).

  • proposer l'adhésion au congé de reclassement (CR) lorsque l'effectif de l'entreprise est d'au moins 1 000 salariés ;
  • notifier le licenciement : la notification se fait par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle comporte impérativement les informations suivantes : les motifs économiques précis justifiant le licenciement, la possibilité de bénéficier d'un CSP ou d'un CR, ainsi que la priorité de réembauche qui subsiste pendant 1 an. Cette lettre ne peut être expédiée moins de 7 jours ouvrables à compter de la date prévue pour l'entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué. Ce délai est de 15 jours ouvrables pour le licenciement individuel d'un membre du personnel d'encadrement (article L. 1233-15 du Code du travail) ;
  • remettre les documents de fin de contrat : certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi.
  • informer la Dreets (ex-Direccte) dans les 8 jours suivants l'envoi de la lettre de notification du licenciement.

Bon à savoir : le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, propose 6 modèles types de lettres de notification de licenciement. Ces modèles sont facultatifs pour l‘employeur, et peuvent être adaptés à la situation spécifique du salarié. Le décret propose ainsi notamment un modèle de lettre de licenciement pour motif économique individuel.

L'article R. 1232-13 du Code du travail (issu du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail) permet au salarié de demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Cette demande doit être faite dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'employeur dispose ensuite d'un délai de quinze jours après la réception de cette demande pour apporter des précisions s'il le souhaite.

Important : si le salarié concerné est un salarié protégé, l'autorisation de l'inspecteur du travail doit être sollicitée et le comité d'entreprise doit être consulté sur le projet de licenciement du salarié. Un vote à bulletin secret est exigé. Toutefois, le fait que les membres du comité d'entreprise s'expriment unanimement contre le projet, par un vote à main levée, ne compromet pas la régularité de la consultation (CE, 4e et 1re chambres réunies, 4 juillet 2018, n° 410904). Attention, pour bénéficier du statut de salarié protégé, le salarié lié par un mandat extérieur à l'entreprise doit informer son employeur qu'il détient un mandat lui permettant de profiter du statut protecteur (Cass. soc., 16 janvier 2019, n° 17-27.685).

Bon à savoir : la convention collective et les accords collectifs applicables doivent être consultés car ils peuvent contenir des dispositions plus favorables, que l'employeur est tenu de respecter. 

L'indemnisation du salarié licencié pour motif économique

Licencié pour motif économique, un salarié perçoit :

  • la plus favorable de l'indemnité légale, conventionnelle, usuelle ou contractuelle de licenciement, et ce, s'il en remplit les conditions d'attribution ;

Rappel : l'indemnité légale de licenciement est versée à partir de 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur. Son montant ne peut être inférieur à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et à 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans (article L. 1234-9 et article R. 1234-2 du Code du travail, tels qu'issus de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017).

  • une indemnité compensatrice de préavis s'il n'exécute pas le préavis (article L. 1234-5 du Code du travail). Toutefois, si la dispense de préavis découle d'une demande du salarié, ce dernier ne perçoit pas cette indemnité ;
  • une indemnité compensatrice de congés payés s'il n'a pas épuisé la totalité des congés payés qu'il a acquis avant son départ (article L. 3141-28 du Code du travail). Son montant est égal au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

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