
L'utilisation par l'employeur d'une clause forfaitisant le temps de travail sur la semaine, le mois ou l'année n'est pas libre mais conditionnée à l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit (article L. 3121-55 du Code du travail).
La clause de forfait jours des cadres est l'une des clauses que l'on peut trouver dans les contrats de travail.
On trouve également d'autres clauses comme :
- la clause de période probatoire ;
- la clause de période d'essai ;
- la clause de dédit-formation ;
- la clause de mobilité du contrat de travail ;
- la clause de non concurrence ;
- la clause de confidentialité du contrat de travail.

Forfait jours cadres : avantageux pour l'employeur
Le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel. Le forfait en jours est annuel. L'utilisation de la clause de forfait heures ou de forfait jours pour les cadres donne la possibilité d'échapper au décompte du temps de travail à la semaine pour passer à une périodicité annuelle.
Forfait jours cadres et heures supplémentaires
Lorsque l'employeur fait travailler des salariés dans le cadre de la durée légale hebdomadaire du travail de 35 heures, les dépassements entraînent le décompte des heures supplémentaires quand les salariés ont reçu pour instruction de travailler plus.
Les heures supplémentaires :
- donnent lieu à majoration de salaire ;
- doivent être compensées par des repos de remplacement (s'ajoutant à la majoration) lorsqu'elles dépassent une certaine quantité ;
- sont d'utilisation plafonnée (contingent annuel et par salarié), le franchissement de plafond nécessite une autorisation de l'inspecteur du travail ;
- entraînent régulièrement l'information et la consultation des représentants du personnel ;
- imposent la mise en place d'outils et/ou systèmes de comptabilisation et suivi ainsi que de traitement de la paye.
Attention ! Le seul fait qu'un salarié et un employeur fixent une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires comprises dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait (Cass. soc., 4 décembre 2019, n° 18-15.963).
Moins de contraintes pour l'employeur avec le forfait jours des cadres
Le forfait jours cadres annuel (en heures ou en jours) permet à l'employeur :
- de s'exonérer totalement ou partiellement de ces contraintes ;
- ou de s'en alléger.
Avantages du forfait jours ou heures
Voici les différents avantages du forfait jours ou heures des cadres :
- pas de décompte du temps de travail dans le cadre de la semaine civile ;
- pas de majorations de salaires à calculer ;
- pas de suivi ni de vérification du franchissement (ou non) du contingent annuel d'heures supplémentaires ;
- pas d'attribution de repos compensateur de remplacement ;
- pas de consultation des IRP pour les heures supplémentaires ;
- pas de demande d'autorisation de l'inspecteur du travail pour franchissement du contingent annuel d'heures supplémentaires.
À partir du 1er janvier 2022, les salariés en forfait jours et les travailleurs non-salariés relevant du régime des salariés peuvent bénéficier de la retraite progressive (article 110 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022).
À noter : la signature conjointe d’un forfait annuel en jours et d’un forfait mensuel en heures rend la convention de forfait nulle (Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-20.098).
Bon à savoir : dès lors qu’une convention de forfait est, ultérieurement à sa conclusion, déclarée illicite, le salarié cadre ne peut plus bénéficier du statut de cadre dirigeant. Par conséquent, le salarié est en droit de demander le paiement des heures supplémentaires effectuées avant que la convention de forfait ne soit déclarée illicite (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-11.935).
Avantage forfait jours : simplification du traitement de la paye
Le décompte et le paiement d'heures supplémentaires impliquent :
- suivi hebdomadaire ;
- récapitulatif et paiement mensuel ;
- variation du contenu du bulletin de salaire en fonction du nombre d'heures supplémentaires effectué (ou non) chaque semaine.
Le forfait simplifie tout cela puisque le contenu du bulletin de salaire ne change jamais (si le forfait est respecté et ne connaît pas de dépassements) :
- il indique toujours le même type de forfait ;
- une base annuelle identique et invariable ainsi qu'un montant de rémunération qui ne connaît pas de fluctuations peu importe le cours des semaines et des mois.
Forfait heures ou jours : conditions d'utilisation
L'employeur ne peut, de sa propre initiative, utiliser les clauses de forfait jours cadres.
L'utilisation des clauses de forfait-heures ou jours n'est pas discrétionnaire. L'employeur ne peut instaurer de forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année qu'à la condition d'y être autorisé par :
- un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;
- ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Bon à savoir : le forfait jour peut être mis en place ou modifié par un « accord de performance collective » (APC). Conformément à l’article L. 2254-2 du Code du travail (tel qu’issu de la loi de ratification des ordonnances Macron réformant le Code du travail du 29 mars 2018, n° 2018-217), cet accord permet en effet d’aménager « la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition », dans l’objectif « de préserver, ou de développer l’emploi », mais aussi, plus largement, pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ».
Leur contenu comporte obligatoirement des mentions spécifiques.
À noter : la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) a la possibilité d'infliger aux employeurs un avertissement ou une amende lorsque l'inspection du travail constate des manquements liés à la durée maximale de travail ou au temps de repos. Cette amende – qui s'applique autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement –, peut atteindre jusqu'à 4 000 € (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel).
