
Lorsqu'une entreprise connaît des difficultés économiques, ou se réorganise afin de sauvegarder sa compétitivité, elle peut procéder au licenciement de plusieurs de ses salariés. On parle alors de licenciement collectif pour motif économique.
Pour y recourir, l'employeur doit justifier d'un motif réel et sérieux et suivre une stricte procédure.
Motifs permettent de justifier un licenciement économique collectif
Tout d'abord, il est important de rappeler que tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, matériellement vérifiable. Depuis le 1er décembre 2016, plusieurs motifs peuvent justifier des licenciements économiques (article L. 1233-3 du Code du travail).
Il peut tout d'abord s'agir de difficultés économiques. Cette notion a été définie par la loi El Khomri n° 2016-1988 du 8 août 2016. Les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d'au moins un indicateur économique.
À noter : dans le cadre de la réforme du Code du travail et suite à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, pour les entreprises appartenant à un groupe international, la réalité de la cause économique à l'origine du licenciement est limitée au territoire national.
Exemple : baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, pertes d'exploitation, dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation.
Les mutations technologiques peuvent elles aussi être un motif de licenciement économique.
Il en va de même pour la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ainsi que pour la cessation d'activité de l'entreprise à condition que :
- La cessation d'activité ne soit pas la conséquence d'une faute de l'employeur.
- La cessation d'activité soit totale et définitive. Ainsi, une cessation partielle d'activité ne justifie pas un licenciement pour motif économique. Néanmoins, la Cour de cassation admet, dans un arrêt du 23 mars 2017 (Cass. soc., 23 mars 2017, n° 15-21.183), qu'une cessation partielle d'activité peut justifier un licenciement pour motif économique uniquement si cette cessation partielle résulte :
- de difficultés économiques rencontrées par l'entreprise ;
- de mutations technologiques ;
- d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Pour résumer, un licenciement pour motif économique doit être décidé par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié.
Le licenciement économique doit résulter d'une suppression ou d'une transformation d'emploi. Il peut également s'agir d'une modification du contrat de travail refusée par le salarié. Cette modification peut être consécutive à l'un des motifs susmentionnés.
Bon à savoir : dans le cadre d'un licenciement économique, une suppression de poste avec répartition des tâches effectuées par le salarié licencié entre les salariés restés au sein de l'entreprise constitue bien une suppression d'emploi. Le licenciement ne peut pas être déclaré sans cause réelle et sérieuse, aucune contestation n'est valable. La notion de suppression d'emploi ne nécessite pas, en effet, la disparition concomitante des tâches effectuées par le salarié licencié (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 18-10.032).
À noter : ces motifs précédents s'apprécient nécessairement au niveau de l'entreprise elle-même.
Préalables au licenciement collectif pour motif économique
Avant tout licenciement économique, l'employeur est soumis à une double obligation.
Obligation de formation
L'employeur doit effectuer tous les efforts de formation et d'adaptation possibles (les formations initiales ne sont pas concernées par cette obligation).
Obligation de rechercher une solution de reclassement
L'employeur doit également tout mettre en œuvre pour reclasser les salariés sur les emplois disponibles en France. Ce reclassement peut avoir lieu dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, si leur organisation, leurs activités et leur lieu d'exploitation assurent la permutabilité de tout ou partie de leur personnel.
Pour justifier le licenciement, tout reclassement doit donc s'avérer impossible (article L. 1233-4 du Code du travail).
Bon à savoir : l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a supprimé l'obligation de proposer au salarié qui le demande des offres de reclassement à l'étranger si le groupe auquel l'entreprise appartient est implanté hors du territoire national. Par ailleurs, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur préalablement à un licenciement pour motif économique ne s'étend pas, sauf disposition conventionnelle le prévoyant, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe (Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-14.373).
Le reclassement d'un salarié doit être effectué, autant que faire se peut, sur un emploi relevant de la même catégorie ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.
À noter : il peut parfois arriver qu'un salarié opte pour une offre de reclassement d'une catégorie inférieure, préférant conserver un emploi au sein de l'entreprise à rechercher un nouvel emploi.
Si cette double obligation n'est pas respectée, aucun licenciement pour motif économique ne peut être valablement prononcé.
Par ailleurs, l’obligation de reclassement implique que l'employeur doit proposer aux salariés concernés tous les postes disponibles susceptibles de répondre aux conditions légales. Ainsi, un employeur peut proposer le même poste à plusieurs salariés (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-15.250).
Licenciement collectif économique : ordre des licenciements
Établissement de l'ordre des licenciements
Il ne revient en aucun cas à l'employeur de décider quels salariés vont être licenciés. En effet, en cas de licenciement pour motif économique, le chef d'entreprise doit définir des critères qui lui vont lui permettre de fixer l'ordre des licenciements. Certains critères légalement définis doivent impérativement être pris en compte (article L. 1233-5 du Code du travail).
