Clause de dédit-formation

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Clause de résidence

Avec la clause de dédit-formation, le salarié s'engage à rester pendant une certaine durée dans une entreprise sauf à rembourser l'investissement en formation fait par l'employeur.

La clause de dédit-formation est l'une des clauses que peut comporter le contrat de travail. On trouve fréquemment d'autres clauses comme :

La clause de dédit-formation a pour objet de décourager un salarié formé de quitter prématurément l'entreprise, lorsqu'elle a payé des formations qui dépassent ses obligations légales et conventionnelles, alors qu'elle croyait pouvoir trouver un avantage en retour, dans cet effort financier et de formation de son personnel.

Elle a aussi pour effet de restituer l'employeur dans une partie de ses efforts, avec le retour dans sa trésorerie du coût de la formation elle-même.

Origine des clauses de dédit-formation

Les clauses de dédit-formation ne sont pas prévues par le Code du travail. Elles font suite aux « expériences » diverses conduites en entreprises, les tribunaux devant intervenir ensuite pour cerner les contours et préciser les modalités de mise en œuvre, au fur et à mesure des contentieux sur cet objet.

La formation est l'un des éléments essentiels porté par le Contrat de travail, que ce soit par des mentions spéciales inscrites dans le contrat lui-même, l'effet des accords collectifs opposables, ou une exigence générale et particulière existant dans le Code du travail.

L'employeur est tenu d'une façon générale de former ses salariés et de maintenir leur employabilité. Il doit donc s'assurer qu'ils ont bien la formation nécessaire pour qu'ils puissent exercer leur activité professionnelle dans des conditions normales et conformes aux exigences de prévention de la santé et de la sécurité au travail. Si ce n'est pas le cas, il doit veiller à former autant que nécessaire.

Bon à savoir : ne pas former un salarié engendre un préjudice pour celui-ci, qui peut ainsi obtenir des dommages-intérêts en cas de contentieux. Toutefois, c'est au salarié d'apporter la preuve que le défaut de formation lui a causé un préjudice (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.796).

L'entreprise doit aussi tout faire pour maintenir ses collaborateurs dans leur emploi ou contribuer à leur déroulement de carrière, ce qui exige souvent des actions de formations spécifiques et/ou de mise à niveau si les techniques d'entreprise changent et évoluent.

Partant, puisque l'obligation de formation en entreprise est directement attachée à l'existence même de la relation de travail, l'employeur devra donc consacrer une partie de son budget précisément à des actions de formation, selon la loi ou les accords collectifs en vigueur.

Attention :

  • Les actions qui se situent dans la limite de cette obligation légale ou conventionnelle de formation (et aussi dans la limite du coût qui y est attaché) ne peuvent pas donner lieu à des clauses de dédit-formation.
  • Ce n'est que lorsque les dépenses de formation dépassent ces seuils ou ces circonstances, qu'éventuellement une clause de dédit-formation pourra être négociée et signée.

À noter : les clauses de dédit-formation sont facultatives. Le salarié est libre de refuser de les signer, et il peut refuser de s'engager en retour sur une telle disposition. Le risque est que l'employeur ne finance pas la formation discutée.

Clause de dédit-formation : éviter la fuite des compétences

La clause de dédit-formation est un outil juridique qu'utilise l'employeur pour éviter que ses salariés fassent bénéficier indûment d'autres entreprises de ses investissements de formation.

Certains salariés acquièrent et/ou enrichissent leurs connaissances et savoir-faire professionnels grâce aux formations dont ils bénéficient au sein de l'entreprise.

Haut niveau de formation de certains salariés : attente de l'employeur

Quand le montant des sommes dépensées atteint un certain niveau, l'employeur :

  • souhaite un retour sur investissement et considère que les dépenses de formation doivent générer des plus-values et des bénéfices ;
  • raisonne en « benchmarking » : il surveille donc la concurrence, ses méthodes et produits comparés aux siens afin de toujours conserver une avance, notamment par le haut niveau de formation de ses salariés.

Débauchage des employés formés : des pertes pour l'employeur

Si, une fois (et à peine) formés par son entreprise, ces salariés partent à la concurrence, c'est une double perte pour l'employeur :

  • il offre un avantage compétitif à sa concurrence ;
  • il perd le bénéfice de ses investissements-formation.