Forfait heures
Les forfait heures comportent certaines mentions obligatoires :
- Les catégories de salariés pouvant être forfaitisés.
- La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs.
- Le nombre d'heures comprises dans le forfait.
- Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.
- Les caractéristiques et contenu de la clause organisant le forfait.
Forfait jours
Les forfait jours comportent certaines mentions obligatoires :
- Les catégories de salariés pouvant être forfaitisés.
- La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs.
- Le nombre de jours compris dans le forfait, qui ne peut dépasser 218 jours.
À noter : si le forfait annuel en jours du salarié fixe un nombre de jours travaillés inférieur à 218, le salarié est considéré comme étant à temps complet et non pas à temps partiel (Cass. soc., 27 mars 2019, 16-23.800).
- Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.
- Les caractéristiques et contenu de la clause organisant le forfait.
- Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié.
- Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.
- Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2019, suite à la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 et à la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, dans le cadre des forfaits jours, la majoration de rémunération versée au titre des jours travaillés au-delà de 218 jours par an est exonérée de cotisations salariales d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire d'origine légale et conventionnelle. Le taux de la réduction est égal à la somme des taux de chacune des cotisations dans la limite d'un taux maximum de 11,31 % (décret n° 2019-40 du 24 janvier 2019).
À noter : l'exonération concerne les heures supplémentaires réalisées à compter de 2019, y compris si des heures supplémentaires sont décomptées à l’issue d’une période de référence commencée en 2018 et achevée en 2019 (instruction interministérielle n° DSS/5B/2019/71 du 29 mars 2019).
Pas d'accord sur le forfait jours cadres : application impossible
L'employeur ne peut, de sa propre initiative, faire signer des clauses à ses salariés afin de mettre en place le système du forfait annuel si :
- il n'y a pas d'accord ;
- l'accord ne comporte pas les mentions requises.
S'il le fait, il s'expose :
- à la nullité de la convention de forfait et au retour au droit commun :
- durée du travail appréciée et décomptée dans le cadre de la semaine civile sur une base 35 heures ;
- avec paiement des heures supplémentaires et attribution du repos compensateur le cas échéant ;
- à des demandes de rappels de salaire de la part de ses salariés.
Forfait jours cadres : pas pour toutes les catégories de salariés
Seule une minorité de salariés peut signer une clause de forfait jours ou de forfait heures. Comme le forfait jours est un mode d'organisation du travail dérogatoire, seule une minorité de salariés peut signer ce type de clause.
Les catégories visées sont déterminées par :
- le Code du travail ;
- la convention ou l'accord collectif autorisant le recours aux clauses de forfait annuel.
Bon à savoir : tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
Les salariés qui peuvent signer le forfait annuel en heures sont :
- cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
- salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Exemple : chef de service ou de département, commercial développant lui-même son secteur ou son portefeuille, etc.
Les salariés qui peuvent signer le forfait annuel en jours sont :
- cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
- salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Exemple : chef de service ou de département, commercial développant lui-même son secteur ou son portefeuille, ingénieur chef de projet, rédacteur en chef d'une revue, etc.
Important : à partir du moment où l'employeur intervient dans la fixation ou l'organisation des horaires et/ou de l'activité du salarié, il ne peut soumettre ce dernier à un forfait annuel.
Clause forfait jours : signature obligatoire du salarié
Seule la signature de la clause de forfait par le salarié fait foi et vaut preuve de cet accord. En cas de besoin, l'existence du forfait jours ou du forfait heures annuel est à prouver. Celui qui l'invoque doit en rapporter la preuve.
Il est donc nécessaire qu'il se présente sous forme de document écrit et signé comportant des mentions spécifiques. Il s'agit d'une mention contractuelle qui :
- lie employeur et salarié ;
- manifeste l'acceptation par le salarié du travail selon le système du forfait annuel (heures ou jours) proposé par l'employeur ;
- détermine le volume d'heures ou le nombre de jours de travail du salarié au cours de l'année civile (dans la limite prévue par l'accord collectif instaurant le forfait, ce qui signifie que le nombre de jours prévu par la clause peut être inférieur...) ;
- fixe la rémunération applicable en contrepartie du volume d'heures ou du nombre de jours travaillés ;
- organise, dans le strict respect des règles de l'accord collectif instaurant le forfait, les conditions de son fonctionnement en cas : d'embauche ou passage en forfait jours en cours d'année, maladie, maternité, etc.
Sauf exigences de l'accord collectif instaurant le forfait jours, aucun modèle et/ou mentions obligatoires ne sont prévu(e)s par la loi.
La clause est :
- écrite :
- soit insérée directement dans le contrat de travail ou dans une annexe (hypothèse de l'embauche) ;
- soit ajoutée au contrat sous forme d'avenant (hypothèse d'un passage au forfait heures ou jours d'un salarié déjà embauché mais à 35 heures/semaine) ;
- rédigée de façon à indiquer le/les volume(s) d'heures ou le nombre de jours travaillés dans l'année, rémunération, conditions d'acquisition et de prise des congés payés, etc. ;
- co-signée par l'employeur et le salarié.