Exemple : charges de familles, ancienneté, qualités professionnelles, etc.
Il convient de consulter les dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise, car elles peuvent faire mention de critères supplémentaires à respecter.
L'ordre des licenciements est mis en place par accord collectif. À défaut, l'employeur peut les fixer après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.
Suite à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en l'absence d'accord collectif, le périmètre géographique d'application des critères d'ordre des licenciements ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi.
Bon à savoir : l’employeur est tenu de prendre en compte les salariés sous contrat d'insertion pour fixer l'ordre des licenciements (Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 20-23.651).
Plan de départ volontaire et ordre des licenciements
Dans le cadre d'un licenciement économique collectif, l'employeur dispose de la faculté de proposer un plan de départ volontaire pour permettre de licencier, en priorité, les salariés qui souhaitent quitter l'entreprise.
Dans cette hypothèse, l'employeur n'est pas contraint de respecter les dispositions légales et conventionnelles relatives à l'ordre des licenciements. La Cour de cassation (Cass, soc., 1er juin 2017, n° 16-15.456) a en effet décidé que les règles légales ou conventionnelles relatives à l'ordre des licenciements ne s'appliquent pas lorsque la rupture du contrat de travail d'un salarié pour motif économique fait suite à l'acceptation, par ce dernier, d'un départ volontaire.
Procédure en cas de licenciement économique collectif
Lorsque l'employeur remplit toutes les conditions précédentes et qu'il a établi l'ordre des licenciements, il doit respecter une stricte procédure de licenciement.
La procédure de licenciement collectif pour motif économique comporte plusieurs étapes, qui varient en fonction du nombre de salariés concernés par la mesure et en fonction de l'effectif de l'entreprise.
À noter : une distinction est opérée selon le nombre de salariés concernés. On parle de « petit » licenciement économique lorsque la procédure concerne entre 2 et 9 salariés sur une même période de 30 jours. On parle de « grand » licenciement à partir de 10 salariés sur une même période de 30 jours.
Consultation des représentants du personnel
Cette étape est régie par les articles L. 1233-8 et L. 1233-28 du Code du travail. Si l'entreprise comporte au moins 50 salariés, ce sont les membres du comité d'entreprise qui sont consultés. En l'absence de CE, les délégués du personnel sont consultés.
À noter : lorsque l'effectif de l'entreprise est au plus de 9 salariés, ce sont automatiquement les délégués du personnel qui sont consultés.
Convocation des salariés à des entretiens préalables individuels
À ce sujet, voir l'article L. 1233-11 du Code du travail.
Cette étape doit être respectée si la procédure de licenciement concerne moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours. Elle est également indispensable si elle concerne au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours et que l'entreprise ne dispose d'aucun représentant du personnel.
A contrario, elle n'a pas à être menée si la procédure concerne plus de 10 salariés dans une entreprise dotée de représentants du personnel.
Mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
La mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi est indispensable dans les entreprises comptant plus de 50 salariés. Elle doit être déclenchée dès lors que la procédure concerne au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours (article L. 1233-61 du Code du travail).
Proposition d'adhésion au contrat sécurisation professionnelles (CSP)
Le contrat de sécurisation professionnelle doit être proposé dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, en phase de redressement ou de liquidation judiciaire (article L. 1233-66 du Code du travail).
Dès lors qu'un employeur propose un contrat de sécurisation professionnelle à un salarié, il doit l'informer par écrit du motif économique de la rupture du contrat de travail. L'écrit doit être transmis au salarié pendant la procédure de licenciement. Si le motif économique est uniquement évoqué dans le cadre de la procédure antérieure de modification du contrat de travail, le licenciement est considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-24.531).
À noter : le dispositif du CSP a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2023 (arrêté du 9 juin 2023 portant agrément de l'avenant n° 7 du 15 mars 2023 à la convention du 26 janvier 2015).
Bon à savoir : un salarié dispose d’un délai de 12 mois après avoir adhéré au CSP pour contester la procédure de licenciement préalable à l’acceptation du CSP, la rupture de son contrat de travail ou son motif mais également le respect des critères d’ordre du licenciement (Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-18.322).
Proposition d'adhésion au congé de reclassement (CR)
Le congé de reclassement peut être proposé dans les entreprises d'au moins 1 000 salariés (article L. 1233-71 du Code du travail).
Bon à savoir : s'il existe un accord de participation au sein de l'entreprise, les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé, bénéficient de la participation même si la rémunération versée à ces salariés est, ou non, prise en compte pour le calcul de la réserve de participation (Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-18.936).
