Motif licenciement

Sommaire

Motifs de licenciement interdits

Afin de protéger le salarié de toute rupture discrétionnaire de son contrat de travail à durée indéterminée, le droit du licenciement impose à l'employeur de justifier le licenciement par une cause réelle et sérieuse, constituée par un motif de licenciement, qui peut être soit un motif personnel, soit un motif économique.

Motif de licenciement : motif personnel

Le motif personnel est un motif inhérent à la personne du salarié qui peut consister en un motif :

À noter : rappelons que le juge ne peut en aucun cas requalifier une faute simple en faute grave. En effet, si un employeur décide de licencier un salarié pour faute simple, le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur et conclure à un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-15940). Le juge peut en revanche se montrer plus clément. Il a en effet le droit de requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple.

Bon à savoir : il est possible de licencier un salarié pour faute grave même si cette sanction ne figure pas dans le règlement intérieur de l'entreprise (à contrario des autres sanctions disciplinaires).

Pour exemple, constituent, selon la jurisprudence, des motifs personnels réels et sérieux les motifs suivants :

  • les absences injustifiées répétées ou prolongées, désorganisant le bon fonctionnement d'un service essentiel de l'entreprise (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 14-11.929) ;
  • le vol du matériel de l'entreprise imputable au salarié ;

Bon à savoir : les juges considèrent comme fondé le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant commis un vol, en dehors de son temps de travail, dès lors que les faits reprochés se rattachaient à sa vie professionnelle. Par exemple, c'est le cas lorsque le salarié, personnel naviguant d’une compagnie aérienne, commet un vol le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la compagnie – Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-18.317.

  • des désaccords profonds entre le salarié et l'employeur basés sur des faits objectifs rendant la poursuite de la relation de travail impossible ;

Bon à savoir : dès lors qu’un salarié critique de manière systématique les orientations stratégiques et commerciales d’un responsable, et remet en cause régulièrement son autorité sans modifier son comportement malgré plusieurs rappels à l’ordre, il est considéré comme commettant des fautes sanctionnables par un licenciement disciplinaire. En effet, selon les juges, l’insubordination relève du droit disciplinaire (Cass. soc., 21 octobre 2020, 19-15.453).

  • le fait de continuer à travailler alors que le salarié n'est pas en état de le faire et met ainsi la sécurité de ses collègues en danger (Cass. soc., 12 octobre 2017, n° 16-18836) ;
  • un manquement du salarié à ses obligations contractuelles (par exemple, ne plus posséder de véhicule alors qu'une clause du contrat de travail prévoit que l'activité professionnelle du salarié exige de détenir une voiture – Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-15.379) ;
  • le fait, pour un salarié, d'utiliser son véhicule de fonction, à l'insu de son employeur, pour effectuer des prestations de covoiturage. En effet, le contrat d'assurance des véhicules de l'entreprise ne couvre pas les transports à titre onéreux de passagers ;
  • le non-respect des dates de début et de fin des congés payés (selon la gravité du comportement du salarié).

La loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a ajouté un nouveau motif personnel non disciplinaire de licenciement (article L. 114-2 du Code de la sécurité intérieure). Dans les entreprises de transport de personnes et de marchandises dangereuses, il est permis de licencier un salarié lorsqu'il a un comportement incompatible avec sa mission et ses fonctions, et qu'aucune possibilité de reclassement n'est trouvée. Cette incompatibilité est révélée par une enquête administrative. Les résultats de cette enquête administrative seront conservés dans le fichier ACCReD (Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données) créé par le décret n° 2017-1224 du 3 août 2017, et consultables par la DGPN et la DGGN.

Par ailleurs, par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a jugé qu’un employeur peut licencier un salarié pour faute grave en se fondant sur des éléments extraits du compte privé Facebook du salarié. Pour que le licenciement soit légitime, l’employeur doit avoir obtenu les éléments par un procédé loyal et l’atteinte à la vie privée qui en ressort doit être proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058). En l’espèce, les éléments extraits du compte privé Facebook ont été communiqués à l’employeur de manière spontanée par un courrier d’une autre salariée autorisée à accéder comme « amie » au compte privé Facebook du salarié licencié.

À noter : le Code du travail ne prévoit aucune obligation pour l'employeur d'informer un salarié sur les conséquences de son comportement sur le plan disciplinaire. Ainsi, l'absence d'avertissement adressé à un salarié ne permet pas de considérer son licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass, soc., 10 juillet 2019, n° 18-13.893).

Motif de licenciement : motif économique

Le motif économique est un motif non inhérent à la personne du salarié défini par la loi (article L. 1233-3 du Code du travail) et par la jurisprudence :

  • motivé par une raison d'ordre économique, constituée soit par :
    • des difficultés économiques ;
    • des mutations technologiques ;
    • une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité ;
    • la cessation d'activité de l'entreprise ;

Bon à savoir : la loi Travail a intégré au Code du travail les deux derniers motifs, qui avaient été créés par la jurisprudence. Cette liste n'est cependant pas exhaustive : l'article L. 1233-3 laisse au juge la possibilité de déceler d'autres motifs économiques.