À noter : en cas de modification ultérieure de la clause de forfait par l'employeur : l'accord préalable du salarié doit être obtenu et un avenant modificatif doit être rédigé et signé.
Clause de forfait : pas imposée au salarié
La clause de forfait heures ou jours doit être proposée par l'employeur au salarié et non pas imposée.
Forfait jours ou forfait heures : en cas de nouvelle embauche
Lors du recrutement et/ou à l'embauche, elle fait partie intégrante du contenu de la lettre d'embauche ou du contrat de travail :
- le salarié ne peut en discuter les termes (ou rarement) ;
- il n'est libre que d'accepter ou de refuser en bloc les conditions d'embauche offertes par l'employeur dont l'organisation du temps de travail (sous forme de forfait).
Forfait jours ou forfait heures : nouvelle organisation du travail
Si le contrat de travail est déjà en cours :
- le changement d'organisation et de durée du travail qui découle du passage en forfait heures ou jours est une modification du contrat de travail souhaitée par l'employeur ;
- il doit alors respecter une procédure de proposition de modification au salarié (avec formalisme et délai) qui peut refuser la modification.
Important : le forfait jour peut être mis en place ou modifié par un « accord de performance collective » (APC), conformément à l’article L. 2254-2 du Code du travail. Si l’APC instaure le forfait jour : le salarié peut refuser de passer en forfait-jours et ce refus suivra le régime classique du refus d'une modification de son contrat de travail : l'employeur peut maintenir la situation du salarié en l'état ou décider de le licencier. Mais dans ce dernier cas, il devra disposer d'un motif réel et sérieux pour le faire (un motif économique par exemple). Si l’APC modifie une convention de forfait jours existante : le salarié peut refuser de se voir appliquer cette modification. Son licenciement reposera alors sur une cause réelle et sérieuse constituée par le refus même de se voir appliquer l'accord.
Forfait annuel heures, forfait jours : caractéristiques
Voici un tableau récapitulatif des principales caractéristiques du forfait annuel mis en place :
Modalités | Forfait annuel heures | Forfait jours cadres |
---|---|---|
Instauration |
Accord du salarié matérialisé par la signature d'un écrit Accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. |
Accord du salarié matérialisé par la signature d'un écrit Accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. |
Salariés concernés |
Les cadres non soumis à un horaire collectif. Les non-cadres disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. |
Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés. Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. |
Durée du travail forfaitisée |
La convention prévoit un nombre d'heures supplémentaires, sans dépasser la durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail. |
La convention de forfait ne prévoit pas de durée de travail à respecter. Le salarié n'est donc pas soumis au respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail. Maximum : 218 jours. |
Dépassement du forfait | Possible :
|
Possible. Signature d'un écrit (avenant). Limite du dépassement :
|
Rémunération en contrepartie du forfait | 100 % du salaire de base × 1607 heures (équivalent à 35 heures) + 125 % du salaire de base × nombre d'heures prévu entre 1607 et 1975 heures + 150 % du salaire de base × nombre d'heures éventuellement prévu au-delà de 1975. |
Fixée par accord commun employeur + salarié en référence avec emploi occupé et classification conventionnelle. Important : en cas de rémunération trop insuffisante par rapport aux montants imposés par le forfait, le salarié peut saisir le Conseil de Prud'hommes pour se faire allouer une indemnité compensant le préjudice subi en référence au niveau de salaire pratiqué dans l'entreprise. |
Garanties en matière de durée du travail |
Durée maximale quotidienne de travail (10 heures). Durée maximale hebdomadaire (48 heures sur une semaine, 44 heures sur 12 semaines de suite). Repos quotidien (11 heures de suite). Repos hebdomadaire (35 heures de suite). Jours fériés. |
Repos quotidien (11 heures de suite). Repos hebdomadaire (35 heures de suite). Jours fériés. |
Suivi du forfait |
Décompte des heures (documents ou fichiers d'enregistrement du temps de travail : accès délégués du personnel + inspection du travail). Bilan annuel devant le comité d'entreprise (information + consultation). |
Décompte des heures (documents ou fichiers d'enregistrement du temps de travail : accès délégués du personnel + inspection du travail). Suivi personnalisé : entretien annuel avec hiérarchie pour examen :
Bilan annuel devant le comité d'entreprise (information + consultation). |
À noter : si l'employeur découvre qu'un salarié n'était pas éligible à la convention de forfait en heures à laquelle il était soumis, il est en droit de demander le remboursement de jours de RTT accordés à ce salarié. Dans cette situation, le paiement des jours de RTT octroyés en raison de la convention est considéré comme indu (Cass. soc., 4 décembre 2019, n° 18-16.942).
Aussi dans la rubrique :
Durée du travail
Sommaire
- Temps de travail effectif
- Heures supplémentaires
- Limite de durée et d'ajustement des horaires de travail
- Aménagements de la durée du travail
- Jours fériés