
La démission est un droit qu'un salarié en CDI peut exercer à tout moment, sans avoir à se justifier, dans la mesure où il ne fait pas valoir ce droit pour nuire à son employeur.
Néanmoins, il peut parfois arriver que le salarié démissionne en raison des manquements de son employeur à ses obligations. Si les manquements de l'employeur sont suffisamment graves, la démission peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Quelles sont les conditions à réunir pour qu'une démission soit valable ? Dans quels cas peut-elle être considérée comme un licenciement ?
Une démission non valable peut être requalifiée en licenciement
Quelles sont les conditions de validité d'une démission ?
Rappelons tout d'abord que démissionner permet à un salarié de rompre son CDI à tout moment et ce, sans avoir à se justifier. Il doit alors faire savoir sa volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail.
Pour être valable, la démission doit obéir à certaines conditions :
- avoir pour origine une volonté claire et définitive du salarié de rompre son contrat de travail. La démission ne se présumant pas, aucun doute ne doit subsister quant à la volonté du salarié de mettre fin à son contrat de travail ;
- ne pas être causée par des faits de l'employeur : contrainte ou pression psychologique, sanction injustifiée, retard de paiement du salaire, etc.
Bon à savoir : selon la Cour de cassation, le fait qu’un salarié soit embauché par un autre employeur caractérise une volonté claire et non équivoque de démissionner. En revanche, si le départ du salarié, pour une autre entreprise, a pour origine le comportement de l’employeur (non-paiement des salaires par exemple), la démission ne sera pas validée par les juges. En effet, la volonté claire et non équivoque de démissionner n'est pas caractérisée. La démission peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 18-12.545).
Si ces deux conditions ne sont pas réunies, la démission peut alors être remise en cause de la façon suivante par le salarié qui peut solliciter devant le conseil de prud'hommes :
- la requalification de la rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il a démissionné en raison du comportement fautif de l'employeur ;
- l'annulation de la démission s'il a démissionné sous le coup de l'émotion, de la colère, ou sous l'emprise de troubles psychiques.
Attention : un salarié ne peut tout à la fois invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission et demander que cet acte de démission soit analysé en une prise d'acte, par lui, de la rupture de son contrat de travail en raison de faits et manquements imputables à l'employeur (Cass. soc., 17 mars 2010, n° 09-40465).
Dans quels cas une démission peut-elle être requalifiée en licenciement ?
Si un comportement fautif de l’employeur est à l’origine de la démission, alors la rupture du contrat de travail par le salarié peut être considérée comme une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En effet, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, analyser la démission en une prise d'acte de la rupture (Cass. soc., 1er décembre 2009, n° 07-42796).
Exemples de démissions qui ont été considérées comme des prises d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
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le salarié démissionne puis, dans une lettre du 17 janvier 2006 adressée un peu plus d'un mois après celle faisant état d'une démission, explique les raisons de son départ en invoquant notamment le non-paiement par son employeur de la partie variable de sa rémunération (Cass. soc., 25 mai 2011, n° 09-66671) ;
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dès le lendemain de sa démission, une salariée a adressé un courriel au manager des responsables d’équipe pour se plaindre qu’elle ne pouvait mener à bien ses nouvelles fonctions du fait de la mainmise conservée par ce dernier sur son ex-équipe. Moins d’une semaine plus tard, elle réitérait ses critiques par mail à la directrice d'un service, se plaignant également de ce que la société ne voulait pas lui accorder les formations nécessaires (Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-28398) ;
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en présence d’un vol, l’employeur demande au salarié de démissionner en échange d’un abandon des poursuites judiciaires, et le menace d’appeler les services de l’ordre ou encore de déposer plainte si le salarié refuse. Le salarié remet alors sa démission. Cette démission est donnée sous la menace et le fait que les actes de vol soient avérés n’a aucun poids sur la validité de la démission (Cass. soc., 23 janvier 2019, n° 17-26.794).
Comment faire requalifier une démission en licenciement ?
La procédure est relativement simple :
- le salarié saisit le conseil de prud'hommes d'une telle demande ;
- les juges analysent la lettre de démission et les faits invoqués par le salarié puis rendent leur décision.
Pour être valable, il ne suffit pas que les fautes soient invoquées dans la lettre de démission, encore faut-il qu'elles soient réelles et justifiées. Dans un tel cas, la démission initiale est donc considérée comme étant une prise d'acte de la rupture.
Bon à savoir : l'employeur qui ne confie pas une prestation de travail suffisante à son salarié commet un manquement qui peut justifier la rupture du contrat de travail à ses torts. Le salarié peut alors demander en justice que la rupture du contrat de travail soit imputée à l’employeur et produise les effets d'un licenciement.