  • entraînant une suppression d'emploi, une transformation d'emploi ou une modification d'un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié.

À noter : la loi Travail du 8 août 2016 définit la difficulté économique soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique « tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés » (article L. 1233-3 du Code du travail).

Pour exemple, constituent, selon la jurisprudence, des motifs économiques réels et sérieux les motifs suivants :

  • la perte de l'unique client de l'employeur ;
  • le décès de l'employeur exploitant individuel entraînant la fermeture de l'entreprise ;
  • la baisse de la rentabilité malgré des mesures prises dans le cadre d'une restructuration.

Motif de licenciement absent ou interdit : licenciement injustifié ou nul

À défaut de motif personnel ou économique réel et sérieux, le licenciement est considéré comme injustifié ou abusif. L'employeur doit en effet justifier le licenciement par une cause réelle et sérieuse.

L'article R. 1232-13 du Code du travail (issu du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 pris en application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail) permet au salarié de demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Cette demande doit être faite dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'employeur dispose ensuite d'un délai de quinze jours après la réception de cette demande pour apporter des précisions s'il le souhaite.

En présence d'un motif personnel de licenciement interdit, le licenciement est considéré comme nul. L'employeur ne peut en effet invoquer certains motifs de licenciement, et notamment les motifs suivants :

Exemple : est nul le licenciement d’un salarié devenu handicapé et déclaré inapte à son poste dès lors que l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour préserver son emploi, même si des recherches de reclassement ont été effectuées. En effet, ce licenciement est considéré comme discriminatoire (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).

Bon à savoir : la protection contre le licenciement accordée pendant la grossesse et pendant le congé maternité ne s'applique pas aux pères pendant le congé de paternité. Ainsi, les juges ne peuvent pas annuler le licenciement d'un salarié intervenu après la période de protection même si le père avait été convoqué à l’entretien préalable pendant cette période. Contrairement aux femmes enceintes ou en congé maternité, les actes préparatoires à un licenciement sont autorisés pendant la période de protection dont bénéficie un père (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.036).

À noter : lorsqu'un salarié protégé fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, l'employeur a l'obligation de saisir l'inspecteur du travail dans les plus brefs délais sous peine de nullité du licenciement (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 16-26.860). D'autre part, l'annulation du licenciement d'un salarié protégé entraine l'annulation de sa mise à pied et de ses effets. Par conséquent, le salarié doit retrouver son poste (et non un poste similaire) et les salaires non perçus pendant cette période doivent lui être versés (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-25.259).

  • un motif lié à l'état de santé du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (articles L. 1226-9 et L. 1126-13 du Code du travail) ;

À noter : les juges considèrent comme nul le licenciement d'un salarié motivé par une absence injustifiée faisant suite à une suspension du contrat de travail liée à un accident du travail, dès lors que l'employeur ne reproche pas une faute grave au salarié (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-16.715).

Bon à savoir : un salarié en arrêt de travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle ne peut pas être licencié sauf pour une faute grave ou en cas d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident. Dans l'hypothèse où l'employeur licencie le salarié en arrêt de travail pour faute grave, il doit explicitement indiquer dans la lettre de licenciement la mention « licenciement pour faute grave ». À défaut, le licenciement est nul (Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-16.715).

  • un motif pris en violation des règles protectrices du harcèlement moral et sexuel (articles L. 1152-2 et L. 1153-2 du Code du travail) ;
  • un motif pris en violation des libertés fondamentales du salarié, définies par la jurisprudence (droit d'expression, droit de retrait, respect de la vie privée, etc.).

Bon à savoir : un employeur ne peut pas licencier un salarié au motif qu'il juge son attitude arrogante. En effet, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Par conséquent, pour justifier le licenciement, l'employeur doit apporter la preuve que les propos du salarié comportaient des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. soc., 15 janvier 2020, n° 18-14.177).

C'est au salarié de saisir le conseil de prud'hommes pour contester le licenciement, soit pour licenciement injustifié, soit pour licenciement nul.

Bon à savoir : si le salarié ne reçoit pas la notification de licenciement en raison d'une erreur dans l'adresse inscrite sur le formulaire d'accusé de réception, le licenciement pourra être jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-16.362).

À noter : un salarié peut demander au conseil de prud'hommes le versement d'une indemnité complémentaire si les circonstances, dans lesquelles le licenciement injustifié est intervenu, sont de nature à lui avoir causé un préjudice distinct de celui provoqué par la perte de son emploi. Cette indemnité spécifique est cumulable avec une éventuelle indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Bastia, 8 novembre 2017, n° 16/00284).

Le salarié devra également veiller à respecter le délai de prescription. L'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a voulu diminuer les délais de contestation suite à la rupture du contrat de travail. Désormais, « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture » (article L. 1471-1 du Code du travail, alinéa 2). Par exception, toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par 12 mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique (article L. 1235-7 du Code du travail).

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