Clause de dédit-formation : pour éviter ces pertes de compétences

Pour empêcher ces pertes, l'employeur peut décider d'utiliser la clause de dédit-formation afin de :

  • dissuader financièrement ses salariés de le quitter trop vite ;
  • stabiliser au sein de son entreprise l'effectif le mieux formé afin de profiter au mieux et le plus longtemps possible de ses performances en productivité et qualité de travail.

3 restrictions pour le salarié avec la clause dédit-formation

La clause de dédit-formation se présente sous la forme d'un accord conclu et renouvelé lors de chaque action de formation dont l'employeur souhaite garantir la dépense.

La clause de dédit-formation apporte une triple restriction au salarié :

  • il ne peut pas exercer pleinement et librement son droit de rompre le contrat de travail à tout moment, spécialement par démission ;
  • il est limité dans sa liberté de travailler et de choisir tel ou tel employeur ;
  • il supporte une pénalisation financière du fait du remboursement de la formation.

Conditions de fonds de la clause de dédit-formation : déduites par les tribunaux

Pour que le salarié soit considéré comme étant fautif, il faut nécessairement plusieurs conditions.

Le financement de l'action de formation doit avoir été entièrement à la charge de l'employeur.

La formation doit aller au-delà des obligations légales ou conventionnelles de l'employeur. Exemples jugés par la Cour de cassation :

  • Une garde malade employée par une association ne devait pas rembourser ses salaires, dès lors que la formation payée par l'employeur prévoyait que l'intéressée exercerait en même temps une activité d'aide soignante rémunérée, pendant toute la durée de cette formation. Conséquences : le fait pour un employeur de réclamer des salaires alors que ces derniers n'étaient que la contrepartie normalement attendue du travail régulièrement effectué, dispensait en conséquence l'intéressée de rembourser quoique ce soit.
  • Même chose à propos d'une autre clause de dédit-formation qui prévoyait le remboursement des salaires. Alors que pour les tribunaux, toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue nécessairement du temps effectif de travail. Lequel donne lieu au maintien du salaire par l'entreprise. Conséquence : la clause de dédit-formation qui prévoit le remboursement  des salaires est nulle, dès lors que l'employeur n'a rien fait de plus que de payer un salaire pour le travail effectué.

La clause doit être écrite préalablement au début de la formation, et elle doit avoir été convenue non dans le contrat de travail mais par un avenant au contrat de travail. Une clause de dédit-formation inscrite dans le contrat de travail lui-même pourrait faire discuter la validité même de la clause.

Le montant du remboursement des frais lorsque la clause est mise en œuvre doit être proportionnel aux frais de formation engagés.

La clause ne doit pas empêcher le salarié de pouvoir démissionner : soit parce que les sommes à rembourser sont déraisonnables ou qu'elles ne correspondent pas au coût réel de la formation, soit parce que la durée de l'obligation de fidélité au même employeur est manifestement disproportionnée.

La loi interdit enfin l'existence de telles clauses dans les contrats de professionnalisation.

À noter : le remboursement d'une formation selon une clause de dédit-formation ne peut intervenir que si la rupture est due au salarié. Une clause de dédit-formation ne peut pas être mise en œuvre par l'employeur lorsque la rupture du contrat de travail lui est imputable. Il n'y aura donc aucun remboursement de formation lorsque l'employeur licencie pour faute ou pour motif économique, puisqu'il est responsable de la fin prématurée de la relation de travail. Attention cependant à la rédaction de la clause et notamment au licenciement pour faute grave lorsque ce motif est visé dans la clause de dédit-formation.

Conditions de validité de la clause de dédit-formation

Compte tenu de cette triple restriction, les règles de validité et le formalisme de la clause de dédit-formation sont très strictes.

Formalisme à respecter

  • Écrit impératif.
  • Écrit à rédiger à l'occasion de chaque action de formation dont l'employeur veut garantir l'investissement (une formation = 1 écrit particulier).
  • Mentions à faire figurer :
    • Formation : nature, date et durée.
    • Coût réel de la formation : montant + détail des dépenses (hors salaire maintenu qui n'est pas remboursable).
    • Durée de maintien du salarié dans l'entreprise exigée : en mois ou années, étant entendu que la durée varie, en pratique, entre 2 et 5 ans.
  • Remboursement par le salarié : Combien ? Quand ? Circonstances ? Comment ?
  • Signature de l'écrit par le salarié.
  • Moment de la signature : avant le départ en formation du salarié au moment où il peut encore refuser.