Déposer une demande de saisine du Conseil des Prud’hommes Consulter la fiche pratique
Comment le salarié est-il indemnisé lorsque sa démission est requalifié en licenciement ?
En cas de démission, le salarié est lésé puisqu'il perd ses droits aux indemnités. Aussi, un licenciement sans cause réelle et sérieuse implique de nombreux avantages par rapport à la démission :
- le salarié perçoit des indemnités liées à la rupture de son CDI : indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés ;
- il perçoit également, dans certains cas, des dommages et intérêts liés à l'absence de justification de son licenciement ;
- il peut bénéficier des allocations chômage s'il en remplit les conditions d'attribution.
Ainsi, lorsque le salarié démissionne en raison de faits fautifs ou de manquements de l'employeur, il a tout intérêt à consulter un avocat afin de savoir s'il peut saisir le juge d'une demande de requalification de sa démission.
La prise d'acte de la rupture
Lorsque le salarié reproche à son employeur des manquements suffisamment graves pouvant justifier la rupture du contrat de travail, il peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Qu'est-ce que la prise d'acte de la rupture ?
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est pas un mode de rupture classique. En effet, elle implique nécessairement la saisine du conseil de prud'hommes.
Dans un tel cas, le salarié est à l'origine de la rupture du contrat, mais en raison des faits qu'il reproche à son employeur, souhaite en imputer la responsabilité à ce dernier.
Elle entraîne la rupture immédiate des relations contractuelles. L'employeur doit donc remettre au salarié les documents de fin de contrat : certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi (attention, depuis le 1er juin 2021, les anciens modèles d'attestations ne sont plus acceptés par Pôle Emploi : le modèle unique valide peut être trouvé dans l'espace employeur sur pole-emploi.fr, ou sur le logiciel de paie pour les entreprises qui sont dans le périmètre de la DSN).
Dans quels cas le salarié peut-il prendre acte de la rupture de son contrat de travail ?
Le salarié peut opter pour une prise d'acte de la rupture lorsqu'il reproche à son employeur des manquements suffisamment graves. En effet, ces manquements doivent justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur.
La Cour de cassation a eu l'occasion de considérer que justifiaient une prise d'acte, les faits suivants :
- le non versement d'un élément du salaire : prime, heures supplémentaires, part variable de la rémunération… (Cass. soc., 10 avril 2013, n° 12-12734) ;
- le non-respect des temps de repos (Cass. soc., 7 octobre 2003, n° 01-44635) ;
- les faits de harcèlement moral ou sexuel (Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47296) ;
- toute discrimination ;
- la modification du contrat de travail sans accord du salarié ;
- etc.
Quelle est la procédure à respecter ?
Aucun formalisme n'est imposé au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail.
Pour autant, le salarié doit :
- prévenir son employeur en lui envoyant un courrier comportant les faits reprochés ;
- saisir le conseil de prud'hommes : l'affaire est portée devant le bureau de jugement qui statue dans un délai d'un mois suivant sa saisine (article L. 1451-1 du Code du travail).
Bon à savoir : le délai de prescription de l'action en justice débute à la date de sa prise d'acte par le salarié (exemple : présentation à l'employeur de la lettre recommandée avec accusé de réception l'informant de la prise d'acte) et non pas la date des faits reprochés à l'employeur (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 17-31.258).
L'appréciation du comportement fautif de l'employeur relève de l'appréciation des juges prud'homaux. Tout salarié doit donc être prudent avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Consulter en amont un avocat peut donc s'avérer très utile car, si la rupture produit les effets d'une démission, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité et ne peut percevoir, pour une certaine durée, d'allocations au titre de l'assurance chômage.
Quels sont les effets de la prise d'acte ?
Les conséquences d'une prise d'acte de la rupture sont les suivantes (Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 03-45018) :
- si les manquements invoqués par le salarié sont suffisamment graves, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (paiement des indemnités liées à la rupture du contrat telles que l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi que le paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse). Si le salarié concerné est un salarié protégé (un représentant du personnel, par exemple) alors les effets de la prise d'acte sont ceux du licenciement nul pour violation du statut protecteur.
Le salarié ne peut pas solliciter sa réintégration dans l'entreprise ; - lorsque les faits reprochés à l'employeur ne sont pas suffisamment graves, la prise d'acte produit les effets d'une démission.
Important : l'intéressé ne peut pas bénéficier des allocations chômage dès la rupture des relations contractuelles. Ce n'est qu'à l'issue de la décision du conseil de prud'hommes, si la prise d'acte produit les effets d'un licenciement, que le salarié peut commencer à percevoir les éventuelles allocations chômage.