Les 12 types de congés à connaître Lire l'article
Notification du licenciement
Le licenciement doit être notifié par lettre recommandée avec accusé de réception. Le courrier comporte nécessairement les motifs économiques précis justifiant le licenciement, la possibilité de bénéficier d’un CSP ou d’un CR et la priorité de réembauche qui subsiste pendant 1 an.
Tout salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche pendant une durée d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande dans ce délai.
Le délai d’un court à compter de la date à laquelle prend fin le préavis, qu’il soit exécuté ou non. Ce délai peut être prolongé lorsque le salarié prend un congé de reclassement au cours du préavis même si le salarié est dispensé d’exécuter ce préavis, dans la mesure où la durée du congé de reclassement qui excède la durée du préavis engendre le report du terme de ce dernier jusqu'à la fin du congé de reclassement (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.653).
Remise des documents de fin de contrat
L'employeur doit remettre au salarié licencié un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi.
Important : si un ou plusieurs salariés concernés sont des salariés protégés, une autorisation de licencier doit être demandée à l’inspecteur du travail.
Il convient, avant d'engager la procédure, de consulter la convention collective et les accords collectifs applicables à l'entreprise. En effet, ces documents peuvent contenir des dispositions plus favorables, que l'employeur est alors tenu de respecter.
Licenciement économique collectif : informations délivrées à la DREETS
Lorsqu'un employeur procède à plusieurs licenciements pour motif économique, l'autorité administrative compétente, qui est la DREETS, doit être informée. L’information a lieu dans les 8 jours suivant l’envoi des lettres de licenciement si 9 salariés au plus sont concernés sur une même période de 30 jours.
L’information est adressée, au plus tôt, le lendemain de la première réunion des représentants du personnel si au moins 10 salariés sont concernés sur une même période de 30 jours.
Dans le cadre d'un grand licenciement économique collectif (au moins 10 salariés sur 30 jours), la DREETS peut demander des informations à l’employeur. Depuis le 2 décembre 2019, les échanges avec l'Administration s'effectuent via le portail « RUPCO » (arrêté du 21 octobre 2019). Sur ce portail, l’employeur transmet à la DREETS :
- le projet de licenciement économique ;
- les informations communiquées aux représentant du personnel en vue de leur consultation ;
- le cas échéant, les contestations portant sur l'expertise décidée par les représentants du personnel ou, lorsque le licenciement intervient dans le cadre d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), la copie du jugement du tribunal de commerce.
Bon à savoir : suite à la réforme de l’organisation territoriale de l’État, la Direccte et les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale ont fusionné en une entité unique : la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) le 1er avril 2021 (décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020). Les DREETS conservent les missions des Direccte, avec de nouvelles missions liées à l’animation et la coordination des politiques publiques de la cohésion sociale, la mobilisation et la coordination des acteurs de l’insertion sociale et professionnelle.
Licenciement économique collectif : indemnité des salariés
Indemnité de licenciement
En cas de licenciement pour motif économique, et s'il en remplit les conditions d'attribution, le salarié perçoit la plus favorable de l'indemnité légale, conventionnelle, usuelle ou contractuelle de licenciement.
Rappel : l'indemnité légale de licenciement est versée à partir de 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur. Son montant ne peut être inférieur à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et à 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans (article L. 1234-9 et article R. 1234-2 du Code du travail, tels qu'issus de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017).
Une indemnité supra-légale peut également, dans certains cas, être versée au salarié.
À noter : dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), une indemnité supra-légale de licenciement ne constitue pas une mesure d'accompagnement. Elle vise à indemniser un salarié pour le préjudice causé par la rupture du contrat de travail. À ce titre, l'indemnité supra-légale de licenciement n'est pas couverte par l'AGS – Association pour la gestion du régime de garantie de garantie des salaires (Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 18-15.532).
Indemnité compensatrice de préavis
Lorsque le licenciement est notifié au salarié, le contrat de travail ne prend fin qu’après une période de préavis (article L. 1234-1 du Code du travail). Il est possible de ne pas respecter cette période de préavis en cas de dispense, ou si le salarié a accepté d'adhérer au CSP ou au CR.
Une indemnité compensatrice de préavis est versée au salarié qui n'exécute pas le préavis (article L. 1234-5 du Code du travail). Toutefois, si c'est le salarié qui est à l'origine de la dispense d'exécution du préavis, l'indemnité ne lui est pas versée.
Indemnité compensatrice de congés payés
Si le salarié n'a pas épuisé la totalité des congés payés qu'il a acquis avant son départ, une indemnité compensatrice de congés payés doit lui être versée (article L. 3141-28 du Code du travail). Son montant est égal au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.