Modalités financières à respecter

Réalité de la dépense de formation : la clause de dédit-formation ne vaut que si l'employeur réalise effectivement un investissement formation.

Obligation d'avoir une action de formation :

  • véritable : avec des acquis pour le salarié en termes de connaissances et/ou savoir-faire ;
  • se déroulant entièrement en épuisant tout le programme prévu ;
  • financée entièrement par l'employeur et sans aucun concours et/ou aide ou appoint extérieurs (OPCO, État, collectivités locales...).

Bon à savoir : le 1er janvier 2019, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) sont devenus des opérateurs de compétences (OPCO). Du 1er janvier 2019 au 31 mars 2019, les OPCA ont obtenu un agrément provisoire. Depuis le 1er avril 2019, 11 OPCO ont été agréés.

Montant de la dépense supérieur à l'obligation légale de l'employeur : la formation visée par la clause de dédit doit représenter un coût dépassant les dépenses de formation que l'employeur est tenu d'opérer chaque année.

Proportionnalité du remboursement du salarié :

  • qui ne peut être contraint de rembourser plus que le coût réel de la dépense exposée par l'employeur ;
  • qui doit bénéficier d'un abattement en fonction du temps déjà passé dans l'entreprise lorsqu'il la quitte après avoir respecté pendant plusieurs mois son obligation de demeurer à son service.

À noter : si un salarié doit respecter les directives de son employeur lui ordonnant de suivre telle ou telle action de formation, il en va autrement des actions de formation assorties d'une clause de dédit : le salarié a la possibilité de refuser de les suivre et donc de signer un engagement de dédit.

Clause de dédit-formation : pour certains types de contrat

Certains types de contrats de travail ne peuvent contenir de clause de dédit-formation notamment ceux permettant à l'employeur de recevoir des aides publiques.

La clause de dédit-formation n'est pas d'utilisation générale. Elle n'est possible que pour certains types de contrats de travail :

  • CDI : oui.
  • CDD : oui, si et seulement si la durée du contrat rend la formation effective et réelle.
  • Temps partiel et intermittent : oui.
  • Contrats avec aides : non. Sont concernés les contrats d'apprentissage, de professionnalisation, uniques d'insertion, etc. L'explication tient au fait d'une part que l'employeur n'a pas supporté seul la charge financière de la formation, et d'autre part que ce type même de contrat s'appuie nécessairement une action de formation dont c'est précisément l'objet.

Effets de la clause dédit-formation : à la rupture du contrat

Le dispositif de la clause de dédit-formation est déclenché quand le salarié démissionne ou parce qu'il est licencié dans certaines conditions.

La clause de dédit-formation contraint le salarié à rembourser des frais occasionnés par la formation dont il a bénéficié parce que et lorsqu'il :

  • quitte l'entreprise avant d'avoir accompli la totalité de la durée de service qu'il s'était engagé à accomplir ;
  • rompt lui-même le contrat de travail ;
  • voit son contrat rompu par l'employeur dans certaines circonstances.

Voici les hypothèses dans lesquelles le dispositif de remboursement est déclenché :

Type de rupture

Déclenchement du remboursement

Rupture de la période d'essai

Oui

Rupture de la période probatoire et du contrat

Oui

Démission

Oui

Licenciement pour faute

Oui, en principe si cette circonstance est prévue dans la clause elle-même.

Licenciement pour motif économique

Non

Rupture du contrat en raison de la force majeure

Non

Rupture anticipée de CDD pour faute grave

Oui, en principe si cette circonstance est prévue dans la clause elle-même.

Prise d'acte de la rupture

Non (si torts avérés de l'employeur)

Départ/mise à la retraite

Non

Départ négocié

Oui/Non (en fonction de l'accord des parties et de celle qui prend l'initiative de proposer la rupture).

Rupture conventionnelle homologuée

À noter : au moment ou après la rupture du contrat de travail, dans le cadre d'un accord par simple écrit ou acté par voie de transaction, les parties peuvent adapter les effets de la clause de dédit-formation, voire décider que le salarié ne remboursera rien ou ne remboursera qu'une partie de la somme initialement prévue.

Attention ! En cas de procès, le juge prud'homal peut décider que l'employeur est responsable de la rupture du contrat de travail et exonérer le salarié du remboursement des frais de formation.

Aide à la rédaction d'une clause de dédit-formation

Voici les éléments indispensables à la rédaction d'une clause de dédit-formation.

Ce qu'il faut indiquer

  • Date et lieu de signature.
  • Désignation exacte des parties.
  • Références contractuelles : convention particulière (avenant numéroté au contrat de travail).
  • Désignation de l'action de formation (nom, lieu, identification éventuelle du prestataire qui dispense la formation, diplôme délivré en fin de formation s'il y en a un).
  • Objectif de la formation, ce qu'elle apportera au salarié en termes de connaissance et de qualifications supplémentaires.
  • Date de début et de fin de l'action de formation.
  • Durée de la formation elle-même (jours, temps travaillé consacré à la formation).
  • Coût réel de l'action de formation pour l'entreprise, à « l'euro/euro». Une mention vague et imprécise qui fixerait l'obligation de rembourser tout le coût de la formation sans dire quel est ce coût et en oubliant de détailler les postes attachés pourrait être insuffisante.
  • Précisions sur la prise entière et exclusive du coût de l'action de formation par l'entreprise, de la prise en charge des frais de transport et d'hébergement, et du maintien du salaire pendant toute la durée de la formation.
  • Déclaration d'intention du salarié dans l'avenant lui-même, qui s'engage à rester au sein de l'entreprise nommément désignée pendant une durée à préciser.
  • Indication qu'en cas de départ anticipé du salarié (démission, rupture conventionnelle, ou autre motif à préciser), il s'engagera à rembourser une somme indiquée qui correspond au coût réel supporté par l'entreprise.
  • Plan prévisionnel exhaustif de remboursement.
  • Mention de la date à partir de laquelle la clause pourra être actionnée (date de la démission par exemple).

Quand signer ?

  • Signature avant le début de la formation elle-même (sous peine de nullité).
  • Signature éventuellement d'un contrat de travail, et signature le même jour d'un avenant au contrat de travail portant une clause de dédit-formation, par formation envisagée.
  • Signature d'un contrat de travail, puis signature d'un avenant au contrat de travail à distance l'un de l'autre, pendant le cours de la relation travaillée.
  • Signature d'autant d'avenants au contrat de travail portant une clause de dédit-formation qu'il y a de formations envisagées relevant de ce régime.

Être attentif

Les actions qui se situent dans la limite de l'obligation légale ou conventionnelle de formation ne peuvent pas donner lieu à des clauses de dédit-formation.

Penser à vérifier ce que prévoit éventuellement la convention collective et si un texte récent a été pris ou non, modifiant éventuellement les souvenirs d'entreprise : les dispositions conventionnelles sur cet objet évoluent souvent assez vite. En cas de défaut, il pourrait y avoir nullité de la clause.

L'obligation de loyauté entre les parties impose que le salarié soit parfaitement informé. Il doit savoir clairement à quoi il va s'engager si la clause devait être ensuite actionnée. À défaut, son contentement pourrait avoir tout simplement été vicié.

Le coût de la formation doit être supporté uniquement par l'entreprise. Si un organisme extérieur participe même modestement, le risque sera à la nullité de toute la clause.

La durée pendant laquelle le salarié sera soumis au régime de cette clause n'est pas fixée par la loi. Elle relève donc d'une discussion de grès à grès qui tient compte des efforts de formations et du bénéfice qu'attend l'employeur à former un salarié. La durée doit rester raisonnable et être proportionnée aux efforts de formation. Si ce n'est pas le cas, la clause pourrait être jugée nulle. En pratique, à s'en tenir à la jurisprudence :

  • 2 ans d'obligation pour le salarié : la clause restera sans doute dans la limite du raisonnable ;
  • entre 2 et 4 ans : prudence ;
  • au-delà de 4 ans : attention danger. Il faut vraiment qu'il y ait un intérêt particulier ou une justification sérieuse.

L'employeur peut décider de renoncer à tout instant au bénéfice de cette clause. Il conviendra alors de l'exprimer clairement par un écrit.

Une clause de dédit-formation ne peut pas concerner plusieurs formations. Il faut en faire une par formation.

Ce n'est que du facultatif. Rien n'oblige le salarié à accepter de signer une telle clause.

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